NON, LE DIABLE NE SE CHAUFFE PAS AU GAZ DE SCHISTE (expression de l’association Santé Environnement France)! Le gaz de schiste est un gaz non conventionnel qui est piégé dans une roche sédimentaire déposée sous forme d'argile et de limon à une profondeur allant de 1 000 à 3 000 mètres, nous sommes donc bien loin des rives du Styx et de l’Achéron. Cependant, ce gaz n’est pas non plus banal. Il ne peut être exploité normalement, c’est-à-dire de la même manière que ceux compris dans les roches perméables et moins profondes. L'exploitation de ce gaz se réalise normalement grâce à des forages horizontaux suivit d’une injection à très forte pression d'un fluide composé d'eau, de billes de sable et d'additifs chimiques. Cette technique est appelée la fracturation hydraulique. Ensuite, le gaz capté par le liquide remonte à la surface par la cheminée crée par le forage au sein d’un tube en acier et rejoint ensuite le système d’exploitation ou le gazoduc selon l’installation à la surface.

Sans nous enflammer, sous la houlette de Virgile, traversons les différents cercles juridiques qui définissent son exploitation. Le gaz de schiste constitue une substance minière au sens de l'article  2 du code minier. Il relève donc du code minier ( C. minier, art. L. 111-1), et, jusqu'à la publication de la partie réglementaire du code qui devait intervenir fin 2011, les dispositions réglementaires applicables sont celles du décret du 2 juin 2006 (D. no 2006-648, 2 juin 2006 : JO, 3 juin).

La procédure à suivre par les entreprises consistait, à l’origine, en une demande d’exploitation auprès de l’administration. Elles devaient déposer un dossier comprenant notamment une notice d'impact, un document indiquant les incidences des travaux sur la ressource en eau, une étude de sécurité et de santé et une étude de danger. Après consultation des services locaux et information du public, le déclarant peut entreprendre les travaux à l'issue d'un délai de deux mois suivant la réception du dossier complet.

Est venue, ensuite, la loi du 13 juillet 2011 qui a interdit sur le territoire national l'exploration et l'exploitation des mines d'hydrocarbures liquides ou gazeux par des forages suivis de fracturation hydraulique dans la roche (L. no 2011-835, 13 juill. 2011, art. 1 : JO, 14 juill.). La loi dispose que :
« les titulaires de permis exclusifs de recherches de mines d'hydrocarbures liquides ou gazeux ont jusqu'au 13 septembre prochain pour remettre à l'autorité administrative qui a délivré les permis un rapport précisant les techniques employées ou envisagées dans le cadre de leurs activités de recherches. L'autorité administrative rend ce rapport public. Si les titulaires des permis n'ont pas remis le rapport ou si le rapport mentionne le recours, effectif ou éventuel, à des forages suivis de fracturation hydraulique de la roche, les permis exclusifs de recherches concernés sont abrogés. Le fait de procéder à un forage suivi de fracturation hydraulique de la roche sans l'avoir déclaré à l'autorité administrative dans ce rapport est puni d'un an d'emprisonnement et de 75 000 € d'amende. »

Ce qui s’est passé après, nous le connaissons tous. Après une vague médiatique qui, s’il avait existé, aurait obligé le juge Minos, second gardien des enfers, à les envoyer directement dans le Malbolge, huitième cerle de l’enfer réservé aux diffamateurs et conseillers fourbes, les associations et les autres acteurs ont forcé le gouvernement à prendre l'arrêté du 12 octobre 2011, publié au JO du 13. Alors qu’aucune des entreprises ne compter utiliser immédiatement la fracturation hydraulique, l’arrêté est venu abroger les trois permis délivrés pour Nant (Aveyron), Villeneuve-de-Berg (Ardèche) et Montélimar (Drôme) (Arr. 12 oct. 2011, NOR : EFIR1127839A : JO, 13 oct.). Ceci tout en créant une Commission nationale d'orientation, de suivi et d'évaluation des techniques d'exploration et d'exploitation des hydrocarbures liquides et gazeux. Cette commission a notamment pour objet d'évaluer les risques environnementaux liés aux techniques de fracturation hydraulique ou aux techniques alternatives. Elle émet un avis public sur les conditions de mise en œuvre des expérimentations, réalisées à seules fins de recherche scientifique sous contrôle public.

La voie était close. Notre gaz semblait donc condamné à ne pouvoir dépasser les limbes et allait rester cloitrer dans les entrailles de la terre.

Mais, derrière la diabolisation médiatique qui, dans une certaine mesure a pu souligner l’expression même de l’obscurantisme propre aux associations qui se disent « protectrice de l’environnement », nous sommes face à une application du principe de précaution par le gouvernement.

