Réindustrialiser la France passe nécessairement par la réhabilitation des friches industrielles motrices de la croissance de l’économie française.
C’est tout le sens de l’adoption de la loi industrie verte n°2023-973 du 23 octobre 2023 permettant sur cet aspect de résorber l’épineuse question du devenir des créances environnementales lorsque la liquidation judiciaire tient lieu. Pour y parvenir, la sécurisation des sites pollués demeure impérative.
Cette réindustrialisation se situe au cœur d’un ensemble de contexte tantôt favorable, tantôt confronté à des défis ou contraintes liés aux enjeux écologiques voire environnementales.

Par ailleurs, le recyclage des friches industrielles met en relation le code de de l’environnement et le code de l’environnement. Le législateur s’en est bien chargé en s’assurant de l’articulation entre ces deux codes. C’est pour éviter tout conflit que le législateur a exigé un bilan environnemental, la cession des sols pollués, les garanties financières, ciblant les sociétés mères, etc. Il s’agit pour le législateur de pallier aux défaillances des exploitants dès lors qu’une procédure collective est ouverte.
Plus encore, afin de s’arrimer à la politique de transition durable « obligeant » par ricochet de recycler les friches, le législateur au travers de la loi industrie verte s’est davantage intéressé à la procédure de liquidation judiciaire.
S’agissant de la créance environnementale, elle " fait suite à un dommage à l'environnement ou à une pollution. On y trouve directement, ou indirectement la poursuite d'un intérêt commun : celui de la protection du patrimoine commun qu'est l'environnement."

Pour la liquidation judiciaire, elle intervient dès lors qu’une société est dans des difficultés trop importantes. En matière d’ICPE (installations classées pour la protection de l’environnement, deux options se dessinent à ce niveau : soit de procéder à un plan de cession, soit de procéder à une cessation complète des activités ICPE ;

La politique de réhabilitation des friches industrielles en termes de recyclage a conduit non seulement à modifier le régime de paiement des créances dans la procédure de liquidation judiciaire, mais également dans la même veine d’insérer la liquidation judiciaire dans le processus de réhabilitation particulièrement en matière de cessation d’activité ICPE.
Il s’agira pour voir plus clair de s’intéresser à l’apport de la liquidation judiciaire dans la sécurisation des friches industrielles (I) et la réhabilitation des friches (II)

I. L’APPORT DE LA LIQUIDATION JUDICIAIRE DANS LA SECURISATION DES FRICHES INDUSTRIELLES

C’est au dernier exploitant voulant mettre fin à l’activité de son installation classée pour la protection de l’environnement qu’il revient de mettre en sécurité son installation dont la mise en œuvre incombe au liquidateur (A) et cela avec une contribution financière (B).

A. LE ROLE DU LIQUIDATEUR

Le fonctionnement d’une ICPE depuis l’obtention de l’autorisation d’exploiter obéit à un ensemble de règles tout au long de l’existence de l’installation. Il en est ainsi des exigences de nature technique et administrative, la cessation étant comprise. De ces exigences, la mise en sécurité y est incluse.
Ainsi, en présence de liquidation judiciaire, priorité est accordée aux opérations de mise en sécurité. D’où la nécessité du liquidateur.
Ce dernier est soumis à une obligation de diligence. C’est-à-dire qu’il doit s’assurer que le débiteur de l’obligation de mise en sécurité et de la réhabilitation de la friche industrielle. Ceci dans le cadre des exigences posées par le droit de l’environnement. En effet, pour le juge du Palais-Royal, c’est au liquidateur « de veiller au respect des obligations découlant de la législation sur les installations classées pour la protection de l’environnement » (CE, 28 sept. 2016, n° 384315).
Le code de l’environnement (Art. R. 512-75-1, IV) établi un ensemble de mesures nécessaires à la mise en sécurité du site faisant l’objet d’une cessation d’activité ICPE. Parmi ces mesures, « l’évacuation des produits dangereux et, pour les installations autres que les installations de stockage de déchets, la gestion des déchets présents, les interdictions ou limitations d’accès, de la suppression des risques d’incendies et d’explosion, la surveillance des effets de l’installation sur son environnement, tenant compte d’un diagnostic proportionné aux enjeux ». A cela peut s’ajouter les mesures de gestion temporaires ou de restriction d’usages temporaires. Ces opérations devront par la suite être attestées par une entreprise certifiée.

