
Cadre réglementaire européen de gestion des substances chimiques (REACH)
Par Bo HAN
Posté le: 13/09/2012 11:52
L’Union européenne (UE) a modernisé la législation européenne en matière de substances chimiques et mis en place le système REACH qui est un système intégré d’enregistrement, d’évaluation, d’autorisation et de restrictions des substances chimiques.
Son objectif est d’améliorer la protection de la santé humaine et de l’environnement tout en maintenant la compétitivité et en renforçant l’esprit d’innovation de l’industrie chimique européenne. Une agence européenne des produits chimiques est également créée, avec la mission de gérer au jour le jour les exigences relatives à REACH.
Le système REACH remplace plus de 40 directives et règlements et crée un seul système applicable à tous les produits chimiques. Il est complété par le règlement (CE) n° 1272/2008 sur la classification, l'étiquetage et l'emballage des substances chimiques et des mélanges. Ce règlement intègre les critères de classification et les règles d’étiquetage du système général harmonisé (SGH) des Nations unies dans la législation communautaire et reprend les dispositions de REACH réglant l’inventaire des classifications et des étiquetages.
REACH oblige les entreprises qui fabriquent et importent des substances chimiques à évaluer les risques résultant de leur utilisation et à prendre les mesures nécessaires pour gérer tout risque identifié. La charge de la preuve de la sécurité des substances chimiques fabriquées ou commercialisées appartient à l’industrie.
Le règlement vise à assurer un niveau élevé de protection de la santé humaine et de l’environnement, ainsi qu’à renforcer la compétitivité du secteur des substances chimiques et l’innovation.
Le champ d’application du règlement couvre toutes les substances, qu’elles soient fabriquées, importées, mises sur le marché ou utilisées, telles quelles ou dans des mélanges.
Le règlement exclut de son champ d’application:
•les substances radioactives (couvertes par la directive 96/29/Euratom);
•les substances soumises à un contrôle douanier qui se trouvent en dépôt temporaire, en zone franche ou en entrepôt franc en vue de leur réexportation, ou encore en transit;
•les intermédiaires non isolés;
•le transport des substances dangereuses;
•les déchets.
Par ailleurs, les règles relatives à l’enregistrement, aux utilisateurs en aval, à l’évaluation et à l’autorisation ne s’appliquent pas aux substances utilisées dans les médicaments à usage humain ou vétérinaire ou dans les denrées alimentaires ou les aliments pour animaux (y compris les additifs) pour autant qu’ils rentrent dans le champ d’application de la législation communautaire sur les médicaments ou sur les aliments.
Le règlement précise qu’il doit exister, dans chacun des États membres, des autorités disposant des compétences et des ressources nécessaires pour exécuter les tâches qui leur sont assignées. Ces autorités doivent coopérer entre elles et avec l’Agence dans l’exercice de leurs fonctions.
L’enregistrement constitue l’élément fondamental du système REACH. Les substances chimiques fabriquées ou importées dans des quantités d’une tonne ou plus par an doivent être obligatoirement enregistrées dans une base de données centrale gérée par l’Agence européenne des produits chimiques. Faute d’enregistrement, la substance ne peut être ni fabriquées ni mise sur le marché européen.
L’obligation d’enregistrement s’applique à partir du 1er juin 2008, mais un régime transitoire allant jusqu’au 1er juin 2018 dans certains cas est mis en place pour certaines substances qui doivent faire l’objet d’un pré-enregistrement.
Quelques groupes de substances (énumérés dans le règlement) sont néanmoins exemptés de l’obligation d’enregistrement, tels que:
•les polymères (les monomères qui composent les polymères doivent pourtant être enregistrés);
•certaines substances pour lesquelles le risque estimé est négligeable (eau, glucose, etc.);
•certaines substances existant dans la nature et non modifiées chimiquement;
•les substances utilisées dans le cadre de la recherche et le développement, sous certaines conditions.
L’enregistrement exige de l’industrie de fournir des informations relatives aux propriétés, aux utilisations et aux précautions d’emploi des substances chimiques.
