
COP29 : Quelles avancées attendues en matière de droit international de l’environnement ?
Par Younes OULMANE
Stagiaire
Airliquide
Posté le: 07/03/2025 15:17
Rappel : Les enjeux et le contexte pré-COP29
Avant d'examiner les résultats de la COP29, il est utile de rappeler brièvement les principaux enjeux qui se posaient avant cette conférence. La COP28 avait indéniablement marqué un tournant avec la mention explicite de la "transition hors des énergies fossiles", mais les engagements globaux restaient largement insuffisants pour atteindre les objectifs de l'Accord de Paris, notamment la limitation du réchauffement à 1,5°C. Les questions du financement de l'action climatique, de l'adaptation, de la mise en œuvre des engagements, et de la prise en compte de la biodiversité demeuraient des défis majeurs pour la COP29.
COP29 : Les avancées juridiques (et les limites) constatées
La COP29 a-t-elle permis de franchir de nouvelles étapes significatives en droit international de l'environnement ?
Un examen des principaux domaines permet de dresser un bilan nuancé :
• Financement de l'Action Climatique : Opérationnalisation partielle du Fonds "Pertes et Dommages", mais financement global toujours insuffisant. La COP29 a effectivement marqué une étape importante avec l'opérationnalisation formelle du fonds dédié aux "pertes et dommages". Des modalités de financement ont été précisées, des critères d'éligibilité définis, et une structure de gouvernance mise en place. Cependant, les promesses de contributions financières des pays développés sont restées en deçà des besoins estimés, et le débat sur la mobilisation de financements nouveaux et additionnels, notamment par des mécanismes innovants, n'a pas abouti à des avancées décisives. Le financement de l'adaptation reste également un point de fragilité, avec des engagements encore loin des besoins des pays les plus vulnérables. Sur le plan juridique, les décisions adoptées restent perfectibles en termes de caractère contraignant des engagements financiers et de mécanismes de suivi robustes.
• Ambition des Contributions Déterminées au niveau National (CDN) : Un appel réitéré, mais des progrès limités dans l'immédiat. La COP29 a réaffirmé l'urgence de relever l'ambition des CDN. Un appel pressant a été lancé aux États pour qu'ils présentent des CDN révisées et plus ambitieuses dans les meilleurs délais, en vue du prochain cycle de révision. Cependant, peu de pays ont annoncé de nouvelles CDN significativement plus ambitieuses lors de la COP29 elle-même. Juridiquement, les formulations encourageant l'augmentation de l'ambition sont restées incitatives plutôt que contraignantes. Des mécanismes de suivi et d'évaluation renforcés ont été évoqués, mais leur mise en œuvre effective reste à confirmer. L'année 2025 sera cruciale pour observer si l'appel de la COP29 se traduit par des révisions substantielles des CDN.
• Adaptation au Changement Climatique : Renforcement des cadres nationaux et reconnaissance accrue des déplacements liés au climat. La COP29 a confirmé l'importance croissante de l'adaptation. Des décisions ont été prises pour encourager le développement de cadres juridiques nationaux plus robustes en matière d'adaptation, intégrant la planification de l'adaptation dans divers secteurs. Une avancée notable a été la reconnaissance plus explicite, dans les décisions de la COP29, de la question des déplacements et migrations liés au climat. Sans créer un nouveau cadre juridique contraignant, la COP29 a appelé à renforcer la coopération internationale et l'assistance aux populations déplacées en raison des impacts climatiques. Des travaux juridiques et politiques supplémentaires seront nécessaires pour mieux encadrer cette question complexe.
• Mise en Œuvre et Respect des Engagements : Transparence renforcée, mais mécanismes de conformité toujours perfectibles. La COP29 a mis l'accent sur la transparence et la redevabilité. Le "bilan mondial" (Global Stocktake) a été renforcé dans sa phase de suivi des progrès réalisés par les États. Des mécanismes de facilitation ont été mis en avant pour aider les pays à atteindre leurs objectifs. Cependant, les États sont restés réticents à l'égard de mécanismes de contrôle ou de sanction plus contraignants en cas de non-respect des engagements. Le droit international de l'environnement continue de reposer principalement sur l'incitation et la pression politique, plutôt que sur des mécanismes de conformité juridiquement contraignants.
