
L’obligation de la coordination dans le chantier
Par Bo HAN
Posté le: 15/09/2012 22:37
Les chantiers du bâtiment et des travaux publics se différencient nettement des établissements industriels en ce qu'ils constituent des lieux de travail souvent instables et toujours de durée limitée. Les travaux s'exécutent à des niveaux variant constamment, que ce soit en hauteur ou en dessous du niveau naturel des terres.
Les règles générales de prévention ne sauraient suffire aux chantiers qui connaissent, certes, les risques communs (électricité, incendie, machines, etc.), mais se heurtent aussi aux problèmes posés par les niveaux auxquels s'exécutent les travaux et le caractère provisoire des installations de chantier.
C'est pourquoi une réglementation spécifique, le décret n°65-48 du 8 janvier 1965, s'appliquait aux entreprises "dont le personnel effectue, même à titre occasionnel, des travaux de terrassement, de construction, d'installation, de démolition, d'entretien, de réfection, de nettoyage, toutes opérations annexes et tous autres travaux prévus par le présent décret, portant sur des immeubles par nature ou par destination".
Ce décret de 233 articles répartis en 16 titres définissait les mesures spéciales de protection et de salubrité applicables sur les chantiers.
Le décret du 1er septembre 2004 relatif à l'utilisation des équipements de travail mis à disposition pour des travaux temporaires en hauteur a abrogé 84 articles sur les 233 que comptait le décret du 8 janvier 1965 modifié et créé, pour les remplacer, 18 articles du code du travail.
Le décret du 8 janvier 1965 a été abrogé par le décret du 7 mars 2008 relatif à la partie réglementaire du code du travail et ses dispositions intégrées dans la partie réglementaire du nouveau code.
En plus, la loi n°76-1106 du 6 décembre 1976 relative au développement de la prévention des accidents de travail et des décrets d’application mettent en place des outils spécifiques pour chaque intervenant.
Parallèlement, la directive cadre européenne n°89/391 du Conseil des communautés européennes en date du 12 juin 1989 édicte les principes généraux concernant la prévention des risques professionnels et la protection de la sécurité et de la santé ; directive sur la base de laquelle était arrêtée trois ans plus tard la directive particulière n°92/57 du 24 juin 1992 qui instaure la démarche de coordination de la sécurité et fixe par ailleurs les prescriptions minimales de sécurité et de santé à mettre en œuvre sur les chantiers temporaires et mobiles.
La chaque Etat membre conserve toutefois la faculté de maintenir ou d’établir des mesures de protection plus strictes compatibles avec la directive.
La directive cadre du 12 juin 1989 introduit au plan normatif divers principes de prévention dont celui de l’évacuation en amont des risques et facteurs de risques professionnels auxquels les travailleurs peuvent être exposés. Le devoir d’évacuation a priori des risques par l’employeur constitue le principe majeur du droit français en ce domaine depuis la transposition de la directive par la loi n°91-1414 du 31 décembre 1991.
L’ensemble des textes subséquents qui régiront ensuite le secteur du BTP se réfèreront désormais à ces principes.
S’agissant de la directive du 24 juin 1992 spécifique aux chantiers, elle apporte des innovations structurantes en faveur de la prévention souhaitée par les pouvoirs publics. Ces dispositions visent tous les chantiers où s’effectuent des travaux de bâtiment ou de génie civil.
Si l’on s’en tient aux textes en vigueur et spécialement l’article L. 235-3 du code du travail issu de la loi du 31 décembre 1993, l’intervention d’un coordinateur suppose deux éléments : un chantier de bâtiment ou de génie civil et l’intervention prévue de plusieurs entreprises ou travailleurs indépendants.
Des critères supplémentaires permettent d’affiner les caractéristiques des chantiers soumis à la coordination : l’existence de travaux générant des risques liés à la coactivité des entreprises et leur réalisation dans un chantier clos et indépendant.
Par ailleurs, la définition du champ des opérations concernées par la coordination de la sécurité requiert de les discerner d’opérations similaires mais qui restent soumises toutefois par le code du travail à un dispositif de prévention différent lorsqu’elles doivent, pour l’essentiel, se réaliser au sein d’un lieu de travail maintenu en activité.
Une coordination en matière de sécurité et de protection de la santé doit être organisée pour tout chantier mettant en présence au moins deux entreprises ou travailleurs indépendants.
Cette coordination doit être assurée, tant au cours de la conception de l'étude ou de l'élaboration du projet, qu'au cours de la réalisation de l'ouvrage.
Le maître d'ouvrage désigne un coordonnateur pour chacune des deux phases ou pour l'ensemble de celles-ci.
Si le coordonnateur désigné pour la phase de réalisation est distinct de celui nommé pour la phase de conception, sa désignation doit intervenir avant le début de la phase de préparation du chantier.
