Affaire « Justice pour le vivant » : Préjudice écologique confirmé en appel
Par Katia Laceb
Posté le: 17/09/2025 14:37
L'arrêt du 3 septembre 2025 dans l'affaire « Justice pour le vivant » donne raison, en partie seulement, aux associations écologistes. La Cour administrative d'appel de Paris reconnaît bien l'existence d'un préjudice écologique lié aux pesticides, mais elle refuse de suivre les juges du tribunal administratif sur toute la ligne.
Les magistrats parisiens ont décider que plutôt que d'imposer des objectifs chiffrés à l'État, ils préfèrent lui demander de mieux faire son travail d'expertise. Concrètement, l'administration devra réviser ses méthodes d'évaluation des risques et reprendre l'examen de certaines autorisations accordées trop rapidement. C'est déjà un changement notable car les juges administratifs rechignent habituellement à remettre en cause les choix techniques des experts gouvernementaux.
Mais la Cour a refusé d'aller plus loin. L'obligation de respecter les objectifs Écophyto de réduction des pesticides a été annulée. L'injonction de protéger spécifiquement les eaux souterraines également. Sur ces points, les juges d'appel ont purement et simplement écarté les décisions de leurs collègues de première instance.
Cette position mérite d'être analysée au regard de la doctrine administrative traditionnelle. La reconnaissance d'un préjudice écologique aurait pu logiquement conduire à l'imposition de mesures de réparation contraignantes. Or la Cour privilégie une approche procédurale, révélatrice de la prudence habituelle du juge administratif lorsqu'il s'agit d'empiéter sur les prérogatives gouvernementales. La distinction opérée entre contrôle méthodologique et prescription politique témoigne de cette retenue.
L'arrêt traduit ainsi une conception restrictive des pouvoirs du juge en matière environnementale. Si l'État doit désormais renforcer la rigueur de ses évaluations scientifiques, il conserve sa liberté d'appréciation quant aux politiques à conduire. Cette approche présente l'avantage de respecter l'équilibre institutionnel, mais elle limite l'effectivité de la réparation du préjudice écologique reconnu.
L'orientation jurisprudentielle retenue illustre la tension croissante entre urgence environnementale et cadre constitutionnel traditionnel. La Cour semble avoir recherché un équilibre entre protection de l'environnement et respect de la séparation des pouvoirs, en privilégiant l'amélioration des processus décisionnels sur l'imposition d'objectifs substantiels.
L'évolution du contentieux environnemental vers une approche technique plutôt que politique constitue un choix jurisprudentiel significatif. Cette orientation privilégie la stabilité institutionnelle et la sécurité juridique, mais elle questionne l'adéquation des instruments juridiques traditionnels aux défis écologiques contemporains.