Les installations de recharge des véhicules électriques au cœur de la transition écologique
Par Marc BASSENE
Posté le: 21/08/2025 12:47
La nécessité d’aller vers une mobilité urbaine décarbonée n’est plus un slogan, mais une réalité plus que concrète même s’il demeure par ci et là des limites eu égard à l’adaptation au quelle ce secteur exige en termes d’accessibilité et de reconfiguration.
L’impact environnemental engendré par les transports n’est plus à démontrer au regard de l’état des émissions de gaz à effet de serre produit par ce secteur. Ce n’est pas d’ailleurs de manière fortuite que l’Union européenne vise une réduction de 90% des émissions de gaz à effet de serre provenant du secteur du transport d’ici 2050 par rapport à 1990.
Il s’agit d’atteindre la neutralité climatique tant annoncée par le Pacte vert pour l’Europe.
En France, il faut noter que l’empreinte carbone du domaine du transport représente 30% des émissions de gaz à effet de serre en 2021. Par conséquent, il s’agit du secteur qui contribue le plus aux émissions globales de gaz à effet de serre et cela devant le secteur industriel, de la construction et de l’agriculture.
Pour réduire cet impact, la décarbonation s’invite au cœur du transport avec l’essor de voitures électriques devenant par ailleurs l’un des axes prioritaires des collectivités publiques pour réduire les émissions de gaz à effet de serre au niveau du transport. Ces voitures électriques dépendent essentiellement d’infrastructures dont les installations de recharge pour véhicules électriques (IRVE).
En décembre 2024, « 154694 points de recharge ouverts au public étaient recensés, représentant un taux de d’évolution de + 31 % sur douze mois, 8 046 nouvelles stations de recharge, représentant 36 685 points de recharge supplémentaires ouverts au public, ont déjà été déployées en 2025, confirmant la forte tendance à la hausse du développement de ces installations » selon le baromètre national des infrastructures de recharge ouvertes au public. Ces IRVE sont principalement réparties au sein de commerces, entreprises, parkings ou sur la voie publique. Elles sont appréhendées comme « l’ensemble des matériels, tels que circuits d’alimentation électrique, bornes de recharge ou points de recharge, coffrets de pilotage et de gestion, et des dispositifs permettant notamment la transmission de données et le cas échéant la supervision, le contrôle et le paiement, qui sont nécessaires à la recharge » conformément au Décret n° 2017-26, 12 janv. 2017, relatif aux infrastructures de recharge pour véhicules électriques et portant diverses mesures de transposition de la directive 2014/94/UE du Parlement européen et du Conseil du 22 octobre 2014 sur le déploiement d’une infrastructure pour carburants alternatifs, art. 2.
Important pour la baisse des impacts environnementaux du transport, les installations de recharge pour véhicules électrique obéissent à un cadre normatif nous amenant à nous intéresser aux règles applicables aux IRVE (Installations de recharge de véhicules électriques) tout en ne faisant pas abstraction aux acteurs (I) d’une part et à l’application du cadre normatif (II) d’autre part.
I. PRESENTATION DU CADRE CONSTITUTIF DES INSTALLATIONS DE RECHARGE POUR VEHICULES ELECTRIQUES
Le cadre de présentation des installations de recharge pour véhicules électriques nous amène à nous intéresser à son cadre normatif (A) tout en se penchant aux acteurs évoluant dans ce secteur (B).
A. LE CADRE NORMATIF DES INSTALLATIONS DE RECHARGE POUR VEHICULES ELECTRIQUES
Plusieurs lois sont venues encadrer les IRVE. De ces lois, on retrouve la loi Grenelle II de 2010, la loi d’orientation des mobilités de 2019, la loi climat et résilience.
La loi Grenelle II, quant à elle, permet aux communes de mettre en place des IRVE et de procéder à leur entretien dès lors que l’offre demeure insuffisant voire inadéquate. Conformément à l’article L. 2224-37 du code du code général des collectivités territoriales, elles peuvent instituer un service qui sera en charge de la création, de l’exploitation et de l’entretien de tels équipements.
La loi dite orientation des mobilités (LOM) du 24 décembre 2019 en ses articles 64 et 68, celle-ci met l’accent sur l’accompagnement des IRVE au travers de mesures d’incitations financières.
S’agissant de la loi climat et résilience de 2021, elle s’inscrit dans la même dynamique que la loi dite LOM. Cette loi pose l’obligation d’équipements pour les parkings publics de stationnement. En outre, elle renforce l’aide au raccordement des bornes de recharge public d’électricité. Il est à noter aussi le soutien à l’installation de bornes de recharge dans les immeubles collectifs.
Cependant, il faut noter l’importance des documents d’urbanisme, vecteur essentiel à la pleine effectivité des IRVE. Il en est du PLU ou PLUI, du SCOT, etc.
B. LA PRESENCE MULTIPLE D’ACTEURS DANS LES IRVE
La présence des IRVE met en présence plusieurs acteurs appelant à collaborer. En effet, au regard des différents codes, la question des IRVE n’est pas cloisonnée à la compétence exclusive à une seule personne morale de droit public. La compétence reconnue aux communes en matière d’IRVE à l’article L. 2224-37 du code général des collectivités territoriales particulièrement l’installation et la gestion des bornes de recharge sur la voie publique peut-être transférée aux EPCI, aux métropoles, etc.
