
Les mesures prises par Delphine Batho et Stéphane Le Foll afin d’assurer l’application de la directive "nitrates".
Par JIMMY HUSSON
Posté le: 20/01/2013 0:17
La directive 91/676/CEE du Conseil vise à protéger les eaux contre la pollution par les nitrates d'origine agricole grâce à plusieurs mesures dont la mise en œuvre incombe aux États membres. Ces mesures concernent la surveillance des eaux superficielles et souterraines, la désignation de zones vulnérables, l’élaboration de codes de bonnes pratiques agricoles, l’adoption de programmes d'action et l’évaluation des actions mises en œuvre.
La mise en œuvre de la directive s’effectue en plusieurs étapes. Les États membres doivent:
Identifier les eaux de surface et souterraines touchées par la pollution ou susceptibles de l'être, sur la base d'une procédure et de critères énumérés par la directive (notamment lorsque la concentration de nitrates dans les eaux souterraines ou de surface dépasse 50 mg/l ou quand les eaux de surface sont eutrophiques ou risquent de l'être); désigner les zones vulnérables qui sont toutes les zones connues sur leur territoire qui alimentent les eaux de surface et souterraines touchées par la pollution ou susceptibles de l’être. La directive «Nitrates» prévoit la possibilité pour les États membres d'être exemptés de l'obligation de désigner des zones vulnérables spécifiques, lorsque les programmes d'action sont appliqués à l'ensemble de leur territoire national; établir des codes de bonnes pratiques agricoles, à mettre en œuvre volontairement par les agriculteurs, qui doivent inclure les mesures définis à l'annexe II de la directive; élaborer des programmes d'action, à mettre en œuvre obligatoirement par tous les agriculteurs qui opèrent en zones vulnérables. Ces programmes comportent obligatoirement les mesures répertoriées dans les codes de bonnes pratiques agricoles, ainsi que des mesures additionnelles listées dans l'annexe III de la directive, visant à limiter l'épandage d’engrais minéraux et organiques contenant de l'azote, ainsi que l’épandage des effluents d'élevage.
La directive autorise les États membres à compléter ou renforcer les programmes d'action afin d'atteindre les objectifs de la directive.
Les États membres surveillent la qualité des eaux et appliquent à cette fin des méthodes de mesure de référence standardisées pour les dosages de composés azotés.
La communiqué du 16 janvier indique le classement de 823 communes supplémentaires en zones vulnérables, et rappelle que la France est tenue de se conformer aux exigences communautaires dans le cadre de la directive « nitrate », les sanctions financières encourues étant très lourdes pour le budget national en cas de manquement. L'année 2013 sera consacrée à compléter le programme d'actions national et à élaborer les programmes d'actions régionaux applicables en zones vulnérables.Si 1 440 communes ont été ajoutées à la liste des quelques 18 400 déjà concernées, 617 communes ont été déclassées au vu de l’amélioration de la qualité des eaux superficielles et souterraines, traduisant les efforts réalisés par les agriculteurs dans la maîtrise des pollutions azotées. Dans un autre temps on peut faire état des opinions de la FNSEA et des JA qui lancent une pétition nationale pour demander un moratoire sur l'extension des zones vulnérables et une révision des mesures proposées dans le cadre des cinquièmes programmes. Ils estiment qu’il manque d'éléments scientifiques sur les liens entre les taux de nitrate et l'eutrophisation marine, que l’augmentation requise des capacités de stockage pour des éleveurs n'ayant pas fini de rembourser leurs prêts pour la mise aux normes de leur exploitation ne permet pas d’arriver aux résultats, des définitions hasardeuses des sols gelés et détrempés, un manque de reconnaissance de l'élevage herbager. Par voie de pétition, ils demandent au gouvernement : de mettre en place un moratoire sur l'extension des zones vulnérables dans l'attente d'une vraie étude scientifique et de surseoir à la signature par les préfets coordonnateurs de bassin des arrêtés de délimitation ; de renvoyer au niveau régional la définition des calendriers d'épandage ; de revoir complètement la copie sur le cadrage des cinquièmes programmes d'action dans le cadre de la directive nitrates ; d'arrêter un plan en faveur de la compétitivité de l'élevage français. Or selon la Commission, vingt ans après, la France ne se conforme toujours pas totalement à la directive. La Commission européenne a alors poursuivi Paris, le 27 février 2012, devant la Cour de justice de l'Union pour n'avoir pas pris des mesures suffisamment efficaces et rapides contre cette pollution. A savoir : la France n'a pas désigné comme vulnérables des zones qui le sont au vu des données scientifiques et n'a pas adopté les mesures permettant de lutter efficacement contre ce type de pollution dans les zones mises en cause, fait valoir la Commission. "La Commission demande donc instamment à la France de prendre des mesures en