Les éoliennes marines, nos chères « grandes dames blanches » sont implantées en mer. Domaine de Poséidon, ce dernier semblait tolérer notre présence sans émettre trop de contraintes. Selon la distance par rapport aux rives, soit l’installation été implantée sur le domaine public maritime, soit au sein de la Zone Economique Exclusive (au delà, la technologie actuelle et la réglementation internationale rendraient leur exploitation hasardeuse).

Revenons rapidement sur ces deux notions. Le domaine public maritime est la propriété de l’Etat. Etablit par Colbert au sein du Titre VII du livre IV de l’ordonnance du 8 aout 1961, il est aujourd’hui défini par l’article L. 2111 – 4 du Code général de la propriété de la personne publique. N’oublions pas que ce qui est propriété d’un dieu le reste quoiqu’il se passe. Donc ce domaine est imprescriptible et inaliénable. L’Etat autorise l’implantation d’éoliennes dessus mais ceci n’est qu’à titre précaire. Parallèlement, la ZEE est un espace maritime sur lequel l’Etat côtier exerce des droits souverains en matière d’exploration, d’usage et protection des ressources.

Les réglementations des éoliennes maritimes semblaient quasiment absentes. Le régime des ICPE n’y est pas applicable selon la loi du 12 Juillet 2010 puisqu’il ne s’applique qu’aux éoliennes terrestres. De même, les Schémas Régionaux Eoliens (et les Zone de Développement Eolien qui en résultent) ne concernent que les installations terrestres. Les éoliennes offshore ne semblaient pas réglementées. Mais cela serait folie de croire que les fils du Titans chronos et leurs paires laisseraient une telle prérogative aux exploitants humains.

La politique d’exploitation d’Eole :

De l’énergie du vent en faire de l’électricité, tel est le but des éoliennes. En juillet 2011, un premier appel d'offres visant l'implantation en mer de 3 000 MW dans cinq zones identifiées comme propices a été lancé. Il doit permettre d'ériger 500 à 600 éoliennes au large du Tréport (Seine-Maritime-Somme), de Fécamp (Seine-Maritime), de Courseulles-sur-Mer (Calvados), de Saint-Brieuc (Côtes-d'Armor) et de Saint-Nazaire (Loire-Atlantique). Les projets ont été sélectionnés sur la base du prix d'achat de l'électricité proposé (40 %), de la qualité du projet industriel et social (40 %) et de l'insertion des projets dans leur environnement maritime (20 %), en tenant notamment compte des activités de pêche ( Communiqué de presse du ministre chargé de l'Écologie, 26 janv. 2011).
Le gouvernement a désigné nos héros devant défier les dieux. Eolien Maritime France (EDF Énergies Nouvelles, Dong Energy Power, Alstom) pour les zones de Fécamp, Courseulles-sur-Mer et Saint-Nazaire. Ailes Marines SAS (Iberdrola, EOLE-RES SA, Areva) pour la zone de Saint-Brieuc. GDF Suez semble être le grand perdant de cette histoire puis que, compte tenu du prix d'achat de l'électricité élevé, l'appel d'offres de la zone du Tréport, où il était le seul à répondre, a été déclaré sans suite (Communiqué de presse min. Énergie, 6 avr. 2012 Délib. CRE, 5 avr. 2012, NOR : CRER1220191V : JO, 28 avr).
Cette action découle du plan de développement des énergies renouvelables prévu par le ministère de l'écologie. Plus précisément, le gouvernement avait annoncé l'organisation d'une large concertation sur chaque façade maritime en vue de planifier et accélérer le développement de l'éolien en mer. Ainsi il est prévu l'installation d'une capacité de 5 000 à 6 000 MW à l'horizon 2020. C’est dans cette logique qu’un second appel d’offre devrait être lancé prochainement, visant à « repêcher » la zone du Tréport et à mettre sur le marché la zone de Noirmoutier.

Actuellement, qu’en est-il des normes organisant l’implantation des éoliennes offshore ?


