
L’obligation de réhabilitation du parc tertiaire : point sur les limites et compensations financières
Par Romain PLATEL-PARIS
Juriste en charge de l'environnement, securite, qualite et Marketing
PSA
Posté le: 15/09/2012 14:34
Si l’ensemble des propositions formulées par le présent rapport ont vocation par le biais des travaux de réhabilitation, à amener une diminution globale de la consommation énergétique des bâtiments du tertiaire en France, il n’en demeure pas moins qu’au vue de son ampleur, l’obligation de travaux fera l’objet de certaines exceptions et aura pour effet d’induire des dépenses que certains propriétaires de locaux commerciaux ne peuvent que difficilement assumer. Ces dépenses se devront donc d’être soutenables et encouragées par des mesures incitatives.
A) Les exclusions du rapport
Pour la rédaction du présent rapport, huit groupes ont été créés parmi lesquels les utilisateurs des immeubles qu’ils soient propriétaires ou locataires, les investisseurs, les professionnels de la construction ou encore les architectes et bureaux d’études. Chacun a donc pu exprimer ses réserves et notamment les propriétaires de locaux commerciaux inquiets de l’impact du décret d’application du nouvel article L.111-10-3 du Code de la construction et de l’habitation sur leur budget fragilisé par la crise. Seraient concernées en premier lieu par cette éventuelle exclusion les PME et TPE aux réserves financières limitées et pour lesquelles il serait difficile de s’adjoindre les compétences adéquates. Les structures plus importantes pourraient également se voir offrir des obligations allégées en fonction de la situation de la concurrence internationale.
Le rapport prévoit en conséquence trois motifs d’exclusion de certains immeubles, fonction de sa nature, de sa taille, avec l’inclusion d’un seuil de surface, et de sa structure juridique, à savoir la surface incluse dans une copropriété. Néanmoins, les rapporteurs ne se prononcent pas réellement sur les modalités de détermination de l’opportunité d’exclure certains immeubles. Ils se contentent ainsi de préciser que ce choix devra se faire dans le respect de l’objectif de réduction de 38% des consommations d’ici à 2020.
Les rapporteurs, relativement à ces diverses exclusions d’immeuble de l’application du décret, se calquent sur le droit européen tout en y apportant des modifications fondées sur un certain réalisme. Ainsi, il était prévu initialement que seuls « les bâtiments indépendants d’une superficie utile totale inférieure à 50 m2 » pourraient se voir exonérer, considérant leur surface, des exigences en matière de performance énergétique. Considéré comme initialement trop ambitieux par les intervenants, le rapport ne retient pas dans l’immédiat cet objectif, préférant lui substituer un calendrier. Ce calendrier prévoit de fait la réduction progressive de la valeur du seuil de surface pour l’application du décret de 1000 m2 jusqu’en 2014, 500 m2 jusqu’en 2017 et enfin appliquer en 2018 le seuil de 50 m2 prévu par la directive.
Concernant les autres exclusions prévues à l’article 4.2 de la directive 2010/31/UE relativement à la nature de l’immeuble, le rapport prévoit d’adjoindre entre autres à cette liste : les ateliers ou locaux de production annexes aux bureaux ou aux commerces, les locaux chauffés à moins de 12C°, et les entrepôts frigorifiques et les entrepôts relevant du classement ICPE assimilables à des locaux industriels.
Les propriétaires de locaux commerciaux peuvent donc espérer que le décret prendra en compte les propositions du présent rapport dans la mesure où les exclusions suscitées pourraient leur permettre d’échapper encore un temps à leur obligation de réhabilitation de leur local et de renforcer leur trésorerie en attendant l’échéance.
