
Prévention du risque industriel : le remaniement des outils d’information du public
Par Marine BATTEZ
Juriste en Droit des Affaires et Environnement
STORENGY-GDF SUEZ
Posté le: 13/09/2012 20:18
En vue de prévenir la survenance d’un accident industriel majeur et dans la mesure où l’information du public constitue un mode privilégié de prévention, le législateur français a entendu renforcer les modes de consultation du public par la création et le récent remaniement de différents outils, à savoir l’enquête publique et les commissions de suivis de site.
1. LA REFORME DE L'ENQUETE PUBLIQUE
Dans bien des cas l’exploitant d’une installation industrielle est soumis à l’obligation de procéder à une enquête publique au titre du droit de l’environnement, du droit de l’urbanisme ou encore du droit minier. L’enquête publique qui intervient en général dans le cadre d’une procédure d’autorisation d’une installation, de sa modification ou de son extension, est un moyen privilégié pour permettre au public comme aux associations de faire part de leurs préoccupations qui seront prises en compte dans la décision finale par le préfet. Outil basé sur le principe de l’information et de la consultation du public, l’enquête publique permet dans une certaine mesure d’alerter sur les risques que présentent le projet et partant de prévenir la survenance d’un accident industriel majeur.
L’enquête publique vise à assurer l’information du public en lui permettant de consulter le dossier de demande et à organiser un échange entre le public et le demandeur. Le public dispose de la faculté de formuler par écrit ou oralement ses observations sur le projet qui sont ensuite transmises à l’exploitant qui dispose alors de la possibilité de produire un mémoire en réponse dans lequel il peut apporter des modifications non substantielles au projet initial. D’une durée d’un mois, l’enquête publique est ouverte par arrêté du préfet qui précise notamment les modalités de consultation de la demande. A l’issue de l’enquête, le commissaire enquêteur adresse les observations du public au demandeur et rédige un rapport d’enquête et ses conclusions motivées sur le projet qu’il adresse au préfet.
En vue de simplifier l’enquête publique dont les modalités étaient différentes selon les domaines du droit ainsi que d’améliorer son efficacité, le décret n° 2011-2018 du 29 décembre 2011 est venu réformer l'enquête publique relative aux opérations susceptibles d'affecter l'environnement. Les principales modifications sont les suivantes :
1.1 Le champ d’application
Il détermine la procédure applicable ainsi que le déroulement de l'enquête publique prévue par le code de l'environnement et procède aux modifications réglementaires rendues nécessaires par le regroupement des enquêtes publiques existantes en deux catégories principales à savoir l'enquête publique relative aux opérations susceptibles d'affecter l'environnement régie par le code de l'environnement et l'enquête d'utilité publique régie par le code de l'expropriation pour cause d'utilité publique.
Font l’objet d’une enquête publique les projets de travaux, d’ouvrages ou d’aménagements soumis de façon systématique à la réalisation d’une étude d’impact ainsi que les projets qui à l’issue de l’examen au cas par cas sont soumis à la réalisation d’une étude d’impact. Toutefois, le décret précise la liste des projets de travaux, d'ouvrages ou d'aménagements donnant lieu à une étude d'impact en vertu du code de l'environnement qui, du fait de leur caractère temporaire ou de leur faible importance, sont exclus du champ de l'enquête publique.
1.2 Le déroulement de l’enquête publique
Le décret encadre sa durée, dont le prolongement peut désormais être de trente jours. Lorsque la réalisation d'un projet est soumise à l'organisation de plusieurs enquêtes publiques dont l'une au moins en application de l'article L.123-2 du code de l’environnement, il peut être procédé à une enquête unique. Le décret en définit les modalités d’organisation. Il fixe en outre la composition minimale du dossier d’enquête. Elle peut comprendre des pièces complémentaires lorsque les réglementations particulières le prévoient. Désormais elle doit comporter un bilan du débat public ou de la concertation préalable si le projet, plan ou programme en a fait l'objet.
Il précise enfin les conditions d'organisation de l’enquête et notamment les éléments devant figurer dans l’arrêté d’ouverture de l’enquête ainsi que les modalités de publicité de l'enquête.