L’encadrement de Poséidon :

Pour encadrer l’exploitation du vent en ces zones le droit a recours à différentes réglementations en rapport avec le milieu maritime avec, comme but premier, sa préservation. Deux mécanismes sont alors identifiables : les réglementations propres à une zone qui ne visent pas directement ces installations et celles qui au contraire tentent de définir leur implantation.
Les documents ne visant pas directement les installations éoliennes de production d’électricité. Ces documents visent la préservation d’un lieu en interdisant/limitant la mise en place de projet pouvant altérer son état naturel :

•Les parcs naturels marins, issus de la réforme de 2006 (LOI n° 2006-436 du 14 avril 2006 relative aux parcs nationaux, aux parcs naturels marins et aux parcs naturels régionaux), englobés dans la stratégie nationale de création des aires protégées (SCAP) et plus particulièrement dans son volet maritime, forment un nouvel outil de gestion et de cohérence administrative et ont une force contraignante en ce qu’ils s’appuient un « plan de gestion » déterminant les « mesures de protection, de mise en valeur et de développement durable à mettre en œuvre ».Selon l'article L. 334-3 du code de l'environnement, « des parcs naturels marins peuvent être créés dans les eaux placées sous la souveraineté de l'État, ainsi que dans les espaces appartenant au domaine public maritime, pour contribuer à la connaissance du patrimoine marin ainsi qu'à la protection et au développement durable du milieu marin », dans le respect de la convention de Montego Bay de 1982. Les espaces susceptibles d'être concernées ne sont donc pas nécessairement des milieux aquatiques, et peuvent intégrer des zones hors souveraineté telles les zones économiques exclusives ou de protection écologique.
La gestion des parcs naturels marins est assurée par l'Agence des aires marines protégées, qui constitue, pour chaque parc, un « conseil de gestion ». Cet organe a pour mission de se prononcer « sur les questions intéressant le parc », d'élaborer le plan de gestion du parc, de définir les conditions de son appui technique aux projets de collectivités territoriales désireuses de s'associer au parc (C. envir., art. L. 334-4, II, al. 2).
Le conseil de gestion peut en outre recevoir communication de tout projet de document susceptible d'avoir des effets sur la qualité du milieu ou la conservation des habitats naturels et des espèces du parc naturel marin.
Ainsi, nous pouvons noter que, lorsqu'une activité est susceptible d'altérer de façon notable le milieu marin d'un parc naturel marin, elle est soumise à un régime d'autorisation. Celle-ci ne peut être délivrée que sur avis conforme de l'Agence des aires marines protégées ou, sur délégation, du conseil de gestion (art. L 334-5 du même code).
Enfin, la limitation de l’expansion régime de l’éolien offshore apparait aussi dans la prérogative accordée aux agents de l'Agence des aires marines protégées, une fois commissionnés et assermentés, de pouvoir rechercher et constater les infractions commises dans un parc naturel marin au titre des législations relatives à la police des eaux et rades, la police des rejets, la police de la signalisation maritime, la police des biens culturels maritimes, la police des pêches maritimes, au Conservatoire de l'espace littoral, aux réserves naturelles, à la circulation terrestre des véhicules à moteur dans les espaces naturels, ou encore à la protection de la faune et de la flore, selon l’article L. 334-6. De plus, constitue une contravention de grande voirie, « toute atteinte à l'intégrité et à la conservation du domaine public inclus dans le périmètre d'un parc naturel marin, ou de nature à compromettre son usage » (Selon l’article L. 334-7). La condamnation entraîne l'obligation de réparer l'atteinte et expose aux amendes prévues pour les contraventions de 5e classe et les cas de récidive.

