Le projet de loi relatif à la participation du public en matière environnementale, présenté par la ministre de l'Ecologie, Delphine Batho, a été adopté à l’unanimité par le sénat et l’Assemblée nationale en novembre 2012. L’élaboration de ce projet de loi a été précipitée par les déclarations d’inconstitutionnalité, de plusieurs dispositions du Code de l’Environnement prononcées par le Conseil constitutionnel en juillet dernier. En effet, la Haute juridiction constitutionnelle avait estimé ces dispositions non conformes à l’article 7 de la Charte de l’environnement qui consacre, en tant que principe à valeur constitutionnelle, le droit pour toute personne de participer à l'élaboration des décisions publiques. La consécration du droit à l’information et à la participation du public déjà établie dans des Etats comme les Etats Unis et le Canada devenait urgente en France. En ce sens, le projet de loi adopté par le Parlement constitue une véritable avancée juridique. Il constitue la base permettant aux citoyens français de se sensibiliser aux questions environnementales. Jusqu’alors, le pouvoir normatif environnemental, était concentré entres les mains des pouvoirs publics, et les citoyens étaient souvent mal informés.

L’intérêt du projet de loi est qu’il favorise une Démocratie participative. Si ce projet de loi constitue en France, une véritable innovation, une analyse comparative avec le droit de l’Union européenne et le droit des états Tiers en la matière permet de relever certaines de ses lacunes.


I- CHAMP D'APPLICATION DE CE PROJET DE LOI:

Le projet de loi constitue une avancée juridique, en ce qu’il consacre la participation des citoyens à tous les projets publics en modifiant certaines dispositions du Code de l’environnement.

Il s’agit de :

-L’article L 110-1 du Code de l’environnement : les nouveaux alinéas 4 et 5 tels qu’issus du projet de loi prévoit pour toute personne un droit d’accès aux données environnementales et détenues par les autorités publiques ainsi qu’un droit d’information sur les projets de décisions ayant une incidence sur l’environnement. En d’autres termes, la seule qualité de citoyen suffit pour formuler des observations sur des décisions administratives à la condition d’être concerné. La qualité des citoyens est reconnue à des personnes physiques, des acteurs du monde associatif ou à des entreprises.

-L'article L. 120-1 du même Code : ce nouvel article exclut la participation du public aux décisions individuelles. Toute fois, il est laissé au gouvernement, la possibilité d’adopter par ordonnance avant le 1er septembre 2013, les autres domaines auxquels le principe de participation du public ne sera pas appliqué.

- L’article L120-1 II du Code de l’environnement: il prévoit qu’une fois le projet de décision publié par voie électronique, les citoyens ont la possibilité de formuler des observations par e-mail ou par voie postale, et doivent les faire parvenir à l’autorité administrative dans un délai supérieur à 21 jours (et non plus à 15 jours).

-L’article L. 914-3 du code rural et de la pêche maritime : tel qu’issu du projet, le nouvel article prévoit la participation du public à l’élaboration des décisions adoptées en application de la législation nationale ou du droit de l’Union européenne et qui sont relatives à la pêche maritime et à l’aquaculture marine.

-L’article L 141-1 du Code de l’environnement : ce nouvel article renforce la sécurité juridique des associations agréées de protection de l'environnement et la transparence de leurs activités. A cette fin, il prévoit d'attribuer l'agrément des associations pour une durée limitée dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat pour le territoire sur lequel l'association exerce ses activités.

- L 133-1 à L 133-4 du Code de l’environnement : ces deux articles élargissent les compétences du nouveau Conseil national de la transition écologique qui a vocation à remplacer le Comité national du développement durable et du Grenelle de l'environnement. Les avis de celui-ci seront également soumis à consultation du public par voie électronique.

La participation du public vise à garantir une sécurité juridique en matière environnementale et également une transparence s’agissant des projets de décisions. Cependant, cette participation pourrait être utilisée contre des projets environnementaux comme le souligne Raymond Léost. Il faudrait alors, envisager une contre expertise, avec l’insertion éventuelle d’un tiers arbitre. L’institution d’une telle autorité, dans certains Etats tiers témoignent des lacunes du projet de loi en matière de participation du public.


II- ANALYSE COMPARATIVE AVEC LE DROIT DE L'UNION EUROPEENNE ET LE DROIT DES ETATS TIERS:

Dans le domaine européen, la base juridique pour la participation du public est la directive du 28 janvier 2003 qui applique en substance, la Convention d’Aarhus entrée en vigueur le 30 octobre 2001. Les deux grands objectifs de la Directive sont de garantir le droit d'accès aux informations environnementales détenues par les autorités publiques ou pour leur compte et de s'assurer que ces mêmes informations environnementales soient diffusées auprès du public au sens large et de parvenir à une diffusion systématique. En 2007, le Traité de Lisbonne avec les articles 10 et 11, relatif à la démocratie participative indique qu’il faut de la transparence concernant les décisions publiques à travers une « large consultation ».

L’Union européenne a une politique de consultation du public bien établie notamment, via la mise en place d’un médiateur européen. Lorsqu’une instruction est communiquée au service de la Commission, le médiateur est habilité à recevoir et instruire les plaintes croissantes pour mauvaises consultations.

Au Costa Rica également, un secrétariat technique et une commission mixte ont été mis en place pour articuler les diverses règles sur l’environnement et actualiser et harmoniser l’ensemble des textes. Au Québec c’est un Bureau d'audiences publiques sur l'environnement qui a été mis en place. Cet organisme consultatif et indépendant, est chargé d'informer et de consulter la population sur les dossiers relatifs à l'environnement, organise des audiences publiques mais aussi, des procédures de médiation. Il faudrait que la France prévoit également un organisme spécialisé en la matière, composé éventuellement d’experts afin de filtrer les mauvaises consultations.

Alors qu’en Belgique, le principe de participation au public s’applique à l’élaboration des décisions relatives aux installations classées ayant des incidences sur l’environnement, la France a écarté cette possibilité.

Enfin, le délai minimum de consultation du public fixé à 21 jours est bien inférieur de celui fixé aux Etats unis, qui sont considérés comme un modèle en la matière. Les consultations sont de minimum 60 jours. Au Canada également, le temps de consultation est plus long qu’en France, soit 45 jours pour tout règlement ou 60 jours s’il s’agit d’une loi sur la qualité de l’environnement. Depuis janvier 2012, la durée de consultation de l’Union européenne est passée de 8 à 12 semaines, il est curieux que la France ne suive pas ce mouvement.