Le maître d’ouvrage s’il estime avoir subi des désordres consécutivement à des travaux de réhabilitation réalisés pourra chercher à engager la responsabilité du maître d’œuvre ou de l’entrepreneur sur le fondement de la responsabilité spécifique des constructeurs. Néanmoins, il convient de préciser dans quelles conditions le constructeur pourra s’exonérer de sa responsabilité et les modalités de réparation du dommage.


1) L’exonération de la responsabilité des constructeurs

La responsabilité spécifique des constructeurs fonde sur l’article 1792 du Code civil est une responsabilité de plein droit, une responsabilité sans faute envers le maître d’ouvrage. En conséquence, le constructeur ne peut s’en exonérer en prouvant son absence de faute.

Néanmoins selon l’alinéa 2 de l’article suscité, « une telle responsabilité n’a point lieu si le constructeur prouve que les dommages proviennent d’une cause étrangère ». Cette cause extérieure peut revêtir de nombreuses formes.

a)La force majeure

La cause extérieure la plus évidente réside en la force majeure. Cependant, si elle semble la plus évidente, elle n’en demeure pas moins rarement admise par la jurisprudence. Tout d’abord doivent être réunis les trois éléments cumulatifs essentiels à la caractérisation de la force majeure : l’irrésistibilité, l’imprévisibilité et l’extériorité.

Pour exonérer le constructeur de sa responsabilité suite à des dommages affectant la solidité de l’ouvrage ou sa destination, le juge a donc pu considérer comme relevant de la force majeure les intempéries imprévisibles et irrésistibles. Il reste néanmoins que de tels cas d’intempéries relevant de la force majeure sont extrêmement rares. En effet, ces intempéries sont-ils réellement imprévisibles si la région d’implantation de l’ouvrage est connue pour, par exemple, ses orages, fortes pluies, séismes ou encore sécheresses, et ce d’autant plus si ses effets pouvaient être prévenus par l’action du constructeur ? La jurisprudence considère que non.

Concernant le vice de l’existant notamment dans le cadre de travaux de réhabilitation, celui-ci ne constituera un cas de force majeure et donc une cause étrangère qu’uniquement si « la cause des désordres siégeant dans l’existant, n’était pas décelable au moment des travaux et que ces désordres étaient imprévisibles ».

En conséquence, le constructeur pourra difficilement invoquer la force majeure dans la caractérisation d’une cause étrangère destinée à l’exonérer de sa responsabilité.

b)Le fait d’un tiers

La jurisprudence a considéré que le constructeur pouvait s’exonérer de sa responsabilité en démontrant qu’aucun lien ne pouvait être établi entre l’ouvrage réalisée pour le maître d’ouvrage et le dommage subi, en effet si la causalité est présumée au titre de la responsabilité de plein droit, il reste que rien n’interdit a contrario de démontrer son inexistence.

Cependant, cette possibilité connaît une exception de taille. Ainsi, la faute d’un autre constructeur, au sens de l’article 1792-1, même tiers au constructeur dont la responsabilité est recherchée, ne pourra pas exonérer ce dernier vis-à-vis du maître d’ouvrage.

Le constructeur ne peut donc, au titre du fait d’un tiers, et afin de s’exonérer de sa responsabilité à l’égard du maître d’ouvrage, invoquer le fait d’un sous-traitant, d’un colocateur d’ouvrage ou le vice des matériaux utilisés même indécelable.

c)Le fait du maître de l’ouvrage

Sur ce point, il convient, pour le maître d’ouvrage souhaitant engager la responsabilité d’un constructeur, de se montrer prudent dans ses relations avec ce dernier avant, durant et après le chantier afin de ne pas voir notamment ses décisions ou son immixtion être utilisée contre lui.

Tout d’abord, l’immixtion du maître d’ouvrage durant les travaux est susceptible de constituer une cause étrangère. Néanmoins, pour caractériser une telle cause, le maître d’ouvrage doit être notoirement compétent et s’être immiscé dans la réalisation ou la conception des travaux, la preuve de ces deux points revenant évidemment au constructeur. La notion de compétence notoire est appréciée strictement et sévèrement par la jurisprudence pour laquelle la compétence dans l’activité doit s’accompagner « d’une réelle maîtrise des questions techniques relatives à la construction ». Cette notion est par ailleurs interprété d’autant plus strictement que l’immixtion du maître d’ouvrage ne s’est pas traduite par une prise de risques particulière de sa part. Cette immixtion enfin se doit d’être un acte positif de la part du maître d’ouvrage, sauf exception notamment dans le cadre de la rétention d’informations.