• Synergies avec la Biodiversité et les Autres Conventions Environnementales : Une approche intégrée réaffirmée. La COP29 a réitéré la nécessité d'une approche intégrée entre les différentes crises environnementales. Les liens entre climat et biodiversité ont été soulignés, et des appels ont été lancés pour renforcer la coopération entre la CCNUCC et la Convention sur la diversité biologique (CDB). La mise en œuvre du Cadre mondial de Kunming-Montréal pour la biodiversité a été encouragée en synergie avec les objectifs climatiques. Cependant, des initiatives concrètes et des mécanismes de coordination inter-conventions plus robustes restent à développer.
Les Défis Persistants en 2025.
Malgré certaines avancées à la COP29, de nombreux défis persistent en 2025 :
• Le Contexte Géopolitique Fragilisé : Les tensions internationales continuent d'affecter la coopération climatique. La confiance entre les États reste fragile, ce qui complique les négociations et la mise en œuvre d'actions ambitieuses.
• L'Ambition Insuffisante face à l'Urgence : Même avec les décisions de la COP29, le niveau d'ambition global reste insuffisant pour limiter le réchauffement à 1,5°C et faire face à l'ampleur de la crise environnementale. Un saut qualitatif est nécessaire dans les prochaines années.
• La Question de la Justice Climatique : Les inégalités entre pays développés et pays en développement, et les enjeux de justice climatique, demeurent centraux. Assurer une transition juste et équitable reste un défi majeur.
• La Mise en Œuvre Nationale Effective : Transformer les décisions internationales en actions concrètes au niveau national reste un obstacle majeur. Des efforts renforcés sont nécessaires pour soutenir la mise en œuvre des engagements par les États.
Perspectives pour 2025 et au-delà : L'Agenda du Droit International de l'Environnement.
L'année 2025 s'annonce cruciale pour la suite de l'action climatique et du développement du droit international de l'environnement. Plusieurs éléments seront à suivre :
• La Révision des CDN : Il faudra observer si l'appel de la COP29 à des CDN plus ambitieuses se concrétise par des engagements substantiels de la part des États en 2025.
• L'Opérationnalisation du Fonds "Pertes et Dommages" : La mise en place effective du fonds, la mobilisation des ressources promises, et la distribution concrète aux pays vulnérables seront des tests importants pour la crédibilité du régime climatique.
• Les Préparatifs de la COP30 : Les premières discussions et les enjeux qui émergeront en vue de la COP30 commenceront à se dessiner en 2025. Il faudra anticiper les priorités et les stratégies pour cette prochaine échéance majeure.
• Les Développements Juridiques Nationaux : Il sera important de suivre les évolutions des cadres juridiques nationaux en matière de climat et d'environnement, en lien avec les orientations internationales.
• Les Contentieux Climatiques : Les contentieux climatiques, devant les tribunaux nationaux et internationaux, continuent de se développer et pourraient jouer un rôle croissant pour faire avancer l'action climatique et clarifier les obligations juridiques des États et des entreprises.
Conclusion : Un Progrès en Demi-Teinte à la COP29, un Besoin d'Accélération en 2025
La COP29 a marqué certaines avancées en droit international de l'environnement, notamment sur le fonds "pertes et dommages" et la reconnaissance des déplacements liés au climat. Cependant, le rythme des progrès reste insuffisant face à l'urgence climatique. En 2025, la communauté juridique de l'environnement doit continuer à jouer un rôle essentiel pour analyser les avancées et les limites de la COP29, suivre les développements en cours, et plaider pour un cadre juridique international plus robuste, plus ambitieux et plus juste. "La Lettre des Juristes de l'Environnement" restera un lieu d'échange et d'analyse privilégié pour ces enjeux cruciaux. L'année 2025 doit être celle de l'accélération : accélération de l'ambition, accélération de la mise en œuvre, et accélération du développement d'un droit international de l'environnement à la hauteur des défis.