B) La soutenabilité des dépenses
Les travaux de réhabilitation en matière de performance énergétique sont extrêmement couteux à réaliser et pèsent lourd sur les finances d’un commerce. En conséquence, et en vertu de ce que prévoit d’ors et déjà la directive 2010/31/UE selon laquelle il est nécessaire d’atteindre l’équilibre optimal entre l’investissement initial et les dépenses énergétiques économisées suite aux travaux sur toute la durée de vie du bâtiment, le rapport relatif à la rédaction du décret organisant l’obligation de travaux de rénovation énergétique dans le parc tertiaire retient que les dépenses liées à ces dits travaux doivent être soutenables. Ces dépenses ne doivent pas venir entraver la bonne marche de l’entreprise ni impacter son existence même, que ce soit, à court, moyen ou long terme.
De fait, sans garde-fous, le décret ne ferait que décourager les acteurs du secteur tertiaire et réduire l’effectivité de la loi Grenelle 2. Il s’agit donc selon les rapporteurs d’insister sur le retour sur investissement.
Dans cette optique, le rapport retient qu’il s’agit de distinguer selon la nature des travaux réalisés, à savoir petits, moyens ou importants à l’image de la distinction réalisée par le Rapport Ortega relatif au contrat de performance énergétique. Sur cette base, il conviendra ensuite de vérifier si ces travaux permettent un retour sur investissement maximal respectivement sur 5, 10 et 20 ans selon leur nature. Dans le cas contraire, le propriétaire pourrait ne pas être dans l’obligation d’y procéder. En dernier lieu, le rapport propose d’affiner le rapport dépenses/retour sur investissement en fixant un mode de calcul basé sur un coût de l’énergie évoluant dans le temps avec un taux de croissance constant fixé de manière conventionnelle.
C) Des mesures incitatives
Si les Recommandations relatives à la rédaction du décret organisant l’obligation de travaux de rénovation énergétique dans le parc tertiaire entre 2012 et 2020 prévoient un certain nombre de limites et de garde-fous autour de l’obligation de réhabilitation, il n’en demeure pas moins que des mesures incitatives restent la condition sine qua non de l’effectivité et de l’efficacité du décret d’application projeté.
Les participants au présent rapport ont travaillé en gardant à l’esprit qu’au vue de la situation actuelle des finances publiques, il convenait d’être réaliste et raisonnable économiquement parlant. De fait, certaines des idées avancées par les rapporteurs représentent un coût nul.
Parmi les idées proposées, celle de « rétablir l’éligibilité des personnes morales de droit privé […] aux certificats d’économie d’énergie » et les associer à un crédit d’impôt, de « permettre un amortissement accéléré sur 12 mois des dépenses liées aux équipements de mesure et de gestion performants » ou « un amortissement étalé pour les pertes non amorties lors de la réalisation de travaux d’amélioration énergétiques ». Globalement, les mesures en la matière impliquent crédits d’impôts et autres abattements fiscaux.
En dernier lieu, le rapport propose diverses mesures destinées à optimiser la mise en œuvre du décret d’application. Il encourage à recourir au contrat de performance énergétique et à mettre sur pied dans les immeubles de grande taille un plan de progrès précisant les actions réalisées et celle encore à mettre en œuvre pour atteindre les objectifs fixés. Il conseille également de rendre obligatoire l’affichage des consommations énergétiques dans les immeubles et de clarifier l’application de la Réglementation Thermique Globale ou par Eléments, ces deux réglementations concernant le bâti existant, vis-à-vis du décret projeté notamment concernant leur effet cumulatif éventuel.
En résumé, le rapport présenté ici poursuit clairement l’objectif de rendre la loi Grenelle 2 applicable le plus rapidement possible, au plus grand nombre et surtout dans les meilleurs conditions possibles afin d’éviter tout rejet de la part des acteurs concernés. Les propriétaires parmi lesquels les propriétaires de locaux commerciaux ont été entendus et un consensus a pu être atteint, comme le confirment les propositions du présent rapport. Le but n’était pas ici d’imposer arbitrairement des obligations mais de créer un mouvement, une prise de conscience générale permettant d’atteindre des objectifs ambitieux mais atteignables de réduction des consommations énergétiques.