Le maître d’ouvrage peut également se voir reprocher sa prise de risques. Cette prise de risques contrairement à l’immixtion ne nécessite pas de compétence particulière de la part du maître d’ouvrage. Elle apparaît dès lors que le maître d’œuvre en tant que « professionnel de la construction ayant eu connaissance du problème technique et compétence pour le résoudre », formule un conseil au maître d’ouvrage, conseil que celui-ci refuse en toute connaissance des risques dans leur ampleur et leurs conséquences. Ainsi, le juge a considéré que constituait une prise de risques le fait pour un maître d’ouvrage de choisir de façon délibéré un solution minimaliste pour la réparation des dommages ou le refus d’un calorifugeage de tuyaux ayant entraîné une aggravation des dommages.

La prise de risques offre au constructeur la possibilité de faire écarter sa présomption de responsabilité. La faute de chacun est alors prise en compte pouvant aboutir soit à un partage de responsabilité soit à une exonération totale du constructeur.

Le constructeur peut en outre se voir éventuellement exonérer de sa responsabilité du fait de la mauvaise utilisation de l’ouvrage par le bénéficiaire des travaux suite à leur réception. Ainsi, il sera exonéré si le maître d’ouvrage n’a pas respecté les consignes ou modalités d’utilisation de l’ouvrage ou dépassé la limite de charge d’une dalle.

En dernier lieu, le contrat d’entreprise étant libre, le maître d’ouvrage peut se réserver une part de la maîtrise d’œuvre, auquel cas et bien que cette attitude ne constitue pas une faute, il doit assumer sa responsabilité en tant que constructeur sur les travaux dont il s’est chargé.

2) La question de la réparation du dommage

Le maître d’ouvrage qui, suite à la réalisation de travaux de réhabilitation d’un local commercial, souhaite engager la responsabilité du constructeur intervenu sur le chantier doit tout d’abord s’interroger sur la nature de la réparation attendue.

a) La réparation des désordres causés à l’ouvrage

Tout d’abord, il doit se voir réparer tout dommage subi par l’ouvrage lui-même. La réparation doit être complète et répondre à l’ensemble des désordres constatés. Se situant dans le cadre de la responsabilité contractuelle, la réparation doit replacer le maître d’ouvrage dans la situation qui aurait dû être la sienne s’il n’avait pas subi de dommage. Ainsi, le constructeur pourra se voir condamné à remettre l’ouvrage à l’identique, sans possibilité toutefois d’apporter une amélioration qui constituerait un enrichissement sans cause. Il pourra également être condamné, uniquement si cela s’avère nécessaire, à la démolition et reconstruction totale de l’ouvrage, ou à la reprise totale d’un seul élément même si les dommages constatés sont limités.

La jurisprudence considère par ailleurs que la remise à neuf d’un immeuble dont peut bénéficier le maître d’ouvrage au titre de sa réparation ne constitue pas un enrichissement sans cause dans la mesure où l’immeuble aurait subi les assauts du temps. Néanmoins, cette barrière de l’enrichissement sans cause retombe facilement selon les cas.

Le juge pourra également prévoir la réalisation de nouveaux éléments par le constructeur, éléments qui n’étaient pas prévus au contrat de louage d’ouvrage initialement convenu, à conditions que ces éléments soient indispensables à la résolution des désordres subis par le maître d’ouvrage. La mise en place de ces nouveaux éléments ne peut être assimilée à un avantage pour le maître d’ouvrage dans la mesure où, même s’il aurait les payer si prévue à l’origine, ils ne permettent que de le remettre dans la situation qui aurait dû être la sienne sans la survenance des désordres.

b) La réparation des désordres annexes

Dans la mesure où la réparation du maître d’ouvrage doit être intégrale, elle doit nécessairement inclure l’ensemble des préjudices annexes et les troubles de jouissance. S’ajoutent aux éventuelles troubles de jouissance, pertes d’exploitation, de loyer ou dépression nerveuse du maître d’ouvrage, le préjudice lié à l’exécution des travaux de réparation et aux retards et pertes qui en découlent.

c) Les modalités de réparation

Concernant la forme que prend la réparation du dommage subi par le maître d’ouvrage, le juge est libre de sa décision et optera pour la réparation la plus adaptée. Généralement, la réparation prendra la forme d’une indemnisation en monnaie sonnante et trébuchante sans obligation pour le bénéficiaire de réaliser les travaux de réparation nécessaires. Cependant, le juge pourra opter pour imposer ces travaux assortis d’éventuels dommages et intérêts ou encore pour la résiliation complète du contrat d’entreprise accompagnée de la démolition des travaux effectués et ce aux frais du constructeur. Par ailleurs, l’indemnisation ou la réparation doit être fixée précisément en ce qui concerne le montant et sa forme.

Cependant, la situation dommageable subie par le maître d’ouvrage peut ne pas rassembler les conditions nécessaires à l’application de la responsabilité spécifique des constructeurs. Auquel cas, s’appliquera subsidiairement la responsabilité de droit commun des constructeurs.