Ce principe est mentionné dans l’article 191 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne. Il vise à garantir un niveau élevé de protection de l’environnement grâce des prises de décision préventives en cas de risque. Ce principe peut être applicable qu’en présence des conditions cumulatives qu’il existe un danger potentiellement néfaste, et que les techniques scientifiques actuelles ne permettent pas une évaluation complète du risque. Dans la plupart des cas, les consommateurs européens et les associations qui les représentent doivent démontrer le danger associé à un procédé ou à un produit mis sur le marché, sauf pour les médicaments, les pesticides ou les additifs alimentaires. Cependant, en pratique, dans le cas d’une action prise au titre du principe de précaution, il peut être exigé du producteur, du fabriquant ou de l’importateur, qu’il prouve l’absence de danger. Ce qui fut notre cas en l’espèce. Cette possibilité doit être examinée au cas par cas et ne peut être étendue de façon générale à l’ensemble des produits et des procédés mis sur le marché.

Actuellement, qu’en est il?

En Amérique, l’or bleu donne une nouvelle tournure à l’essor de l’exploitation du Gaz de Roche. Le président des Etats Unis d’Amérique avait affirmé que son pays étant en avance sur les autres dans ce domaine, il était de leur devoir d’être les premiers à trouver une exploitation propre et durable. Hélas, Hélios a l’humour amer. Cet été, une sécheresse a frappé les USA. Hors la technique de fracturation hydraulique requiert une quantité importante d’eau et le conflit avec les agriculteurs a rapidement éclaté.
« Actuellement, 64% des 48 Etats des Etats-Unis connaissent des conditions « modérées à fortes » de sécheresse. Le Midwest, le grenier à blé du pays, souffre tout particulièrement. Les fermiers s’inquiètent pour leurs récoltes et leur bétail. Et les prix des céréales s’envolent.La commission de bassin de la rivière Susquehanna (SRBC), en Pennsylvanie, a ainsi suspendu le 16 juillet dernier tous les permis de pompage accordés pour les affluents de la rivière. Cette décision affecte directement une soixantaine de sociétés de forage. » selon le Journal de l’Environnement. De son coté le journal Le Monde, au Colorado, les agriculteurs ont été devancés par les sociétés de forage lors des ventes aux enchères des ressources hydrauliques. La pratique est courante dans beaucoup d'Etats. «Elles ont beaucoup plus d'argent et nous concurrencent sur le marché», se plaint Bill Midcap, du syndicat agricole des Rocheuses (Rocky Mountain Farmers Union), qui inclut aussi le Wyoming et le Nouveau-Mexique. Au Texas, qui souffre de la sécheresse depuis un an, certaines municipalités ont interdit l'utilisation de l'eau dans l'exploitation du pétrole de schiste. D'autres villes ont prohibé son transport. D’autres sociétés de forage ont recours à des solutions plus extrêmes : acheminer l'eau d'autres Etats par camion (d'aussi loin que la Pennsylvanie), ou creuser leurs propres puits.
La situation semble critique pour l’exploitation et les réglementations locales s’affirment par rapport aux entreprises.

En Europe:
L'Union européenne n'a pas de position tranchée. Certains de ses membres, ceux qui se sont libérés du joug soviétique en 1989, veulent aussi se libérer de leur dépendance du gaz russe. C'est le cas de la Hongrie ou de la Pologne.

L’Hexagone disposerait de 5 100 milliards de mètres cubes exploitables sur son territoire, selon l’organisation américaine Energy Information Administration. En France, le ministre du Redressement productif Arnaud Montebourg a remis le sujet sur la table, vendredi 13 juillet. Il souhaite "regarder", sans l'"ouvrir" le dossier sur les gaz de schiste. Selon une source de son entourage, le ministre va "regarder ce dossier dans le cadre de la refonte du Code minier, en lien avec la ministre de l’Ecologie, Delphine Batho. Ces explications font suite à une citation du Monde daté du 12 juillet. Le journal a indiqué que "pour Arnaud Montebourg, la question de l'exploitation des gaz de schiste (devait) également être posée". De son côté, le ministre de l'Ecologie, Delphine Batho, a déclaré, mardi 17 juillet, que l'interdiction des gaz de schiste était "indiscutable en l'Etat des techniques". Cette question sera abordée lors de conférence environnementale de la mi-septembre sur la transition énergétique et la préservation de la biodiversité.
Un autre volet se rajoute, le Gouvernement a annoncé le 14 juin 2012 qu'il réexaminerait les conditions d'exploration et d'exploitation du gaz de schiste, grâce à une nouvelle réforme du Code minier ( Communiqué de presse du ministère de l'écologie et du ministère du redressement productif, 14 juin 2012).

En conclusion, cette affaire qui, oui ne devons succomber à la tentation de le dire, semble être « une usine à gaz », mérite toute notre attention pour les jours à venir. Espérons, comme Arnaud Montebourg, « un débat apaisé à la rentrée », même si tous savent que la situation sera explosive et que les réglementations seront directement impactées par les prochains évènements.