Les données requises sont proportionnées aux volumes de production et aux risques présentés par la substance. Par ailleurs, une demande d’enregistrement portant sur une substance importée ou fabriquée pour 10 tonnes ou plus par an doit détailler les risques liés à cette substance de même que les différents scénarios d’exposition possibles et les mesures de gestion de ces risques.
Un enregistrement plus léger s’applique aux intermédiaires isolés restant sur le site, dès lors qu’ils sont fabriqués dans des conditions strictement contrôlées, et aux intermédiaires isolés qui sont transportés et utilisés sous contrôle strict dans des quantités inférieures à 1000 tonnes. Dans ces cas, seules la classification, les mesures de gestion des risques et les informations déjà disponibles concernant les propriétés sont requises.
Si le transport s’effectue sur plus de 1000 tonnes de cette substance, de plus amples informations sont requises.
De même, un régime spécial s’applique à l’enregistrement des substances présentes dans les articles: compte tenu des millions de ces articles qui sont mis sur le marché dans l’UE ainsi que du risque potentiel que certains de ces articles représentent pour la santé humaine et l’environnement, certaines substances intégrées dans les articles doivent être enregistrées. Cet enregistrement est obligatoire lorsque la substance en cause est normalement dégagée lors de l’utilisation de l’article et est présente dans ces articles à raison de plus d’une tonne par producteur ou importateur par an. Pour les substances qui ne sont pas normalement dégagées mais qui présentent une dangerosité particulière et qui sont contenues dans une concentration minimale de 0,1% et mises sur le marché à raison de plus d’une tonne par producteur ou importateur par an, cette obligation prend la forme d’une simple notification, sur la base de laquelle l’Agence européenne des produits chimiques peut demander un enregistrement.
L’Agence européenne des produits chimiques est chargée de gérer la base de données, de recevoir les dossiers d’enregistrement, ainsi que d’élaborer des guides techniques destines à assister les fabricants et les importateurs, ainsi que les autorités compétentes, dans la mise en œuvre de ces dispositions.
Le règlement contient un certain nombre de dispositions relatives au partage des données, qui visent à limiter les essais sur les animaux vertébrés et à réduire les coûts supportés par l’industrie. Il est notamment prévu que les données pertinentes soient partagées entre déclarants moyennant contrepartie financière.
Dans le même but, le règlement exige que tous les déclarants d’une même substance soumettent ensemble leur demande d’enregistrement, sauf dans les cas où une justification peut être avancée au nom de la protection des informations confidentielles, en cas de désaccord avec les autres déclarants, ou lorsque des coûts disproportionnés sont liés au dépôt conjoint de la demande d’enregistrement.
Les données de sécurité seront transmises tout au long de la chaîne d’approvisionnement, de sorte que ceux qui utilisent les substances chimiques dans leur procédé de production pour fabriquer d’autres préparations ou articles pourront le faire de manière sûre et responsable, sans mettre en danger la santé des travailleurs et des consommateurs, et sans risque pour l’environnement. Cela implique que l’information soit transmise en amont et en aval de la chaîne d’approvisionnement et entre tous les acteurs qui interviennent dans cette chaîne.
Les données transmises concernent, entre autres, l’identification, la composition et les propriétés des substances, les mesures à prendre pour une utilisation et un transport sans risque, les mesures en cas de dispersion accidentelle ou d’incendie, ainsi que les informations toxicologiques et écologiques. Les informations sensibles à caractère commercial ne sont pas tenues d’être transmises.
Les utilisateurs en aval sont tenus d’évaluer la sécurité chimique des substances, en se fondant tout d’abord sur l’information communiquée par leurs fournisseurs, et de prendre des mesures de gestion des risques appropriées. Ces dispositions permettent également aux autorités d’avoir une vue d’ensemble des utilisations qui sont faites d’une substance à mesure que celle-ci parcourt la chaîne d’approvisionnement, de demander, le cas échéant, un complément d’information et de prendre les mesures appropriées.
L’évaluation permet à l’Agence de vérifier que l’industrie respecte ses obligations et évite les essais sur les animaux vertébrés lorsque cela est inutile. Deux types d’évaluation sont prévus: l’évaluation du dossier et l’évaluation de la substance.