Cette présence est justifiée compte tenu du fait que ce secteur concerne par excellence le domaine des transports, domaine à la croisée des acteurs privés comme publics. De plus, les IRVE « font intervenir une multitude d’acteurs allant des fabricants et fournisseurs des bornes aux opérateurs de recharge, lesquels installent les réseaux et assurent leur exploitation et leur maintenance ».
Qu’en est-il de l’application des règles ?
II. L’APPLICATION DU CADRE NORMATIF
L’application du cadre normatif révèle d’une part que l’implantation et l’exploitation reste au préalable assujetties à une autorisation (A) et que d’autre part manifeste des enjeux non-négligeables (B).
A. LA NECESSITE D’UNE AUTORISATION
La réalisation des IRVE demeure assujettie par la nécessité de disposer d’une autorisation délivrée par l’autorité compétente. Elle touche le domaine public (voirie, parkings). Par conséquent leur l’implantation voire l’exploitation nécessitent une autorisation de l’autorité administrative compétente venant préciser les conditions (Code général de la propriété des personnes publiques, art. L. 2122-1 et s). Il demeure ainsi impératif de déclarer les travaux prévus et le cas échéant en obtenir l’autorisation requise (C. urb., art. L. 421-1 et s. – C. urb., art. R. 421-1 et s).
Dans la pratique, les démarches administratives pour installer des IRVE (bornes de recharge) dépendent de l’emplacement et de l’ampleur du projet. En principe, un permis de construire est requis, toutefois, certains travaux peuvent n’exiger qu’une déclaration préalable ou être dispensés de formalités si les seuils du Code de l’urbanisme ne sont pas dépassés. C’est le cas de la pose de bornes dans un parking qui ne nécessite pas de permis, contrairement à la création d’un nouveau parc de stationnement ou d’une zone publique de recharge. Le porteur du projet doit, si nécessaire, déposer une demande auprès du service d’urbanisme, qui vérifie la conformité avec le PLU et les règles applicables.
Il faut aussi noter que l’installation des IRVE, de même que leur raccordement futur au réseau d’électricité obéissent de manière constante aux dispositions des articles L. 353-1 et suivants du Code de l’énergie (c’est le cas par exemple de mettre à la disposition du public les informations relatives à la puissance réelle maximale de l'infrastructure de recharge, le fait de garantir l'interopérabilité de l'infrastructure pour l'itinérance de la recharge selon des modalités précisées par décret en Conseil d'Etat, etc.). L’installation d’IRVE doit également respecter des normes techniques visant à garantir la sécurité des installations et leur efficacité, lesquelles sont définies par des textes spécifiques (normes NF C 15-11 et IEC 61851)
B. LA PRESENCE REELLE D’ENJEUX NON-NEGLIGEABLES
L’intégration des IRVE dans la mobilité urbaine n’est pas sans effet sur le paysage urbain. La présence des IRVE peut à la fois porter des atteintes aux aspects visuels, de même qu’à la reconfiguration de l’espace. Il en est de même de l’instauration de zones de compensation du fait de l’impact écologique des IRVE.
Il faut noter également que l’implantation des IRVE soulève des questions de disparités territoriales car celles-ci demeurent fortement présentes dans les zones urbanisées voire densément peuplés. « En effet, la répartition des bornes de recharge demeure inégale. Si la France comptait plus de 100 000 points de recharge accessibles au public en 2024, cette couverture n’est pas uniforme dès lors que seuls 30 % des stations de recharge sont implantés en zones périurbaines et rurales. L’implantation des bornes soulève également des enjeux cruciaux d’accessibilité, notamment pour les personnes à mobilité réduite ».
Par conséquent, la réduction de cette inégalité nécessitera la montée en puissance du réseau de distribution, de même que l’accessibilité de voitures électriques en termes d’achat et la nécessité d’intégrer l’ensemble des acteurs en amont de l’implantation des IRVE.
Sources : L. de FONTENELLE, « Du concept de mobilité au droit des mobilités », in L. de Fontenelle et S. Martin, Le droit des mobilités, 2024, LexisNexis, p. 7, spéc. 12
C. POLETTO, « Loi d’orientation des mobilités : du droit au transport au droit à la mobilité », Dr. adm. 2020, étude 14
A. TRECA, G. PALOMBELLI, « L’urbanisme au service d’une mobilité verte : l’exemple des installations de recharge pour véhicules électriques », Gazette du Palais n°18 du 27 mai 2025, P.35 à 37.
https://www.union-habitat.org/sites/default/files/articles/pdf/2023-05/reperes_ndeg_100_web-22-05-23.pdf
https://www.europarl.europa.eu/topics/fr/article/20190313STO31218/emissions-de-co2-des-voitures-faits-et-chiffres-infographie
https://bigmedia.bpifrance.fr/nos-dossiers/avion-voiture-reduire-lempreinte-carbone-des-transports-de-lentreprise