Du fait de leur volatilité et de leur dangerosité, l'élimination des solvants nécessite un traitement particulier. Une première précision tout d'abord quant à la notion de déchet afin de bien clarifier quand considérer le solvant comme un déchet. Cette définition nous a d'abord été donnée par le droit communautaire qui le définit comme suit : « toute substance ou tout objet qui relève des catégories figurant à l'annexe I, dont le détenteur se défait ou dont il a l'intention ou l'obligation de se défaire ». Cette directive a ensuite été transposée en droit français par la loi du 15 juillet 1975 définissant le déchet comme « tout résidu d'un processus de production, de transformation ou d'utilisation, toute substance, matériau, produit ou plus généralement tout bien meuble abandonné ou que son détenteur destine à l'abandon ». Dès lors que le solvant devient un déchet, celui-ci requiert un traitement particulier tant par le producteur du déchet qui se soumettra à diverses formalités (a) que par l'éliminateur (b).

a) Le suivi des déchets par l'utilisateur

La première règle fondamentale touchant le producteur de déchets reste simple et nous est rappelée à l'article L.541-2 du Code de l'environnement qui fait obligation au détenteur de déchets d'assurer ou de faire assurer son élimination dans des conditions respectueuses de l'environnement et de la santé publique. Ce principe étant posé, quant est-il du solvant usé ? Pourquoi ce dernier nécessiterait-il un traitement particulier? La réponse nous est donnée au sein de la nomenclature des déchets établie par le décret du 18 avril 2002 attribuant à chaque déchet un numéro à six chiffres. Dans cette liste, plusieurs rubriques peuvent être à même de concerner les solvants : la rubrique 04 01 03* « Déchets de dégraissage contenant des solvants sans phase liquide », 07 01 03* « Solvants, liquides de lavage et liqueurs mères organiques halogénés », et bien d'autres encore. L'astérisque marque ici le caractère dangereux du solvant soulevant ainsi un traitement particulier du fait de ses propriétés physico-chimiques (toxique, inflammable, comburant, explosif...). Ils sont appelés généralement déchets industriels dangereux ou déchets industriels spéciaux.

Pour ce qui est à présent des obligations concrètes de l'utilisateur, celui-ci doit bien évidemment suivre le devenir de ses déchets et s'adresser à un organisme disposant d'un agrément. Un outil est à sa disposition : le Bordereau de Suivi des Déchets (BSD) institué par l'arrêté du 4 janvier 1985. Ce bordereau permet, à tous les stades, de suivre la bonne élimination du déchet, il ramène une preuve de son élimination et peut être réclamé par l'administration. Il mentionne notamment les caractéristiques du déchet, son code déchet, sa provenance, sa destination, les modalités de sa collecte, du transport, du stockage et de l'élimination. Le producteur devra toujours conserver ce bordereau et demander aux différentes personnes intervenant dans le processus de le compléter. Avant l'émission de ce bordereau, l'entreprise doit obtenir un certificat d'acceptation préalable de la part du destinataire du déchet. Le bordereau suivant l'élimination du déchet, il reste important pour l'émetteur de le conserver.

Une nouvelle exigence se pose à présent pour l'émetteur de déchets solvantés et même plus généralement pour tout émetteur de déchets : la tenue d'un registre des déchets. L'arrêté du 29 février 2012 codifié à l'article R.541-43 du Code de l'environnement en précise le contenu et le rend obligatoire pour les déchets dangereux et non dangereux. Selon cet article, « les exploitants des établissements produisant ou expédiant des déchets, les collecteurs, les transporteurs, les négociants et les exploitants des installations de transit, de regroupement ou de traitement de déchets tiennent à jour un registre chronologique de la production, de l'expédition, de la réception et du traitement de ces déchets. Ce registre est conservé pendant au moins trois ans ». Telle est ainsi la nouvelle obligation s'imposant à tout exploitant faisant éliminer ses solvants.

Voyons à présent ce qu'il en est pour l'éliminateur de solvants.

b) Le traitement particulier des solvants usagés par l'éliminateur

Le traitement des solvants usés ainsi que des culots (déchets contenant les impuretés des solvants usagés et une certaine quantité de solvant résiduelle) ne peut s'effectuer que dans des établissements soumis à la législation ICPE, généralement classés sous la rubrique 2790 Traitement de déchets dangereux. Ils peuvent être des établissements soumis à autorisation ou classés Seveso selon leurs capacités de stockage. Ces sites doivent bien évidemment rester attentifs à la réglementation concernant les conditions de stockage et de manipulation de solvants, à la prévention de la pollution des eaux et des sols et rester vigilants au risque incendie. En tous les cas, leur activité de traitement de déchets se doit d'être préalablement autorisée.

La hiérarchie des modes de traitement est posée par la directive du 19 novembre 2008, transposée par une ordonnance du 17 décembre 2010 et un décret du 11 juillet 2011. Elle met l'accent sur la prévention, vient ensuite la préparation en vue de la réutilisation, le recyclage, la valorisation puis l'élimination.

Intéressons-nous à présent au vif du sujet à savoir les filières de traitement applicables aux déchets solvantés. Deux filières coexistent : la régénération et l'incinération des solvants.

La régénération, basée sur la technique de la distillation, est commune à de nombreuses activités industrielles que ce soit tant la chimie, que la fabrication d'alcools. Le principe ici est avant tout d'extraire les impuretés de la solution solvantée par blanchiment. Ensuite il s'agira de séparer entre eux les différents types de solvants par fractionnement. Cette technique permet l'obtention de deux types de produits :

- les solvants réutilisables, qui seront réemployés dans un processus industriel similaire ou non à la première utilisation
- les déchets apparaissant pour les fractions non régénérables et les culots de régénération qui devront être tous deux détruits par incinération ou même par co-incinération en cimenterie

Au préalable, des tests permettent de déterminer si un solvant est potentiellement régénérable ou non, cela permettant aussi un gain de temps et d'argent. Lorsque le solvant usé est particulièrement chargé, une première décantation pourra être nécessaire permettant de récupérer les boues primaires, les déchets pompables que l'on éliminera comme les culots de régénération, par incinération.

Parmi les modes de régénération, régénération interne et externe se côtoient. Cependant chacune d'entre elles présente ses particularités. La régénération interne permet directement à l'entreprise de traiter elle-même ses solvants usés afin de pouvoir les réutiliser. Bien que cette solution paraisse très efficace d'un point de vue financier et environnemental, peu d'entreprises disposent actuellement d'équipements propres de régénération. Cette solution est ainsi vieillissante. Il s'agirait probablement de se tourner vers la régénération externe.

La régénération externe est, comme son nom l'indique, réalisée par un prestataire externe. Elle ne cesse de se développer et peut être pratiquée « à cession » ou « à façon ».

Le travail « en cession » consiste pour le régénérateur de solvant à reprendre le solvant usé afin de le régénérer pour son propre compte et de revendre ensuite le solvant régénéré qui en résultera.

La régénération « à façon » est quant à elle une véritable prestation de service où le solvant reste de la propriété de l'industriel qui récupère le solvant régénéré. Cela permet à l'industriel de pouvoir directement s'en resservir. Il s'agit du mode le plus usité.

L'autre mode est bien évidemment l'incinération concernant environ 100 000 tonnes de solvants usagés par an. Deux filières : la valorisation énergétique ou co-incinération et l'élimination par des centres collectifs de traitement. Les peintures rentrent dans ce procédé. Elles sont incinérées en vue d'une valorisation énergétique et les boues de peinture sont généralement utilisées comme combustibles de substitution dans les cimenteries.