désignant davantage de zones et en élaborant des plans appropriés pour faire face au problème", précise le communiqué. Pour la Commission européenne, la législation française et les programmes d'action adoptés "manquent de précision et présentent de nombreuses lacunes : les périodes d'interdiction sont inappropriées et les restrictions concernant l'épandage des effluents d'élevage et des fertilisants sont insuffisantes.". Or on peut faire une corrélation entre les données scientifiques et le code de la santé publique qui détermine les normes sanitaires pour les eaux destinées à l'alimentation des populations humaines, sous les articles R. 1321-1 et suivants. Un arrêté du 11 janvier 2007, adopté par le Ministre chargé de la santé publique, détermine les limites de qualité (à valeur obligatoire) ou les simples références de qualité (à valeur indicative) applicables aux eaux alimentaires, qui doivent donc être obligatoirement respectées pour les premières, et simplement prises en compte pour les secondes, par tous les distributeurs d''eau non conditionnée (eau du robinet). En matière de nitrates, l’eau alimentaire du robinet ne devant jamais avoir une teneur supérieure à 50 mg/l. Toutefois, l’eau prélevée dans les milieux naturels (ou eau brute) destinées à l’alimentation humaine après captage et distribution au robinet de l’usager, doit respecter des teneurs maximales différentes suivant le milieu de prélèvement : 100 mg/l. pour les eaux souterraines de nappes et 50 mg/l. pour les eaux de surfaces des lacs ou rivières. Une valeur guide indicative de25 mg/l. subsiste pour évaluer la qualité des eaux de surfaces des lacs ou rivières, seuil d’alerte de nature à influencer la filière de potabilisation des eaux. A cela s’ajoute le code de l’environnement qui décide les normes environnementales pour les eaux douces, indépendamment de leurs usages ultérieurs, sous les articles R. 212-9 et suivants. Un arrêté du 17 décembre 2008, adopté par le Ministre chargé de l’environnement, détermine les normes de qualité pour les eaux souterraines, garantes d’un bon état de ces eaux, et notamment d’un bon état chimique. Un arrêté ministériel du 25 janvier 2010, adopté par le Ministre chargé de l’environnement, détermine les normes de qualité pour les eaux de surface, garantes d'un bon état de ces eaux, et notamment d’un bon état écologique (comportant des paramètres physico-chimique soutenant la biologie). En matière de nitrates, l’eau de surface est classée en très bon état environnemental si elle présente toujours une teneur inférieure ou égale à 10 mg/l. L’eau souterraine comme de surface est classée en bon état environnemental si elle ne présente jamais une teneur supérieure à 50 mg/l. Toutefois, une valeur guide indicative de 40 mg/l. (qui peut être réduit pour les eaux souterraines par le préfet coordonnateur de bassin) est déterminé à titre d’alerte, afin d’engager préventivement des mesures de restauration environnementale.
Pour autant Bruxelles avait auparavant adressé une mise en garde à la France le 26 octobre 2011, à la suite de quoi Paris avait changé sa réglementation. "Mais la lenteur des progrès et l'insuffisance des changements proposés ont conduit la Commission à transférer le dossier" à la Cour de justice, a souligné la Commission. Face à cela en décembre 2011 : la France informe la Commission européenne des changements intervenus dans la réglementation nationale concernant « les programmes d’action à mettre en œuvre dans les zones vulnérables ». Ces modifications, négociées avec les organisations agricoles, comportent des dispositions qui affaiblissent la protection de la ressource en eau : relèvement du plafond d’épandage qui passe de 170 kg d’azote par ha de surface épandable à 170 kg/ha de surface totale de l’exploitation (soit en moyenne + 30 %), épandage autorisé sur les couverts végétaux destinés à piéger les nitrates en hiver, modification des normes de production d’azote pour les vaches laitières qui avantagent les élevages intensifs nourris au maïs et pénalisent les élevages herbagers. Le 20 janvier 2012 : La Commission européenne décide d’intégrer à la procédure engagée contre la France pour mauvaise application de la directive nitrates du 12 décembre 1991, les 7 plaintes reçues au sujet de la prolifération des marées vertes sur le littoral de l’ouest de la France. Pour la Commission, l’eutrophisation des eaux côtières provoquée par les apports excessifs de nitrates résulte d’une prévention insuffisante et d’une mauvaise application de la directive du 12 décembre 1991. La Commission avait préalablement adressé une demande d’explications à ce sujet à la France le 18 juillet 2011. Les 2 mai et 11 juillet 2012, la Cour de justice européenne adresse à la France deux requêtes qui concernent la désignation des zones vulnérables jugée trop limitée, et l'insuffisance des plans d'actions. Le gouvernement français fait valoir ses arguments en réponse, les 25 mai et 6 août. L'arrêt de la Cour est attendu au premier semestre 2013.
