La loi du 12 Juillet 2010 portant engagement national pour l’environnement a fait de l’amélioration de la performance énergétique du bâtiment l’une de ses priorités en multipliant les contraintes destinées à atteindre l’objectif de 38% de réduction de la consommation d’énergie dans ce secteur d’ici à 2020 fixé par la loi Grenelle 1. Son article 3 constitue l’une des mesures les plus marquantes et potentiellement l’une des plus efficaces de cette loi Grenelle 2. Il crée l’article L.111-10-3 du Code de la construction et de l’habitation et dispose que « des travaux d’amélioration de la performance énergétique sont réalisés dans les bâtiments existants à usage tertiaire ou dans lesquels s’exerce une activité de service public dans un délai de huit ans à compter du 1er Janvier 2012 ». Cet article introduit donc une obligation claire et sans équivoque de réhabilitation du parc tertiaire dans un délai de huit ans, parc tertiaire dont font partie les locaux commerciaux.

Les modalités de cette réhabilitation, toujours selon l’article 3 de la loi du 12 Juillet 2010, seront fixés par un décret en Conseil d’Etat qui déterminera « la nature et les modalités de cette obligation de travaux, notamment les caractéristiques thermiques ou la performance énergétique à respecter, en tenant compte de l'état initial et de la destination du bâtiment, de contraintes techniques exceptionnelles, de l'accessibilité des personnes handicapées ou à mobilité réduite ou de nécessités liées à la conservation du patrimoine historique. Il précise également les conditions et les modalités selon lesquelles le constat du respect de l'obligation de travaux est établi et publié en annexe aux contrats de vente et de location ». Or à ce jour, aucun décret relatif à ce texte n’a été adopté dans la mesure où son application pose de nombreuses difficultés et nécessite une concertation avec l’ensemble des acteurs du bâtiment concernés par cette nouvelle obligation.

En conséquence, Philippe PELLETIER, président du comité stratégique du Plan Bâtiment Grenelle a chargé Maurice GAUCHOT de publier un rapport relatif à l’obligation de travaux de rénovation énergétique dans le parc tertiaire existant entre 2012 et 2020, rapport destiné à permettre la rédaction du décret d’application de l’article L.111-10-3 du Code de la construction et de l’habitation.

Ce rapport rassemblant 32 propositions et rendu en Novembre 2011 formule notamment des propositions en faveur de l’amélioration de la performance énergétique du parc.


Le Rapport relatif à la « rédaction du décret organisant l’obligation de travaux de rénovation énergétique dans le parc tertiaire entre 2012 et 2020 » a usé comme référence de l’objectif de réduction de 38% de la consommation énergétique fixé par la loi Grenelle 1. L’ensemble du rapport a donc été irrigué par la volonté d’initier des obligations de résultat et non de moyens, identiques pour l’ensemble du parc tertiaire. Il a de fait été nécessaire d’opter pour un mode de suivi de la consommation énergétique, fixer des objectifs de réduction de cette consommation et prendre en compte l’impact de ces mesures sur la relation propriétaire-locataire.


A) Le suivi de la consommation énergétique

En premier lieu, le but du rapport sur l’obligation de rénovation du parc tertiaire a été de déterminer un outil de suivi de la consommation énergétique applicable à l’ensemble des 480 millions de m2 des bâtiments du secteur tertiaire privé.

La Réglementation Thermique 2012 instituée par le décret du 26 Octobre 2010 prévoit déjà un mode de suivi de la consommation par le monitoring de cinq usages que sont « le chauffage, le refroidissement, l’eau chaude sanitaire, l’éclairage et les auxiliaires de chauffage, de refroidissement, d’eau chaude sanitaire et de ventilation ». Les rapporteurs auraient pu simplement réutiliser ces critères qui d’un point de vue théorique semblent parfaitement adaptés. Ils ont cependant opté pour une solution alternative dans la mesure où, le rapport concernant les bâtiments existants, installer du matériel destiné à surveiller les consommations des cinq postes précités, aurait été non seulement extrêmement long à mettre en place mais également financièrement coûteux.

Le choix des rapporteurs s’est de fait porté sur la consommation la plus simple à surveiller : la consommation globale. Ce choix constitue la proposition n°4 du présent rapport selon laquelle il s’agit donc de « prendre en compte la consommation énergétique tous usages (consommation globale) pour le suivi des réductions des consommations » et, proposition n°5, d’« utiliser l’énergie finale pour le suivi de la consommation, c'est-à-dire celle inscrite sur les factures d’énergie ».

Sur cette base, les rapporteurs recommandent que, selon la proposition n°7, « la communication des consommations énergétiques [devra être faite] par le propriétaire de manière déclarative », proposition que vient compléter la proposition n°8 qui prévoit pour les locataires l’obligation « de communiquer à leurs propriétaires les valeurs annuelles de leurs consommations énergétiques ». Cette déclaration qui devrait être annuelle permettra ainsi de suivre plus efficacement l’avancement de la réhabilitation des bâtiments tertiaires sur l’ensemble du territoire uniquement par le biais de leur consommation énergétique.

Par conséquent, les propriétaires de locaux commerciaux, concernés au premier chef, se devront de suivre de près leurs consommations énergétiques et de les remonter annuellement.


B) Les objectifs à atteindre

Si les propriétaires de locaux seront responsables du suivi de leurs consommations énergétiques, ils seront également dans l’obligation d’atteindre certains objectifs d’ici à 2020.

