ExxonMobil fustige la directive européenne sur le devoir de vigilance : un risque « écrasant » pour l’industrie
Par Roza Diachkovskaia
Posté le: 21/09/2025 23:12
Dans une interview accordée à Bloomberg le 15 septembre 2025, Darren Woods, directeur général d’ExxonMobil, n’a pas mâché ses mots : la directive européenne sur le devoir de vigilance représente selon lui le texte le plus contraignant jamais élaboré en matière de responsabilité environnementale et sociale des entreprises.
Conçue pour encadrer les chaînes de valeur mondiales et prévenir les atteintes aux droits humains et à l’environnement, la directive impose aux grandes entreprises d’établir, dès 2029, des plans juridiquement contraignants vers la neutralité carbone et la traçabilité complète de leurs activités. Les sanctions prévues — pouvant atteindre 5 % du chiffre d’affaires global — sont jugées « écrasantes » par le géant pétrolier.
M. Woods fustige une double dérive : l’extraterritorialité du dispositif et la multiplication des recours contentieux ouverts aux ONG. Selon lui, ces mécanismes exposeraient les entreprises à une insécurité juridique permanente, paralysant les chaînes logistiques et alourdissant les coûts de conformité. Il souligne par ailleurs l’écart entre les ambitions réglementaires et les réalités technologiques, rappelant qu’aucune solution immédiate ne permet de concilier neutralité carbone et besoins énergétiques mondiaux.
La critique d’ExxonMobil rejoint, en partie, les réserves exprimées par certains États membres, notamment la France et l’Allemagne. Plusieurs gouvernements redoutent que la directive, trop rigide, n’entrave les investissements nécessaires à la transition énergétique. À Bruxelles, des amendements sont à l’étude pour assouplir le reporting et limiter la portée extraterritoriale, sans pour autant vider le texte de sa substance.
Les défenseurs de la directive estiment au contraire que son ambition est indispensable pour assurer l’équité concurrentielle et éviter un dumping environnemental et social. Pour eux, renoncer à cette exigence reviendrait à affaiblir le rôle de l’Union comme leader normatif en matière de durabilité.
Au-delà du débat technique, l’enjeu est aussi diplomatique. Les États-Unis ont déjà exprimé leurs réticences, et certains élus américains envisagent des contre-mesures pour protéger leurs entreprises. La directive se retrouve ainsi au centre des tensions transatlantiques, révélant le poids stratégique des normes ESG dans la compétition économique mondiale.
La version définitive du texte, attendue début 2026, cristallisera un choix européen : concilier réalisme industriel et ambition écologique, ou risquer de fragiliser son projet de souveraineté économique verte.
Référence : Bloomberg via Financial Post, Exxon CEO Warns of ‘Bone-Crushing’ EU Climate, Human Rights Law, 15 septembre 2025 – Lien officiel