Le problème récurrent de la pollution aux nitrates dans les rivières bretonnes s'explique par la nature intensive de l'élevage et des cultures dans cette région. La Bretagne représente 7 % de la surface agricole française, mais rassemble 50 % des élevages de porcs, 50 % des élevages de volailles et 30 % des bovins. Les élevages à l’herbe présentent des spécificités et des bénéfices environnementaux reconnus. La Bretagne a la chance d'avoir des nappes phréatiques peu profondes, dites de surface, et surtout l'épaisseur de terre arable est l'une des plus faibles de France (quelques mètres contre quelques dizaines en Beauce par exemple). Il n'y a donc pas d'énormes quantités de nitrates "en lessivage", juste l'équivalent de quelques années d'excédents... En Beauce par contre, ou pire, en Champagne, il faudra plusieurs décennies avant que les nappes phréatiques retrouvent un niveau acceptable... Mais comme il ne s’y trouve pas d'algues vertes là-bas, la pollution aux nitrates sera moins visible.
Les Ministres cherchent à concilier leur rentabilité économique et leur performance environnementale, en limitant les investissements superflus (par exemple, stockage au champ des fumiers compacts pailleux). Stéphane Le Foll a indiqué qu’un plan Énergie Méthanisation Autonomie Azote serait présenté au printemps, en lien avec le plan national biogaz inscrit dans la feuille de route de la transition écologique et avec le débat national sur la transition énergétique organisé par Delphine BATHO. Ce plan vise à développer la production de biogaz dans les régions d’élevage ce qui permettra de valoriser une diminution de la concentration d’azote dans les milieux aquatiques par la valorisation des effluents d’élevage et en remplacement de l’azote minéral (chimique) jusqu’alors utilisé.
A titre d’exemple les 4 départements bretons et la Loire-Atlantique sont classés en zone vulnérable c'est donc la réglementation des programmes d’action de la directive nitrates qui s'applique. Les principales conditions d’épandage de fumier (déjections animales mélangées à de la paille) ou de lisier (mélange d’excréments et d’eau) à respecter, sont fixées par des arrêtés préfectoraux qui reprennent pour l'essentiel l'arrêté ministériel 07/02/2005. Ces textes énoncent les principales dispositions suivantes, mais ils devront être lus en détail pour étudier les cas particuliers. Ils précisent pour les épandages : les jours interdits : Les samedis, dimanches et jours fériés toute l’année, de plus les vendredis en juillet et août ainsi que du 12 au 16 juillet et du 13 au 17 août ; les périodes d’interdiction : calendrier d’épandage départemental ; les distances minimales par rapport aux eaux de surface : 35 mètres d’un cours d’eau, ou 10 mètres si une bande enherbée ou boisée est en place ; à 50 mètres d’une station de captage pour l’eau potable et à 35 mètres des autres forages et puits; à 200 mètres d’un lieu de baignade. Pour l’azote minéral (type III), c’est un minimum de 5 mètre qui est requis pour toutes ces zones sensibles ; les distances minimales par rapport aux tiers : 100 mètres en règle générale pour les élevages de porcs, volailles, veaux de boucherie, et 50 mètres en règle générale pour les vaches laitières ou allaitantes et les élevages ovins et équins ; les situations de forte pente de la parcelle : Epandage des fertilisants de type II interdits si la pente est supérieure à 7 % ; les sols gelés, inondés ou détrempés, enneigés où l’épandage est interdit.
http://europa.eu/legislation_summaries/agriculture/environment/l28013_fr.htm
http://europa.eu/legislation_summaries/agriculture/environment/l28002b_fr.htm
http://www.lemonde.fr/planete/article/2013/01/16/qu-est-ce-que-la-directive-nitrates-denoncee-par-les-agriculteurs_1817648_3244.html
http://www.developpement-durable.gouv.fr/spip.php?page=article&id_article=30772
http://www.lafranceagricole.fr/actualite-agricole/directive-nitrates-une-petition-pour-forcer-le-gouvernement-a-revoir-sa-copie-fnsea-ja-64911.html
http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=LEGITEXT000006051856
http://www.legifrance.gouv.fr/jopdf/common/jo_pdf.jsp?numJO=0&dateJO=20070206&numTexte=17&pageDebut=02180&pageFin=02187