B. L’APPORT FINANCIER

Concernant la contribution financière, la loi industrie verte a opéré des modifications particulièrement l’article L. 641-13 du code de commerce en ajoutant que : « sont payées à l’échéance les créances nées régulièrement après le jugement qui ouvre ou prononce la liquidation judiciaire (…), si elles sont nées pour assurer la mise en sécurité des installations classées pour la protection de l’environnement en application des articles L. 512-6-1, L. 512-7-6 ou L. 512-12-1 du Code de l’environnement ». (C. com., art. L. 643-13, I, al. 5.)

Le liquidateur peut prendre l’initiative de procéder à la contractualisation avec tout prestataire qu’il juge apte à pouvoir mettre le site en sécurité. Il devra s’assurer de la disponibilité des fonds pour le paiement du contractant.

Toutefois, en l’absence d’un prestataire pour assurer la mise en sécurité, l’exploitant ne peut s’exonérer des responsabilités qui lui incombent en tant qu’exploitant du site. De plus, le non-respect des mesures applicables (Code de l’environnement art. L. 178-1, II) peut conduire l’administration particulièrement le préfet à prendre des arrêtés de mise en demeure voire le paiement d’une somme en lorsque la mise en demeure reste infructueuse. Cette somme est arrimée par rapport aux travaux et opérations à effectuer.

II. LA REHABILITATION DES FRICHES INDUSTRIELLES

La réhabilitation de sites ayant fait l’objet de cessation d’activités ICPE demeure une obligation conformément au code de l’environnement (Art. L. 512-6-1, al. 5, art. L. 512-7-6, al. 5, art. L. 512-12-1, al. 2).
La loi industrie verte a procédé à la suppression de la garantie financière relative à cette cessation d’activités ICPE dans le cadre de la réhabilitation des friches (A) posant toutefois des interrogations quant au paiement des créances d’opérations permettant la liquidation judiciaire (B).

A. SUPPRESSION DE LA GARANTIE FINANCIERE PORTANT CESSATION D’ACTIVITE ICPE

De principe, toute activité présentant des impacts sur l’environnement demeure soumis aux exigences relatives à la disposition de garanties financières (C. envir., art. L. 516-6, al. 1).
Ces obligations sont arrimées à la nécessité d’assurer une réhabilitation du site ICPE après cessation de l’activité ICPE.
Cette obligations concernent, avec la loi industrie verte, les installations de stockage géologique de dioxyde de carbone (C. envir., art. L. 229-32), les installations Seveso présentant des dangers graves (C. envir., art. L. 516-36.), les installations de stockage de déchets et les éoliennes (C. envir., art. L. 515-46). Au niveau pratique, cela ne concerne que les installations soumises aux régimes autorisation et enregistrement dont le montant est par ailleurs supérieur à 100 000 euros.

La suppression dans le cadre de la procédure collective est de rendre moins onéreuse l’exploitation d’une ICPE, mais également de soumettre la créance de réhabilitation au régime juridique des entreprises en difficulté.

Par conséquent, c’est la réindustrialisation qui est recherchée.

B. INTERROGATIONS SUR LA PORTEE DE LA SUPRESSION

Des interrogations demeurent quant au paiement de la créance de la réhabilitation. En effet, tout dépendra du produit de la réalisation des actifs déployés dans le cadre des opérations de liquidation.

Or, de manière pratique, en matière de site pollué l’issue de la procédure est subordonnée aux contraintes de l’usage qui en sera faite dans le futur. « Sur ce plan, la loi relative à l’industrie verte introduit de nouvelles dispositions de nature à faciliter cet usage, ce qui devrait favoriser la cession des sites pollués, des mesures dont l’évocation dépasserait toutefois le cadre de cette contribution. Une chose est sûre, les sommes versées, à la suite de la vente d’un site pollué, ne sont pas affectées exclusivement au paiement de la réhabilitation du site. Leur distribution va donc dépendre de l’ordre prévu par l’article L. 643-8 du Code de commerce et les créances nées d’opérations de réhabilitation ne bénéficieront d’un rang favorable que si elles ont contribué à la mise en sécurité du site. »

Bibliographie :

R. Bonnefont, « Loi “industrie verte”, l’État creuse le sillon », Énergie - Env. - Infrastr. 2023, n° 12, étude 26
D. Voinot, « Le bilan environnemental dans la procédure collective », Dr. env. 2004, p. 280 C. Saint-Alary-Houin, « La nature juridique de la créance environnementale », Rev. proc. coll. 2004. p. 146 à 14
D. Voinot, « La contribution de la liquidation judiciaire à la réindustrialisation », Bulletin Joly Entreprise en difficulté- Janvier 2024.