
Principe de participation du public : diverses dispositions du code de l’environnement jugées inconstitutionnelles
Par Marine BATTEZ
Juriste en Droit des Affaires et Environnement
STORENGY-GDF SUEZ
Posté le: 08/08/2012 15:35
Consacré par l’article 7 de la Charte de l’environnement, le principe de participation du public a fait l’objet depuis quelques mois d’une attention particulière. De récentes décisions du Conseil constitutionnel, en réponse à des questions prioritaires de constitutionnalité, pointent la non-conformité de plusieurs dispositions du code de l’environnement avec le principe de participation du public. La multiplication de ces différentes déclarations d’inconstitutionnalité contraint le législateur à procéder à une mise en conformité du code de l’environnement.
1. CONSECRATION ET DEFINITION DU PRINCIPE DE PARTICIPATION DU PUBLIC
A titre liminaire rappelons que selon l’article 7 de la Charte de l’environnement, « toute personne a le droit, dans les conditions et les limites définies par la loi, d'accéder aux informations relatives à l'environnement détenues par les autorités publiques et de participer à l'élaboration des décisions publiques ayant une incidence sur l'environnement ». Soulignons également que le principe de participation du public est inscrit à l’article L. 110-1 du Code de l’environnement selon lequel :
« I. - les espaces, ressources et milieux naturels, les sites et paysages, la qualité de l'air, les espèces animales et végétales, la diversité et les équilibres biologiques auxquels ils participent font partie du patrimoine commun de la nation.
II. - Leur protection, leur mise en valeur, leur restauration, leur remise en état et leur gestion sont d'intérêt général et concourent à l'objectif de développement durable qui vise à satisfaire les besoins de développement et la santé des générations présentes sans compromettre la capacité des générations futures à répondre aux leurs. Elles s'inspirent, dans le cadre des lois qui en définissent la portée, des principes suivants : (…)
4° Le principe de participation, selon lequel chacun a accès aux informations relatives à l'environnement, y compris celles relatives aux substances et activités dangereuses, et le public est associé au processus d'élaboration des projets ayant une incidence importante sur l'environnement ou l'aménagement du territoire (…) »
Il ressort de ces dispositions que le principe de participation du public consiste d’une part en un droit à l’information se traduisant par un droit d’accès à l’information et d’autre part en un véritable droit d’association du public dans l’élaboration des projets.
2. DIVERSES DISPOSITIONS DU CODE DE L’ENVIRONNEMENT JUGEES INCONSTITUTIONNELLES
Les premières dispositions du Code de l’environnement à avoir attirées les foudres du Conseil constitutionnel sont les articles L.511-2 et L.512-7 relatifs à l’élaboration des projets d’arrêtés modifiant la nomenclature des ICPE et fixant des prescriptions techniques générales (Décision n° 2011-183/184 - QPC du 14 octobre 2011). Selon l’article L.511-2, « les projets de décrets de nomenclature font l'objet d'une publication, éventuellement par voie électronique, avant transmission pour avis au Conseil supérieur de la prévention des risques technologiques ». Le conseil constitutionnel a jugé que ces dispositions, en n’instituant pas pour l’ensemble des décrets de nomenclature une participation directe du public, sont contraire à l’article 7 de la Charte de l’environnement. Concernant l’article L.512-7, selon lequel « les projets de prescriptions générales font l'objet d'une publication, éventuellement par voie électronique, avant transmission pour avis au Conseil supérieur de la prévention des risques technologiques », le Conseil constitutionnel a considéré que la simple information du public via une publication, avant transmission pour avis au CSPRT, est insuffisante pour garantir la participation du public à leur élaboration.
Le 13 juillet 2012, le Conseil constitutionnel a déclaré inconstitutionnelles certaines dispositions de l’article L. 512-5 du Code de l’environnement selon lequel « les projets de règles et prescriptions techniques font l'objet d'une publication, éventuellement par voie électronique, avant leur transmission au Conseil supérieur de la prévention des risques technologiques » (Décision n° 2012-262 - QPC du 13 juillet 2012). Une fois de plus, le Conseil constitutionnel a considéré que la mise en consultation publique est insuffisante au regard du principe de participation du public à l’élaboration des décisions publiques ayant une incidence sur l'environnement.
Très récemment, deux décisions ont souligné l’inconstitutionnalité de certaines dispositions des articles L. 211-3 et L. 411-2 du Code de l’environnement (Décision n° 2012-270 et Décision n° 2012-269 - QPC du 27 juillet 2012). Ces dispositions sont respectivement relatives à l’élaboration des décrets déterminant les conditions dans lesquelles l’autorité administrative peut délimiter des zones où il est nécessaire d’assurer la protection des aires d’alimentation des captages d’eau potable d’une importance particulière et à l’élaboration des décrets déterminant les conditions de dérogation aux interdictions de destruction, de détention, d’utilisation, d’enlèvement (…), instituées pour la « conservation de sites d’intérêt géologique, d’habitats naturels, d’espèces animales non domestiques ou végétales non cultivées et de leurs habitats ». Le Conseil constitutionnel a considéré que la procédure d’adoption de ces décrets est contraire à l’article 7 de la Charte de l’environnement en ce qu’ils ne font l’objet d’aucune consultation préalable du public.
Les différentes déclarations d’inconstitutionnalité, pour des raisons pratiques, sont reportées pour les premières au 1er janvier 2013 et pour les plus récentes au 1er septembre 2013.
3- L’INTERVENTION DU LEGISLATEUR
En censurant à plusieurs reprises diverses dispositions du code de l’environnement pour non-conformité à l’article 7 de la Charte de l’environnement, le Conseil constitutionnel met en avant l’importance qui doit être accordée à l’information et à la participation du public dans l’élaboration de toutes décisions réglementaires et individuelles ayant un impact sur l’environnement.
Ces multiples décisions et les délais impartis ont rendu nécessaire l’action du législateur en faveur de la mise en conformité du code de l’environnement avec le principe de participation du public. A cet égard, la ministre chargée de l’écologie, du développement durable et de l’énergie a annoncé l’élaboration sans délai de dispositions législatives assurant une telle mise en conformité. Ce travail devrait aboutir à un projet de loi prêt à être soumis au Conseil d’Etat à la fin du mois de septembre dans le respect des délais attendus par le Conseil constitutionnel. Cette mise en conformité devrait permettre, selon le ministère, « de renforcer l'information et la participation des citoyens et d'assurer la sécurité juridique de toutes les décisions ».