Mesures de protection renforcées pour la protection de l’environnement - Impact de la notification à la Commission
Par Julie POUPEE-MONTETAGAUD
Juriste
Posté le: 11/09/2012 19:28
L’article 174 du Traité instituant la communauté européenne (TCE) prévoit que la politique de l'Union dans le domaine de l'environnement contribue à la poursuite de certains objectifs. A cet égard, il peut être cité :
- la préservation, la protection et l'amélioration de la qualité de l'environnement
- la protection de la santé des personnes
- l'utilisation prudente et rationnelle des ressources naturelles
- la promotion, sur le plan international, de mesures destinées à faire face aux problèmes régionaux ou planétaires de l'environnement
La politique de l’Union joue donc un rôle essentiel dans l’édiction de mesure de protection pour l’environnement. Pour cela le Conseil décide des actions à entreprendre par la commission, après avoir consulté le Comité économique et social et le Comité des régions (article 175.1 TCE).
Il convient tout de même de préciser que la politique de l’Union en matière d’environnement touche principalement à l’aspect fiscal, mais également à l’aménagement du territoire et à l’affectation des sols (excepté la gestion des déchets).
Ainsi les mesures de protection en matière d’environnement édictées par l’Union ne toucheront pas à tous les aspects.
De la sorte, l’article 176 du TCE prévoit que s’il existe des mesures de protection au niveau européen, cela n’empêche pas les Etats membres d’édicter des mesures de protection renforcées. A ce titre, les Etats pourront compléter la législation en place et renforcer la protection de l’environnement sur leurs territoires. Toutefois, il est ajouté que ces mesures doivent être « compatibles avec le présent traité » et que celles-ci doivent être notifiées à la commission. L’ensemble de ces dispositions ont été reprises au sein du Traité de fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) dans les articles 191 à 193.
La Cour de justice de l’Union européenne dans son arrêt du 21 juillet 2011 (C-2/10), Eolica di Altamura srl c/ Regione Puglia, a pu préciser l’impact de cette notification par les Etats membres des mesures de protection renforcées. Ici la réglementation italienne interdisait de manière absolue la construction de nouveaux aérogénérateurs dans les zones Natura 2000.
La cour confirme que cette réglementation constitue une mesure de protection renforcée par rapport à la Directive « habitats ». La Cour précise ensuite que l’obligation de communication à la Commission des mesures de protection renforcées, ne subordonne pas la mise en œuvre de ces mesures.
Sur ce point le Conseil d’état a suivi la jurisprudence de la CJUE et notamment dans son arrêt du 13 février 2012 (n°331885).
En l’espèce, l’Union des Industries de la Fertilisation demande au Conseil d’état d’annuler pour excès de pouvoir le décret n°2009-841 du 8 juillet 2009 modifiant la nomenclature des installations classées et notamment en ce qu’il modifiait la rubrique n°1332 relative au nitrate d’ammonium de la nomenclature.
Le décret relève les engrais ne satisfaisant pas aux exigences de la section 1 de l’annexe III relatives aux caractéristiques et limites des engrais à base de nitrate d’ammonium du règlement du Parlement européen et du Conseil du 13 octobre 2003.
In fine, ce décret met en place une mesure de protection renforcée qui n’était pas prévue par la directive du 9 décembre 1996. En ce sens, l’Etat membre a édicté cette mesure conformément à l’article 176 TCE pour compléter la réglementation européenne.
Le Conseil d’état rappelle que l’Etat membre doit communiquer à la Commission cette mesure de protection renforcée.
Toutefois, le Conseil d’état précise que « si cet article impose aux Etats membres l’obligation de communiquer à la Commission les mesures de protection renforcées (…) il ne subordonne pas (…) la mise en œuvre des mesures envisagées à l’accord ou à la non-opposition de la Commission ».
De cette manière le Conseil d’état suit la jurisprudence de la CJUE et réaffirme le fait qu’une mesure de protection renforcée n’est soumise qu’à communication et non à autorisation de la Commission. La réglementation en matière de protection de l’environnement pourra donc être complétée de manière à s’adapter aux contraintes locales de chaque Etat.