•Les zones natura 2000 maritime :
Précisées par le décret n°2008-457, ce document définit les espaces concernés et instaure une procédure de gestion particulière. Cette procédure utilise les Documents Objectifs qui déterminent les objectifs de conservation du site. Il constitue une obligation de résultat devant être atteint par les Etats membres au regard des directives sur la conservation de la faune et de la flore. Il s'impose aux chartes et contrats Natura 2000, qui doivent être « conformes aux orientations et aux mesures définies par le document d'objectifs » ( art. L. 414-3). Les dispositions du document d'objectifs ne semblent pas formuler d’obligations effectives directement opposables aux particuliers et leur force contraignante est d’autant plus restreinte qu’elle ne est pas pénalement sanctionnée. Par contre, il est vraisemblable que les documents d'objectifs puissent être opposés, comme ils le sont aux contrats, à d'autres actes administratifs unilatéraux, notamment les décisions administratives individuelles autorisant des aménagements à l'intérieur du site concerné, en particulier quant aux objectifs de conservation et de restauration. Les autorisations pourraient donc être refusées si le projet est contraire aux objectifs du DOCOB. L’effet est indirect mais le risque pour l’exploitation est bien réel.
Pour les Chartes Natura 2000, les propriétaires, exploitants, professionnels et utilisateurs d'espaces marins situés dans le site peuvent adhérer pour 5 ou 10 ans à une charte Natura 2000, liste d'engagements contribuant à la réalisation des objectifs de conservation ou de restauration définis dans le document d'objectifs, qui peut également concerner les activités sportives et de loisirs. La charte peut également préciser des engagements spécifiques à une activité qui permettent de garantir que celle-ci ne sera pas susceptible de porter atteinte au site de manière significative. Enfin, une contravention de 5e classe punit le fait de réaliser un programme ou un projet d'activité, de travaux, d'aménagement, d'ouvrage ou d'installation ou une manifestation ou une intervention en méconnaissance des engagements spécifiques prévus par la charte.
Le contrat Natura 2000 est une démarche volontaire qui permet aux personnes physiques et morales de droit privé ou de droit public, de s’engager concrètement dans un programme d’actions en faveur des habitats et des espèces d’intérêt communautaire. Selon l’article R.414-13 du Code de l’environnement, Le contrat doit comprendre au minimum : un descriptif des opérations à effectuer pour atteindre les objectifs de conservation définis dans le document d'objectifs, indiquant les travaux et prestations d'entretien ou de restauration des habitats naturels à réaliser ; un descriptif des engagements identifiés dans le document d'objectifs et qui donnent lieu au versement d'une contrepartie financière, avec indication de son montant ; les justificatifs à produire par le cocontractant afin de vérifier le respect des engagements contractuels.
Ainsi, si les Chartes semblent s’appliquer à priori aux projets en affirmant la volonté des exploitants de respecter les normes environnementales, les contrats Natura 2000 peuvent être vus comme une garantie supplémentaire que le propriétaire de l’installation apportera pour assurer le respect et la remise en état du site. Pour la procédure de délivrance des différentes autorisations administratives, la preuve rapportée par le demandeur, de l’existence et de la conformité de ces documents, seront toujours plus appréciés par l’autorité adjudicatrice que s’ils étaient absents. De même, au niveau des pollutions locales, cela sera toujours un gage en plus du respect porté à leur environnement.


De l'autre côté, voici les documents/démarches concernant directement les installations éoliennes de production d’électricité :

•Les zones propices
Courant 2009, le gouvernement a demandé aux préfets des régions littorales de mettre en place pour chaque façade maritime française une instance de concertation et de planification afin de définir des zones propices ou non à l'installation de parcs éoliens offshore. Cette démarche c’est conclue par la désignation des zones de l’appel d’offre précédemment évoqué.

•Les documents stratégiques de façade
La loi Grenelle 2 a établit la Stratégie Nationale pour la Mer et le Littoral (SNML). Elle a pour but de constituer un cadre de référence pour la protection du milieu, la valorisation des ressources marine et la gestion intégrée et concertée des activités liées à la mer et au littoral. Selon l’article R. 219-1-1 du Code de l’environnement, une des six thématiques, établissant des politiques sectorielles applicables en mer et sur le littorale, vise le développement durable des activités économiques, maritimes et littorales et la valorisation des ressources naturelles minérales, biologiques et énergétiques.
Le document stratégique de façade est issue de cette stratégie présente la situation de l'état de l'environnement tant en mer que sur le littoral dans le périmètre de la façade. Il expose également les conditions d'utilisation de l'espace marin et littoral, les activités économiques liées à la mer et à la valorisation du littoral ainsi que les principales perspectives d'évolution socio-économiques et environnementales et les activités associées. Ceci selon l’article R. 219-1-7 du même code. Le DSF s’impose directement aux installations d’éoliennes maritimes dans le fait qu’il définit l’acceptabilité des différents projets, la délivrance des autorisations ainsi que des actes administratifs pris pour la gestion de l’espace marin. Parallèlement, il a un effet indirect puisque selon l’article L. 219-4, Lorsqu'ils sont susceptibles d'avoir des incidences significatives dans le périmètre d'une façade maritime, les plans, programmes, schémas applicables aux espaces terrestres, les projets situés et les autorisations délivrées sur ces espaces doivent tenir en compte les objectifs et mesures du document.
Un récent décret du 16 Février 2012 a établit la procédure de création et le contenu de ces documents ainsi que la création des Conseils maritimes de façade. Un deuxième décret élaboré prochainement précisera la liste des plans, programmes et autorisations à laquelle le document stratégique de façade sera opposable. Un troisième décret approuvera ensuite le contenu de la SNML, dont la révision est prévue tous les six ans.


Dans un avenir proche, la réglementation maritime va venir réguler de plus en plus l’implantation et la gestion des parcs d’éoliennes maritimes. Nous pouvons donc espérer la reconnaissance d’un nouveau régime juridique dans un avenir proche. Nous reviendrons détailler ce point dans un prochain article.