I- L’entrée en vigueur de la Convention du travail maritime

La Convention du travail maritime, adoptée à Genève le 7 février 2006 par l’Organisation Internationale du Travail, est la première convention à traiter du droit social spécifique aux gens de mer et à conférer à ses dispositions une force contraignante. Son objectif premier est de consolider et de compléter les conventions et recommandations relatives au travail maritime adoptées par l’Organisation Maritime Internationale, autrement dit la Convention internationale de 1974 pour la sauvegarde de la vie humaine en mer (SOLAS), la Convention internationale de 1978 sur les normes de formation des gens de mer, de délivrance des brevets et de veille (STCW) et la Convention internationale de 1973 pour la prévention de la pollution par les navires (MARPOL). Son second objectif est de renforcer la sécurité maritime des gens de mer et l’attractivité de la profession.
La Communauté européenne s’est particulièrement investie dans l’élaboration et l’adoption de cette Convention. Le Conseil européen n’a donc pas hésité à autoriser les Etats Membres à la ratifier, par une décision n° 2007/431/CE du 7 juin 2007.

Cependant, l’entrée en vigueur de la Convention du travail maritime est soumise à la condition que 30 Etats comprenant au moins 33% du tonnage mondial l’ait ratifiée. Le poids de l’Union européenne n’est donc pas négligeable dans l’application de la Convention, puisque constituée de 27 Etats membres. 13 Etats Membres ont déjà accepté cette ratification, l’entrée en vigueur de la Convention est donc prévue pour le 22 août 2013. La France a d’ores et déjà autorisé la ratification de la Convention au sein de l’Etat français par la loi n°2012 du 29 novembre 2012, publiée le 30 novembre 2012 au Journal Officiel.

II- La force contraignante des dispositions de la Convention

La Convention a été rédigée sous une forme spécifique : en effet, elle est composée d’une règle suivie d’une partie A puis d’une partie B. La partie A rassemble les dispositions d’application obligatoire tandis que la partie B regroupe les principes directeurs qui n’ont pas de force contraignante. L’article VI prévoit que « tout Membre s’engage à respecter les droits et principes énoncés dans les règles et à appliquer chacune d’entre elles de la manière indiquée dans les dispositions correspondantes de la partie A du code. En outre, il doit dûment envisager de s’acquitter de ses obligations de la manière prescrite dans la partie B du code ».

La Convention est divisée en 5 titres : le Titre 1 concerne « Les conditions minimales requises pour le travail des gens de mer à bord des navires », le Titre 2 « les conditions d’emploi », le Titre 3 « Logement, loisirs alimentation et service de table », le Titre 4 « la Protection de la santé, soins médicaux, bien être et protection en matière de sécurité sociale » et le Titre 5 « la Conformité et mise en application des dispositions ».
La plupart de ces titres se rapporte à la sécurité des gens de mer. En effet, le bien être, le confort, les loisirs, le logement sont autant de points qui favorisent la sécurité au travail d’un marin. Plus un marin est reposé, plus il sera à même de respecter les règles de sécurité. A l’inverse, plus un marin est épuisé et plus il aura tendance à faire l’impasse sur sa sécurité et celles de ses collaborateurs.

Cependant, la difficulté des règles de la Convention en matière de protection de la santé et de la sécurité résulte dans ce qu’elles n’ont, dans l’ensemble, pas de force obligatoire. En effet, la Convention énonce une règle générale, ayant une force contraignante, mais ne fait que recommander l’application de guides de bonnes pratiques par la suite.

La règle 4.3 relative à la « protection de la santé et de la sécurité et prévention des accidents » a pour objet de contribuer à l’amélioration de la santé et la sécurité au travail des gens de mer. Dans les trois points définissant cette règle, la Convention dispose que « tout Membre veille à ce que les gens de mer travaillant à bord des navires qui battent son pavillon bénéficient d’un système de protection de la santé au travail et à ce qu’ils vivent, travaillent et se forment à bord des navires dans un environnement sûr et sain ». Elle énonce encore que « Tout membre (…) élabore et promulgue des directives nationales relatives à la gestion de la sécurité et de la santé au travail à bord des navires battant son pavillon ». Enfin, elle précise que « Tout Membre adopte une législation et d’autres mesures au sujet des questions précisées dans le code, en tenant compte des instruments internationaux applicables, et fixe les normes relatives à la protection de la sécurité et de la santé au travail et à la prévention des accidents à bord des navires battant son pavillon ». A l’inverse d’autres règles de la Convention très encadrées dans leur application, il incombe ici aux Etats Membres d’instaurer leurs propres règles en matière de santé et sécurité au travail des gens de mer. Les Etats Membres disposent donc d’une certaine liberté dans l’élaboration de leur règle nationale en la matière.

Néanmoins, la Convention recommande de suivre des directives pratiques, comme par exemple celles du Bureau International du Travail dans « la prévention des accidents à bord des navires en mer et dans les ports », édictée pour la première fois en 1978 et révisée en 1996. Ce recueil semble particulièrement complet, plus que d’énoncer des lignes directrices, il propose aux Etats Membres des plans d’actions dans la prévention des accidents des gens de mer et l’amélioration de leur sécurité. Ses dispositions prévoient différentes situations possibles à bord d’un navire, comme par exemple le travail dans la chambre des machines ou encore le travail sur les ponts et dans les cales et espaces de charge. Chaque point abordé par ce guide de bonnes pratiques décrit de manière exhaustive les moyens d’actions spécifiques aux marins que les Etats Membres peuvent entreprendre. A titre d’exemple, la section concernant l’ancrage propose que « les ancres ou les chaînes présentant des défectuosités devraient être mises hors service; elles devraient être réparées exclusivement par des personnes qualifiées », ou encore que « lorsqu'elles sont inutilisées et entreposées, les ancres devraient être immobilisées pour éviter tout accident ou dommage au cas où le frein du guindeau serait relâché par inadvertance ».

La Convention permet à la fois de respecter la souveraineté des Etats en ce qu’elle n’impose que la règle et non la démarche à suivre, mais également de renforcer et de compléter les règles applicables à la santé et à la sécurité des gens de mer. La Convention prévoit, certes de laisser les Etats Membres libres d’établir leurs propres règles nationales en la matière, mais elle leur recommande néanmoins de se référer à des plans d’actions concrets afin de préserver au mieux la santé et la sécurité des marins.