La fixation de cet objectif, tout comme les modalités de suivi de la consommation, représente une gageure dans la mesure où il est impossible d’établir un objectif en valeur absolue, à savoir un objectif de consommation de X kWh par mètre carré et par an, dans la mesure où à chaque type d’immeuble ou chaque type d’activité qui s’y déroule implique des consommations d’énergies extrêmement variées. L’objectif fixé en valeur absolue pourrait donc s’avérer parfaitement arbitraire et irréaliste par rapport à la situation initiale de l’immeuble et surtout considérant l’esprit de la loi Grenelle 2 qui est d’insuffler de l’effectivité dans le droit de la construction en matière de performance énergétique.

Le rapport sur l’obligation de rénovation du parc tertiaire propose donc dans un premier temps d’user du diagnostic de performance énergétique et plus précisément le DPE 6-3 tertiaire, outil consacré par la loi du 12 Juillet 2010, afin de déterminer l’étiquette énergétique du bâtiment ou du local puis dans un second temps, sur la base de ce diagnostic et de sa consommation globale, imposer au propriétaire l’obligation de gagner d’une à deux classes de consommation énergétique avant 2020. Ainsi comme le retient le rapport, le propriétaire aurait à gagner « deux tranches s’il est dans les catégories H et I, une tranche s’il est dans les catégories D, E, F ou G ». Aucun objectif ne serait fixé pour les catégories A, B ou C.

Cette solution a l’avantage d’être adaptable à l’ensemble des bâtiments tertiaires existants et à leur très grande hétérogénéité tandis qu’elle encourage les mauvais élèves à évoluer plus vite.

Le rapport précise ensuite les modalités pour atteindre les objectifs suscités. Ainsi quant au calendrier, le rapporteur propose d’« imposer un objectif de réduction de la consommation énergétique : de 25% au minimum, de 2012 jusqu’au 31.12.2014 ; révisable à la hausse dès 2015 ». L’année de référence choisie quant à elle pour la déclaration devra être comprise entre 2006 et 2011 inclus.

Le propriétaire d’un local commercial devra donc en conséquence procéder à tous les travaux de réhabilitation nécessaires afin de parvenir au saut de classe de consommation énergétique qui lui aura été imposé dans les délais prévus. Dans ce cadre, les rapporteurs ont également souhaité élargir la notion de travaux prévue à l’article L.111-10-3 du Code de la construction et de l’habitation et proposent d’« inclure dans l’acception des travaux de rénovations énergétiques, les actions d’amélioration de la gestion technique et de la maintenance des bâtiments ainsi que les actions sur le comportement des utilisateurs ».

C) La relation propriétaire-locataire

Le rapport fait une distinction notable entre les deux catégories de propriétaires que sont les propriétaires qui utilisent eux-mêmes leur immobilier et ceux distincts des utilisateurs de leurs immeubles. Si la première catégorie, majoritaire en France, ne pose pas de difficultés en termes d’applicabilité des propositions suscitées, la deuxième catégorie nécessite des ajustements particuliers. Ainsi dans le respect de l’esprit de la loi Grenelle 2, le rapport propose de favoriser et encourager les rapports constructifs et les échanges entre les parties au contrat de bail et notamment au contrat de bail commercial.

En effet, dans le cadre de l’article L.111-10-3 du Code de la construction et de l’habitation, le propriétaire est dans l’obligation d’améliorer la performance énergétique de son local ou de son immeuble en procédant à des travaux de réhabilitation tandis que le locataire se doit d’adopter, dans le cadre du bail, des pratiques favorables aux économies d’énergies. Si le propriétaire du local commercial souhaite remplir les objectifs fixé par l’article précité, il devra donc entamer le dialogue et instaurer une relation de confiance avec son preneur.

Première proposition en la matière formulée par le rapport, le renforcement du rôle de l’annexe environnementale par l’élargissement de son champ d’application. De fait, dans la mesure où la loi Grenelle 2 encourage le dialogue entre preneur et bailleur notamment via l’information obligatoire du premier envers le second concernant sa consommation énergétique, il est parfaitement logique de vouloir encourager la pratique du « bail vert » en abaissant son seuil d’application « à 1000m2 et/ou à l’immeuble et non plus au lot ».

Le bailleur pourrait également encourager le preneur à adopter un comportement adapté en lui remettant un « mode d’emploi vertueux de l’immeuble [ou du local] dès 2012 et après chaque campagne de travaux » ou encore « utiliser les périodes de vide locatif pour réaliser les travaux importants ». Concernant ce dernier point, celui-ci a vocation à faciliter les rapports entre les parties, les rapporteurs ne souhaitant pas offrir au bailleur la possibilité de résilier unilatéralement le bail pour cause de travaux. Ils ont ici recherché un équilibre entre intérêts du propriétaire et intérêts du locataire. De fait, il s’agit pour le bailleur d’éviter de voir sa responsabilité engagée en cas de non atteinte des objectifs qu’il devait atteindre en 2020 sous prétexte qu’il n’aura pu réaliser les travaux nécessaires du fait de la présence du preneur. De même, il s’agit selon le rapport d’éviter que les éventuels travaux n’impactent l’activité normale du locataire.

Il est également envisageable que le bailleur d’un local commercial ayant accompli toutes les diligences, réalisé l’ensemble des travaux de réhabilitation nécessaires à l’atteinte de son objectif de réduction des consommations énergétiques, soit confronté à un comportement préjudiciable de son locataire l’empêchant d’atteindre son dit objectif. Dans ce cas, le rapport prévoit que la possibilité d’accorder « aux propriétaires la possibilité de prouver ses efforts, sur la base du gain théorique des travaux réalisés, lorsque le locataire ne fait pas bon usage des travaux ».