1.3 La participation du public
Le décret précise les moyens dont dispose le public pour formuler ses observations au cours de l’enquête en permettant, le cas échéant, le recours aux nouvelles technologies de l'information et de la communication. Il prévoit en outre une implication accrue de la personne responsable du projet, en lui permettant de produire ses éventuelles observations au vu des observations recueillies au cours de l’enquête dans un délai de quinze jours à l’issue de l’enquête.
1.4 Le commissaire enquêteur
Le décret facilite le règlement des situations nées de l'insuffisance ou du défaut de motivation des conclusions du commissaire enquêteur en permettant au président du tribunal administratif, saisi par l'autorité organisatrice de l'enquête ou de sa propre initiative, de demander des compléments au commissaire enquêteur. Le décret améliore en outre la prise en considération des observations du public et des recommandations du commissaire enquêteur par de nouvelles procédures de suspension d'enquête ou d'enquête complémentaire d’une durée maximale de quinze jours, lorsque le maître d’ouvrage apporte des modifications à son projet.
Par ailleurs, le décret définit les conditions d'indemnisation des commissaires enquêteurs à la charge de la personne responsable du projet et introduit, dans un souci de prévention du contentieux, un recours administratif préalable obligatoire à la contestation d'une ordonnance d'indemnisation d'un commissaire enquêteur. Il détermine enfin les conditions de prorogation de la durée de validité d’une enquête publique qui est en principe de cinq ans avec une possible prorogation de cinq ans au plus.
Parallèlement, les commissions de suivis de site constituent un outil efficace de prévention du risque industriel.
2. LES COMMISSIONS DE SUIVIS DE SITE
Dans l’objectif de développer une culture du risque, l’article 2 de la loi n° 2003-699 du 30 juillet 2003 relative à la prévention des risques technologiques et naturels et à la réparation des dommages, a institué des comités locaux d’information et de concertation pour tout bassin industriel comprenant une ou plusieurs installations classées « SEVESO AS ». Ces comités favorisent la concertation et la participation des différentes parties prenantes et notamment les riverains concernant la prévention des risques d’accidents tout au long de la vie de ces installations.
Le comité local d’information et de concertation a pour mission d’améliorer l’information et la concertation des différents acteurs sur les risques technologiques, ainsi que de débattre sur les moyens de prévention et de réduction des risques, sur les programmes d’actions des exploitants et sur l’information du public en cas d’accident.
L’article 247 de la loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 dite « Grenelle II » a créé les commissions de suivi de site. Ces commissions se substituent se substituent aux comités locaux d’information et de concertation compétente pour les installations dites Seveso. La loi précise que les citoyens ont un droit à l'information sur les risques technologiques majeurs auxquels ils sont exposés dans certaines zones du territoire et sur les mesures de sauvegarde qui les concernent. Le décret n° 2012-189 du 7 février 2012 relatif aux commissions de suivi de site précise les modalités de constitution et de fonctionnement des commissions de suivi de site.
Selon le décret, le préfet peut créer, autour des ICPE soumises à autorisation, une commission de suivi de site lorsque les nuisances, dangers et inconvénients présentés par ces installations le justifient. Il est ainsi venu élargir l’emprise de ces commissions dont la création est justifiée non plus seulement pour les installations Seveso seuil haut mais pour l’ensemble des installations classées soumises à autorisation.
La commission de suivi de site réunit des représentants de l'Etat, des collectivités locales, des riverains, des exploitants et des salariés des installations classées.
La commission a pour mission de constituer un cadre d'échange et d'information sur les actions menées, sous le contrôle des pouvoirs publics, par les exploitants des installations classées en vue de prévenir les risques d'atteinte aux populations, aux biens et à l’environnement. Elle est également chargée de suivre l'activité des installations classées pour lesquelles elle a été créée, que ce soit lors de leur création, de leur exploitation ou de leur cessation d'activité. Enfin, elle a pour vocation de promouvoir pour ces installations l'information du public sur la protection des populations et de l’environnement. Pour mener à bien ces différentes missions, la commission est tenue régulièrement informée des décisions individuelles dont ces installations font l'objet et des incidents ou accidents survenus à l'occasion du fonctionnement de ces installations.
Ces commissions constituent par conséquent un outil d’information du public privilégié au service de la prévention des risques industriels majeurs.