La justice pénale française opère un tournant décisif dans la lutte contre les atteintes à l’environnement. Alors que les infractions écologiques étaient autrefois reléguées au second plan, les tribunaux n’hésitent plus à sanctionner sévèrement les responsables, y compris au sommet des entreprises. La condamnation récente des PDG d’EDF Renouvelables et de la société ERL pour destruction d’espèces protégées illustre cette évolution : la protection de la biodiversité devient un enjeu judiciaire majeur, et les dirigeants ne sont plus à l’abri de poursuites pénales.

I. La montée en puissance du droit pénal environnemental

Pendant longtemps, les atteintes à la biodiversité ont été traitées comme des délits techniques, rarement poursuivis, et souvent réglés par des sanctions administratives ou des transactions financières. Mais depuis l’introduction du préjudice écologique dans le Code civil (loi du 8 août 2016), et la montée en puissance des contentieux portés par les ONG, le paysage juridique a changé.
Le Code de l’environnement prévoit des sanctions pénales pour la destruction d’espèces protégées, la dégradation d’habitats naturels ou le non-respect des autorisations environnementales. Ce cadre juridique, longtemps sous-utilisé, est désormais activé par les juridictions, qui reconnaissent la gravité des atteintes à la biodiversité dans un contexte de crise écologique mondiale.
Les procureurs, sensibilisés aux enjeux environnementaux, engagent plus fréquemment des poursuites, notamment lorsque les faits sont répétés, commis en connaissance de cause, ou accompagnés d’un mépris manifeste des obligations légales. Les juges, eux, n’hésitent plus à prononcer des peines de prison avec sursis, des amendes lourdes, et des réparations écologiques.

II. Les affaire EDF Renouvelables et société Energies Renouvelables du Languedoc (ERL) : un signal fort envoyé aux dirigeants

Le cas du parc éolien d’Aumelas, dans l’Hérault, est emblématique. Entre 2017 et 2023, plus de 160 cadavres d’espèces protégées ont été retrouvés au pied des éoliennes, dont 65 faucons crécerellettes, une espèce migratoire classée vulnérable. Malgré les alertes de l’administration et des associations, EDF Renouvelables a poursuivi son exploitation sans solliciter les dérogations nécessaires.
Le 7 avril 2025, le tribunal correctionnel de Montpellier a condamné le PDG d’EDF Renouvelables au moment des faits, à six mois de prison avec sursis et 100 000 euros d’amende, dont 30 000 avec sursis. Dix filiales du groupe ont également été condamnées à 500 000 euros d’amende chacune, et la suspension de l’activité du parc pour quatre mois a été ordonnée.
Deux jours plus tard, le 9 avril 2025, le même tribunal a prononcé une autre condamnation retentissante contre la société Énergies Renouvelables du Languedoc (ERL), filiale du groupe Valeco, pour la destruction d’espèces protégées sur le parc éolien de Bernagues, notamment un aigle royal suivi par GPS et tué par une pale d’éolienne. Le dirigeant d’ERL a été condamné à 40 000 euros d’amende, dont la moitié avec sursis, et la société à 200 000 euros, également partiellement avec sursis. Le tribunal a ordonné l’arrêt du parc pour une durée d’un an, avec exécution provisoire
Ces deux affaires montrent que les juges n’hésitent plus à suspendre des activités industrielles, à engager la responsabilité personnelle des dirigeants, et à imposer des réparations écologiques substantielles. Elles traduisent une volonté de faire du droit pénal un outil de dissuasion et de régulation environnementale.

La condamnation des PDG des deux sociétés n’est pas un cas isolé, mais le symptôme d’un durcissement global de la justice environnementale. Elle envoie un message clair : les atteintes à la biodiversité ne sont plus tolérées, et les dirigeants doivent répondre de leurs actes devant les tribunaux. Dans un contexte de crise écologique, la justice pénale devient un outil essentiel pour faire respecter les normes environnementales et protéger les espèces menacées. Ce tournant judiciaire pourrait bien redéfinir les rapports entre économie et écologie, en plaçant la nature au cœur du droit.