Les scientifiques ont identifié environ 10 000 plantes exotiques dans les régions tropicales et subtropicales. Les écosystèmes insulaires sont particulièrement vulnérables : sur plusieurs îles, le nombre d’espèces exotiques dépasse déjà celui des espèces indigènes. Cependant, toutes les espèces ne constituent pas une menace : seules quelques-unes deviennent des « envahisseurs » agressifs, déplaçant la flore indigène. L’exemple le plus célèbre est Lantana camara, introduite en Inde par les Portugais pendant la période coloniale. Aujourd’hui, la lantana occupe environ 30 millions d’hectares en Inde, 4 millions d’hectares en Australie et 160 000 hectares à Hawaï. En Inde, sa propagation a contraint les tribus Soliga à abandonner leur mode de vie traditionnel et à se déplacer, cet arbuste envahissant ayant supplanté les plantes forestières comestibles.

« Les espèces envahissantes compromettent l’approvisionnement alimentaire des herbivores, entraînant un déclin des populations de prédateurs et une augmentation des conflits entre l’homme et la faune sauvage », note Ninad Avinash Mungi, co-auteur de l’étude.

Les raisons de cette expansion sont liées non seulement aux mouvements historiques de plantes durant l'époque coloniale, mais aussi à des facteurs modernes : le commerce mondial, la déforestation, la dégradation des terres et le changement climatique. Les incendies de forêt et la hausse des températures en Amazonie, par exemple, accélèrent la propagation des graminées envahissantes, ce qui entrave la restauration des forêts et augmente les émissions de CO₂.

Les scientifiques soulignent la nécessité de distinguer les espèces exotiques neutres, voire bénéfiques, des espèces envahissantes. « Certaines espèces pourraient jouer un rôle positif dans le changement climatique en soutenant des écosystèmes auxquels les plantes indigènes ne peuvent pas faire face », note le professeur Jens-Christian Svenning.

Éradiquer complètement les plantes envahissantes est pratiquement impossible : l'élimination mécanique est coûteuse et souvent inefficace. C'est pourquoi les chercheurs proposent de développer des « solutions naturelles », comme la réintroduction de grands herbivores dans les savanes et les plaines inondables, qui peuvent inhiber la croissance de la flore envahissante.

Dans les régions où le contrôle est impossible, les habitants trouvent des solutions d'adaptation : ils utilisent le lantana pour fabriquer des meubles, le Prosopis juliflora pour produire du biochar et la jacinthe d'eau comme matière première pour l'artisanat et les biens. Selon les auteurs, la collaboration avec les communautés locales sera essentielle à l'élaboration de stratégies de gestion durable des écosystèmes.