Dispositions applicables aux opérations de bâtiment ou de génie civil dont la phase de conception, d'étude ou d'élaboration a débuté après le 1er octobre 2003 sont les suivantes :
Le maître d'ouvrage désigne un coordonnateur sécurité et protection de la santé (SPS) dès le début de la phase d'élaboration de l'avant-projet sommaire au sens de l'article 4 du décret n° 93-1268 du 29 novembre 1993 relatif aux missions de maîtrise d'œuvre confiées par les maîtres d'ouvrage publics à des prestataires de droit privé. Il s'agit de l'avant-projet dont l'objectif est d'apprécier la composition générale en plan et en volume, les volumes intérieurs et l'aspect extérieur de l'ouvrage, de proposer les dispositions techniques, de préciser un calendrier de réalisation et d'établir une estimation provisoire.
Lorsque le maître d'ouvrage désigne pour la phase de réalisation de l'ouvrage un coordonnateur distinct de celui de la phase de conception, cette désignation doit intervenir au plus tard avant le "lancement de la phase de consultation des entrepreneurs" et non plus avant le "début de la phase de préparation du chantier".
Malgré la généralité des termes employés par le législateur, l’Administration considère que toutes les situations ainsi visées ne relèvent pas du champ de la coordination. Elle s’appuie sur la notion de chantier qui présuppose d’une part que les divers travaux se déroulent en un même lieu et d’autre part, que ces travaux concourent à la réalisation d’un objectif qu’au regard d’un projet global conçu préalablement par le maître d’ouvrage et non comme des prestations sans cohérence entre elles.
La mise en œuvre de la coordination fait appel à diverses démarches opérationnelles par les intervenants qui se structurent autour d’outils imposés par la réglementation : registre-journal, dossier d’intervention ultérieure sur l’ouvrage, plan général de coordination, plans particuliers des entreprises, déclaration préalable, collège interentreprises.
La mission de coordination se déroulant sous la responsabilité du maître d’ouvrage (C. trav., art. R. 238-18), plusieurs types de contraintes doivent préoccuper ce dernier aux plans administratif, contractuel, organisationnel et matériel.
Dès la désignation du coordinateur compétent au début de l’élaboration de l’avant-projet sommaire, le maître d’ouvrage s’assure que le coordinateur :
• établit, dès la phase de conception et adapte ensuite s’il y a lieu, le plan général de coordination lorsque le chantier fait l’objet de la déclaration préalable ou s’il comporte un ou des travaux dangereux définis par l’arrêté du 25 février 2003 (C. trav. Art. L.235-15)
• ouvre le registre-journal de la coordination dès la signature de son contrat (C. tra. Art. R.238-24)
• constitue le dossier d’intervention ultérieure sur l’ouvrage (C.tra. art. L. 235-15)
L’objet de contrats ou d'avenants spécifiques écrits et la mission du coordonnateur sont rémunérés directement. Si le coordonnateur est un agent du maître d'ouvrage lié à celui-ci par un contrat de travail, la mission de coordination fait l'objet d'un document écrit permettant d'individualiser chaque opération.
Il appartient alors au maître d'ouvrage de rédiger une lettre de mission précisant l'étendue de la mission confiée au coordonnateur, notamment en ce qui concerne l'autorité, les moyens et les modalités de sa présence sur le chantier, dans les conditions prévues à l'article R. 4532-6 du code du travail. Si la rémunération doit être distincte, il n'est pas précisé qu'elle est forcément supplémentaire. Mais il n'est pas nécessaire d'établir une feuille de paie spécifique.
Le maître d’ouvrage adresse une déclaration préalable à l’inspection du travail au plus tard lors du dépôt du dossier de permis de construire ou au moins 30 jours avant le début des travaux si le permis n’est pas requis, lorsque l’opération comporte un effectif prévisibles devant dépasser 20 travailleurs à un moment quelconque des travaux et que sa durée soit excéder 30 jours ouvrés ou lorsque le volume de l’opération doit excéder 500 hommes-jours.
La circulaire DRT n° 96-5 du 10 avril 1996 précise que la mission de coordonnateur peut être confiée à un fonctionnaire ou à un agent de la fonction publique territoriale ou de la fonction publique hospitalière, et qu'alors "les expressions employées en matière de contrat de travail, qui sont celles du droit privé, sont à adapter mutatis mutandis pour les rendre applicables en droit administratif".
Cette énonciation s'étant bornée à donner une interprétation dépourvue de toute portée normative, donc de tout caractère réglementaire, le Conseil d'État a rejeté une requête en annulation formulée contre elle par plusieurs associations de techniciens de la fonction publique.
Le contrat étant un contrat direct entre le coordonnateur et le maître d'ouvrage, la sous-traitance de la mission de coordination ne peut pas être envisagée. En effet, il ressort des principes définis par la loi du 31 décembre 1975 sur la sous-traitance qu'il ne peut y avoir de liens contractuels entre le maître d'ouvrage et un sous-traitant.
S'il s'agit d'un marché public, le contrat doit se référer au cahier des clauses administratives générales applicables aux prestations intellectuelles (CCAGPI), lorsque la mission est confiée à une personne de droit privé. Il doit, évidemment, obéir aux conditions exigées par le code des marchés publics et par la loi du 12 juillet 1985 relative à la maîtrise d'ouvrage publique et ses rapports avec la maîtrise d'œuvre privée, lorsque le coordonnateur désigné est un maître d'œuvre soumis à cette législation.