
La nouvelle directive relative à la qualité de l'air
Par Elise MERLANT
Collaboratrice
Selarl HUGLO LEPAGE & Associés Conseil
Posté le: 28/07/2008 8:04
A l’origine, ce projet de directive avait été proposé pour simplifier administrativement la législation actuelle sur la qualité de l’air (1). Mais la véritable nouveauté du texte, consiste à fixer des normes contraignantes pour les particules fines dîtes PM 2,5, connues pour être les plus dangereuses pour la santé de l’homme (2). Enfin, la directive a également permis de revoir substantiellement les dispositions en vigueur et de redéfinir les objectifs en matière de qualité de l’air au sein de l’Union Européenne (3).
1°/ Une volonté de synthèse de la législation existante.
Cette directive s’inspire rigoureusement de la proposition faite par la Commission en 2005, qui visait à fusionner les dispositions de cinq instruments juridiques distincts en une directive unique, afin de simplifier, rationaliser et réduire le volume de la législation existante.
On se souvient qu’en 1996 avait été adoptée la directive cadre sur la qualité de l’air qui établissait un cadre communautaire pour l’évaluation et la gestion de la qualité de l’air ambiant. La directive cadre contenait également une liste de polluants prioritaires pour lesquels des objectifs de qualité de l’air seraient établis au moyen d’une législation dérivée. Quatre directives filles ont été adoptées par la suite concernant des polluants déterminés (comme l’ozone troposphérique, les dioxydes d’azote et de souffre, le plomb, le benzène et le monoxyde de carbone) et une décision du conseil introduisant un échange réciproque d’informations sur le contrôle de la qualité de l’air.
Aujourd’hui, la directive du 14 avril 2008 regroupe tous ces textes et rend ainsi plus lisible la législation applicable à la qualité de l’air.
2°/ La création de normes pour réduire les concentrations de particules fines (appelées les PM 2,5).
C’est précisément ce sujet qui a suscité le plus de débats entre le Parlement européen et le Conseil. Les particules extrafines pénètrent de manière profonde dans les poumons et peuvent provoquer des dommages importants sur la santé. Selon la directive, les Etats Membres seront tenus de réduire, d’ici à 2020, l’exposition aux PM2,5 en zone urbaine de 20% en moyenne par rapport aux chiffres de 2010. Elle leur impose, dans ces zones, de ramener les niveaux d’exposition au dessous de 20 microgrammes/m3. Cette valeur cible devra être atteinte d’ici 2015 et, dans la mesure du possible en 2010.
3°/ La redéfinition des objectifs s’agissant de la qualité de l’air.
En premier lieu, il s’agit de définir et fixer des objectifs concernant la qualité de l’air ambiant, afin d’éviter, de prévenir ou de réduire les effets nocifs pour la santé humaine et pour l’environnement dans son ensemble. En ce sens, la directive insiste sur la nécessité de suivre une approche commune en matière d’évaluation de l’air sur la base de critères communs. A cet égard, le texte souligne qu’il faut tenir compte de la taille des populations et des écosystèmes exposés à la pollution atmosphérique.
De manière complémentaire, il est nécessaire de disposer des informations sur la qualité de l’air ambiant, afin de contribuer à lutter contre la pollution de l’air et les nuisances qu’elle génère. Ainsi, il sera possible de surveiller les tendances à long terme et les améliorations obtenues grâce aux mesures nationales et communautaires. La directive prévoit également de faire en sorte que ces informations sur la qualité de l’air ambiant soient mises à la disposition du public.
Enfin, le troisième objectif majeur consiste à promouvoir une coopération accrue entre les Etats Membres en vue de réduire la pollution atmosphérique. En effet, la nature transfrontalière de certains polluants, tels que l’ozone ou les particules, exige une coordination entre les états membres voisins pour la conception et la mise en œuvre de plans relatifs à la qualité de l’air et de plans d’action à court terme.
Malgré ces objectifs ambitieux, on s’aperçoit que par rapport à la législation antérieure, une plus grande souplesse pour le respect des normes de qualité de l’air se dégage dans les dispositions du texte. En effet, si la directive maintient les normes de qualité existantes s’appliquant aux particules en suspension (dîtes PM10), elle accorde toutefois aux Etats membres une possibilité de dérogation dans certains secteurs géographiques problématiques. Le postulat reste le même qu’auparavant: les concentrations en PM10 sur 24h ne doivent pas dépasser 50 microgrammes/m3 plus de 35 fois par an et la concentration moyenne est fixée à 40 microgrammes/m3. Mais l’accord prévoit une option de dérogation temporaire de trois ans à compter de l’entrée en vigueur de la directive (soit mi-2011) pour les valeurs limites de PM10 dans les zones ou agglomérations - comme par exemple aux Pays-Bas, en Belgique ou dans le nord de l’Italie- qui ne parviennent pas à respecter les critères en matière de polluants « en raison des caractéristiques de dispersion du site, de conditions climatiques défavorables ou de facteurs transfrontières. »
En conclusion, si M. Stavros Dimas, membre de la Commission chargé de l’environnement, a pu déclarer que « L’Union Européenne avait franchi une étape décisive dans la lutte contre l’une des causes essentielles des problèmes en matière de santé et d’environnement », et que « La nouvelle directive sur la qualité de l’air est destinée à répondre à cette préoccupation en établissant des normes ambitieuses mais réalistes concernant la pollution due aux particules fines PM 2,5 dans l’Union Européenne », on comprend la déception de nombreuses ONG environnementales quant à la baisse d’exigence et au manque de rigueur concernant l’application des normes PM10.
Du reste, même s’agissant des nouvelles dispositions concernant les particules fines on peut également se montrer réservé. En effet, depuis trois ans, les chercheurs européens soutenus par l’OMS tentaient de convaincre les institutions communautaires que la nouvelle norme sur les particules fines ne devait pas dépasser 15 microgrammes par mètre cube, voire 10 microgrammes par mètre cube pour réellement améliorer la santé de la population de l’Union Européenne. Alors que la directive, fixe, elle, le seuil à 20 microgrammes par mètre cube.
La stratégie européenne visant à réduire de 40% les décès prématurés liés à la pollution atmosphérique paraît donc assez compromise. La nouvelle directive relative à la qualité de l’air n’est donc pas satisfaisante à elle seule. Espérons que la proposition d’une nouvelle législation axée sur la réduction des émissions industrielles et particulièrement des agricultures intensives, et celle sur la limitation des émissions d’échappement provenant des véhicules utilitaires lourds permettront de conclure à une politique réellement efficace.