L’évaluation du dossier est obligatoire pour toutes les demandes prévoyant certains tests énumérés dans les annexes IX et X du règlement. Dans ce cas, elle vise essentiellement à minimiser la nécessité du recours à ce type d’expérimentation. L’évaluation du dossier peut également être menée pour vérifier la conformité de l’enregistrement. Il est prévu que l’Agence réalise une révision approfondie d’au moins 5% des dossiers déposés.
Les substances suspectées de présenter un risque pour la santé humaine et l’environnement peuvent également faire l’objet d’une évaluation par les autorités compétentes des États membres afin de déterminer si des informations supplémentaires sont requises. Le programme d’évaluation des substances est développé par l’Agence, en coopération avec ces autorités compétentes.
Si une substance est suspectée de présenter un risque pour la santé humaine ou l’environnement, l’Agence inclura cette substance dans une liste spécifique et un État membre désigné procédera à une évaluation afin de déterminer si des informations supplémentaires sont requises de la part du déclarant.
L’évaluation peut donner lieu aux conclusions suivantes:
•la substance doit être soumise aux procédures de restriction ou d’autorisation;
•la classification et l’étiquetage de la substance doivent être harmonisés;
•des informations doivent être fournies aux autres autorités afin de leur permettre d’adopter les mesures appropriées. Par exemple, si, au cours de l’évaluation de la substance, des informations sur les mesures de gestion des risques deviennent disponibles et pourraient avoir un impact sur les conditions d’utilisation de la substance, ces informations devraient être remises aux autorités chargées de cette législation.
Les substances extrêmement préoccupantes peuvent être soumises à l’autorisation de la Commission en vue d’utilisations particulières. L’objectif est de garantir que les risques liés à ces substances sont valablement maîtrisés et que ces substances sont progressivement remplacées par d’autres substances ou technologies appropriées lorsque cela est économiquement et techniquement viable.
L’Agence publie et met à jour régulièrement une liste de substances (‘liste des substances candidates’) identifiées comme ayant des caractéristiques extrêmement préoccupantes. Peuvent y figurer:
•les CMR (substances cancérogènes, mutagènes et toxiques pour la reproduction);
•les PBT (substances persistantes, bioaccumulables et toxiques);
•les vPvB (substances très persistantes et très bioaccumulables);
•certaines substances préoccupantes ayant des effets graves irréversibles sur l’être humain et l’environnement, telles que les perturbateurs endocriniens.
L’inclusion dans la liste des substances candidates comporte, dans certaines conditions, une obligation d’information quant à la présence de cette substance dans les articles. Après l’inclusion de cette substance dans l’annexe XIV du règlement, toute mise sur le marché ou utilisation d’une telle substance chimique, devra faire l’objet d’une demande d’autorisation. Celle-ci est accordée si les risques émanant de l’utilisation de ladite substance peuvent être valablement maîtrisés. Dans le cas contraire et si aucun substitut n'existe, la Commission évalue le niveau de risque, les avantages socio-économiques de l’utilisation de la substance et décide de l’autorisation ou non de la substance. Certaines substances, telles que les PBT et les vPvB, peuvent être autorisées uniquement si les avantages socio-économiques l’emportent sur les risques et s’il n’existe pas de substitut.
La charge de la preuve incombe au demandeur. Toutes les autorisations doivent être révisées au bout d’un certain laps de temps, déterminé au cas par cas.
Les utilisateurs en aval peuvent affecter une substance à une utilisation autorisée, à condition qu’ils se procurent ladite substance auprès d’une entreprise à laquelle une autorisation a été accordée et qu’ils respectent les conditions dont a été assortie cette autorisation. Ils sont néanmoins tenus d’informer l’Agence afin que les autorités soient pleinement informées de l’utilisation qui est faite de certaines substances extrêmement préoccupantes.
La procédure de restriction offre un filet de sécurité permettant de gérer les risques qui ne sont pas couverts de manière adéquate par d’autres dispositions du système REACH. Les propositions de restrictions peuvent concerner les conditions de fabrication, la ou les utilisations, et/ou la mise sur le marché d’une substance, ou encore l’interdiction éventuelle de ces activités au besoin. Elles sont suggérées par les États membres ou par l’Agence (à la demande de la Commission) sous forme d’un dossier structuré et arrêtées par la Commission.