
L’application de la Directive Cadre Européenne sur l’eau : Des objectifs trop ambitieux ?
Par Soledad LEMBOURG
Juriste Environnement
Sialis
Posté le: 16/02/2013 17:27
A l’échelle mondiale, on constate que les ressources en eau disponibles s’amenuisent. L’activité humaine, le gaspillage, la pollution sont des facteurs qui fragilisent sa pérennité et appauvrissent la qualité de l’eau, mettant ainsi en danger la santé humaine.
Les dégradations physiques infligées aux cours d’eau, tels que les canalisations ou leur détournement sont des exemples entraînant une diminution de la qualité biologique des milieux aquatiques, aboutissant à une dégradation de la qualité de l’eau.
En conséquence les usages traditionnels comme la pêche, l’irrigation ou la baignade se trouvent affectés et la potabilisation de certaines eaux trop dégradées doit être abandonnée.
C’est dans ce contexte que le Parlement Européen adopte le 23 octobre 2000, la Directive Cadre Européenne sur l’Eau.
I. La mise en œuvre de la directive cadre sur l’eau.
L’objectif principal de la directive Cadre sur l’eau est d’atteindre :
- un bon état écologique des eaux et des milieux aquatiques, apprécié selon des critères biologique,
- et un bon état chimique, évalué en fonction de normes de qualité environnementale.
La notion de « bon état » évoqué par la directive, se rapporte principalement à des milieux de très bonne qualité où les peuplements vivants sont diversifiés et équilibrés.
Pour parvenir à évaluer les eaux et les milieux aquatiques d’un bassin, une typologie a donc été mise en place : les masses d’eau.
La Directive préconise de gérer les eaux à l’échelle des grands bassins hydrographiques (qui sont au nombre de six en France métropolitaine) regroupant plusieurs bassins versants, par la mise en place d’un plan de gestion définissant les objectifs à respecter.
Pour la France, qui a transposé la directive par la loi 2004-338 du 21 avril 2004, cette disposition n’est pas nouvelle dans la mesure où elle était déjà dotée d’un plan de gestion des eaux depuis la loi sur l’eau de 1992, intitulé « Schéma directeur d’aménagement et de gestion des eaux » adopté par les Comités de Bassin.
Ce plan de gestion hydrographique exigé par la DCE, est donc institué en France par le SDAGE se composant d’un programme de mesures permettant d’atteindre les objectifs fixés.
Dans le but de construire une politique commune à chaque état membre, la DCE a harmonisé les législations communautaires.
Et, pour s’assurer du respect de ses mesures environnementales elle soumet les Etats membres à une obligation de résultat : l’atteinte d’un bon état écologique des eaux d’ici 2015.
C’est par la mise en œuvre de mesures règlementaires et de programmes de surveillance des milieux, que l’exécution de cette obligation est contrôlée et assurée. On peut citer en exemple l’instauration de la « transparence des coûts », liés à la réparation d’un dommage causé à l’environnement, pour une meilleure application du principe « Pollueur Payeur » énoncé à l’article L 110-1 du code de l’environnement.
Il est l’un des principes fondamentaux qui fondent les politiques environnementales, selon lequel « les frais résultant des mesures de prévention, de réduction et de lutte de la pollution doivent être pris en charge par le pollueur ».
Il appartient donc à chaque Etat membre de mener les opérations fixées par la DCE pour atteindre concrètement le bon état des eaux jusqu’à la date butoir.
II. Qu’en est-il aujourd’hui des objectifs fixés par la DCE ?
L’objectif 2015 est déjà vu comme un échec, malgré les efforts et les stratégies entrepris ces dernières années.
Par exemple, un rapport de l’Agence Européenne pour l’Environnement en 2010 juge que la plupart des Etats n’atteindront pas les objectifs fixés, quand bien même le délai serait aujourd’hui reporté.
Mais encore, certaines critiques accusent la DCE d’avoir accordé beaucoup trop de latitude aux Etats membres, lesquels profitent du bénéfice de dérogations alloué par celle-ci, comme des reports d’échéance.
Beaucoup d’entre eux d’ailleurs ne sont pas à l’abri d’une condamnation par la Cour de Justice, si les obligations prescrites par la DCE ne sont pas respectées.
La France par exemple a été assignée par la Cour de Justice pour son incapacité à lutter contre la pollution des eaux par les nitrates, conséquence de l’agriculture intensive qui constitue le problème numéro 1 de la DCE.
Effectivement, plusieurs constats montrent que le bon état des masses d’eau au sens de la Directive ne sera pas atteint dans les délais, en particulier pour la production agricole.
Les pratiques agricoles intensives ont particulièrement impacté la qualité des ressources souterraines (nitrates et pesticide), car elles n’ont pas pu évoluer suffisamment pour pouvoir se conformer aux exigences de la directive. En effet, plusieurs mécanismes ont tenté d’être mise en œuvre pour atténuer ce type de pollution, mais n’ont pu faire l’objet d’une application positive en raison de leur complexité. A noter également une forte réticence de la profession à leur application.
Non seulement, la qualité de l’eau et des milieux aquatiques s’affaiblit, mais cette pollution est véhiculée par l’intermédiaire d’estuaire ou d’affluents dans les eaux marines.
C’est pourquoi, et pour de nombreuses autres causes, qu’une directive cadre stratégie pour le milieu marin visant à mettre en œuvre des plans d’action en faveur du bon état des eaux marines, a été transposée par la France par le décret d’application de la loi Grenelle 2.