La Loi n°2008-561 du 17 juin 2008 réforme la prescription environnementale édictée par la jurisprudence du Conseil d'Etat (1) en insérant dans le Code de l'environnement un article L.152-1, qui prévoit que les obligations financières liées à la réparation des dommages causés à l'environnement par les installations, travaux, ouvrages et activités régis par le Code de l'environnement seront prescrites passé un délai de trente ans à compter du fait générateur du dommage (2). Le même délai de prescription est repris dans le projet de loi de transposition de la directive n°2004/35/CE du 21 avril 2004 sur la responsabilité environnementale (3).

1. Le Conseil d'Etat, dans un arrêt fort remarqué du 8 juillet 2005 Société ALUSUISSE-LONZA-FRANCE c/ Commune de Marseille (n°247976 ; Rec. CE p. 311 ; JCP G 2006 II 10001 comm. F.-G. Trébulle ; AJDA chron. 3 octobre 2005 p. 1829 ; BDEI n°4/2005 p. 15, M. Guyomar ; RFDA 2006 p. 375, Plessix B.) avait estimé qu'à l'issue d'un délai de trente ans à compter de la date à laquelle la cessation d'activité est portée à la connaissance de l'administration, le préfet ne peut plus faire peser sur l'exploitant la charge financière des mesures de remise en état d'un site. Cette règle était fondée sur les principes régissant la prescription en matière civile prévues à l'ancien article 2262 du Code civil, qui édictait un délai de prescription de droit commun de trente ans.

Jusqu'à la Loi n°2008-561 du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile, le principe était depuis demeuré constant (voir pour des exemples récents CAA Paris 18 avril 2008, n°05PA03735, Gaz de France c/ Ville de Paris ; CAA Douai, 8 février 2007, n°06DA00202, Société SFDPI Laboratoires Melgad c/ Ministère de l'Ecologie, du Développement et de l'Aménagement durables ; TA Rennes, 29 mars 2007, n°0400704, 0402191 et 0600544 ; BDEI novembre 2007 n°12).

2. Le nouvel article 2224 du Code civil, issu de la Loi du 17 juin 2008, réduit le délai de prescription de droit commun à cinq ans pour toutes les actions personnelles ou mobilières et modifie son point de départ, en le fixant au jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer l'action.

Aussi, craignant que l'action de l'administration permettant d'imposer à un exploitant de réhabiliter un site pollué et d'en supporter la charge financière soit soumise à ce délai de cinq ans, jugé trop court au regard du temps susceptible de s'écouler entre la réalisation du dommage et la connaissance qu'en a l'administration, le Gouvernement a déposé un amendement à la proposition de loi n°432 du 21 novembre 2007 devant le Sénat.

Cet amendement avait pour but de maintenir un délai de trente ans, conformément aux discussions menées à l'occasion du Grenelle de l'environnement, et à la directive n°2004/35/CE du 21 avril 2004 sur la responsabilité environnementale, qui ne s'applique pas "aux dommages lorsque plus de trente ans se sont écoulés depuis l'émission, évènement ou incident ayant donné lieu à ceux-ci".

Le point de départ du délai a été fixé à la date du fait générateur du dommage, le Gouvernement expliquant que cette date est "de règle en matière de responsabilité civile" et qu'elle apparaît "la seule pertinente pour l'efficacité de l'action en réparation exercée par l'administration" (Voir l'amendement déposé le 21 novembre 2007 devant le Sénat et le compte rendu des débats).

Ainsi, l'article 14 de la loi crée, dans le titre V "Dispositions financières" du livre Ier "Dispositions communes" du Code de l'environnement, un chapitre II dénommé "Actions en réparations" et comportant un article unique, numéroté L. 152-1 et disposant que "les obligations financières liées à la réparation des dommages causés à l'environnement par les installations, travaux, ouvrages et activités régis par le présent code se prescrivent par trente ans à compter du fait générateur du dommage. »

Cette réforme suscite de nombreuses incertitudes quant à sa mise en œuvre. En effet, le nouvel article L.152-1 ne définit pas la notion d'obligation financière liées à la réparation des dommages causés à l'environnement. Or, chaque fois que le délai de prescription spécial ainsi édicté ne sera pas applicable, le délai de cinq ans désormais prévu à l'article 2224 du Code civil pour les actions personnelles et mobilières s'appliquera.

Ainsi, dans la mesure où sont visés les "dommages causés à l'environnement", on peut se demander si le texte limite le domaine de la prescription spéciale aux actions en responsabilité ayant pour objet la réparation du seul préjudice écologique pur. E

L'action des victimes de catastrophes technologiques seraient alors prescrites, conformément au droit commun, passé un délai de cinq ans à compter du jour où elles ont ou auraient avoir connaissance des faits.

3. Par ailleurs, il convient de souligner que si la loi du 17 juin 2008 tend à ne pas contredire la directive n°2004/35/CE du 21 avril 2004 sur la responsabilité environnementale, elle n'a nullement vocation à la transposer. C'est l'objet du projet de loi "relatif à la responsabilité environnementale et à diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de l'environnement", adopté en deuxième lecture à l'Assemblée nationale le 22 juillet 2008.

Ce texte prévoit en son article premier la création, dans le livre Ier du Code de l'environnement, d'un titre VI intitulé "Prévention et réparation de certains dommages causés à l'environnement". Il y ait inséré un article L.161-4 précisant que "le présent titre ne s'applique pas lorsque plus de trente ans se sont écoulés depuis le fait générateur du dommage".

Ce délai spécial est circonscrit au seul domaine de la responsabilité environnementale telle qu'envisagée par la directive n°2004/35/CE du 21 avril 2004, à la différence de celui édicté dans le titre V "Dispositions financières". On constatera néanmoins que ces deux délais sont identiques.