Au titre de l'article L.4121-1 du Code du travail, l'employeur doit prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité de ses salariés et protéger leur santé physique et morale.
Pour le guider dans l’élaboration d’un système de sécurité efficace, le Code du travail édicte des principes généraux de prévention des risques (article L.4121-2) tels que :
- Evaluer les risques qui ne peuvent pas être évités ;
- Combattre les risques à la source ;
- Adapter le travail à l’homme, par la conception des postes de travail, les équipements de travail, les méthodes de travail et de production ;
- Donner les instructions appropriés aux travailleurs ;
Ceux-ci doivent servir de fondement dans la mise en place des mesures de sécurité.
Dans ce cadre, en cas d'accident du travail ou de maladie professionnelle, et/ou si ces mesures de prévention n’ont pas été prises, l'employeur pourra voir sa responsabilité engagée, responsabilité pénale comme civile.
Une responsabilité civile de droit commun dont le fondement, qui peut être délictuel avec l'article 1383 du Code civil, sera le plus souvent contractuel, en raison de l'existence du contrat de travail qui lie celui-ci à son salarié. Par ce contrat, le chef d'entreprise a une obligation de sécurité envers ses employés. Compte tenu des conséquences qu’engendre un accident de travail (conséquences économiques, mais surtout humaines), cette obligation de sécurité est une obligation de résultat. La jurisprudence l’a rappelé, notamment dans ses arrêts « amiante », avec cet attendu de principe : "en vertu du contrat de travail le liant à son salarié, l'employeur est tenu envers celui-ci d'une obligation de sécurité de résultat" (Cass. Soc., 28 février 2002, 7 arrêts BICC n° 554 du 15 avril 02).

L’employeur est tenu de la sécurité de ses salariés en toute circonstance, il répond de tous les dommages subis par eux sans que ceux-ci aient à prouver une quelconque faute de leur part : la faute de l’employeur est présumée par le seul fait que le résultat attendu, c’est à dire la sécurité et la santé des travailleurs, n’a pas été atteint.
D’où la nécessité de prendre un maximum de mesures de sécurité au sein de l’entreprise et de mettre en place un système de prévention des risques performant.
Ainsi, l'obligation de sécurité de résultat est également considérée comme un outil de prévention. Menaçant l’employeur, cette épée de Damoclès n’intervient alors pas seulement a posteriori, mais permet aussi une certaine prise de conscience et sensibilisation au sein de l’entreprise.
D’autant plus que même en l’absence d’accident, la présence d'un risque peut être fatal pour l'employeur. La chambre sociale a par exemple admis que l'employeur qui expose un de ses salariés à un risque identifié manque à son obligation de sécurité s'il n'a pas pris les mesures de protections appropriées (Cass. soc., 30 novembre 2010, n° 08-70.390 FS-PB).


L’obligation de sécurité de résultat de l’employeur peut prendre le caractère de faute inexcusable.
A l’origine, considérée dans la jurisprudence comme une faute « d’une gravité exceptionnelle, dérivant d’un acte ou une omission volontaires, de la conscience du danger que devait en avoir son auteur, de l’absence de toute cause justificative » (arrêt C.cass. Veuve Villa, 15 juillet 1941), sa définition a évolué avec la série d’arrêts de la chambre sociale du 28 février 2002 (relatifs à l’amiante), qui a été confirmée ensuite par un arrêt d’assemblée plénière du 24 juin 2005 (n° 03-30.038).
« En vertu du contrat de travail le liant à son salarié, l’employeur est tenu envers lui d’une obligation de sécurité de résultat (…). Le manquement à cette obligation a le caractère de faute inexcusable, au sens de l’article L.452-1 du Code de sécurité sociale, lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié et qu’il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver ».
La faute, aussi légère soit-elle et qu'elle soit directe ou pas, est considérée comme inexcusable.
Elle est donc retenue aux conditions suivantes :

La conscience par l'employeur d'un danger, un danger réel et avéré. C’est la conscience qu’il devait ou aurait dû avoir du danger, en tant qu’employeur normalement prudent.

L’absence de mesures appropriées destinées à protéger le travailleur contre ce danger. De simples mesures ne suffisent pas, elles doivent être nécessaires, appropriées au risque identifié.

C'est au salarié de prouver le comportement fautif de son employeur, c'est à dire de prouver que son employeur avait connaissance du danger, et qu'aucune mesure n'a été prise par lui pour y remédier : négligence (volontaire ou pas), absence d'information, de formation, de consignes de sécurité, de mise en garde, défaut de surveillance et d'encadrement, absence de protection, non respect de la législation et réglementation nationale…
Il suffit que la faute de l’employeur soit la cause nécessaire de l’accident pour qu’elle soit inexcusable, peu importe qu’elle en soit ou pas la cause déterminante (Cass. Soc., 31 octobre 2002, n° 00-18.359), alors même que d’autres fautes auraient concourues au dommage (Ass .plen., 24 juin 2005).

La reconnaissance d’une faute inexcusable permet des dommages et intérêts supplémentaires pour le salarié. « Lorsque l’accident est dû à la faute inexcusable de l’employeur (…), la victime ou ses ayants droit ont droit à une indemnisation complémentaire dans les conditions définies aux articles suivants » (article L.452-1 du Code de sécurité sociale).
De manière générale, la responsabilité civile est un système indemnitaire, la sanction consiste en une réparation financière au bénéfice du salarié victime : indemnisation journalière pendant l’arrêt de travail, remboursement intégral des dépenses de soins, versement d’une rente en cas d’interruption de travail. En plus de cela, la victime peut demander des dommages et intérêts complémentaires si elle parvient à prouver une faute inexcusable de l’employeur.
Article L.452-2 CSS : elle peut recevoir une majoration des indemnités qui lui sont dues en vertu du présent livre (livre IV : Accidents du travail et maladies professionnelles).
Article L.452-3 du même Code : la victime bénéficie de dommages et intérêts supplémentaires au titre des préjudices subis non réparés. La liste de ces derniers est limitative : souffrance physique et morale, préjudice esthétique, préjudice d'agrément, perte ou diminution d'une éventuelle promotion professionnelle.

Le régime indemnitaire de la faute inexcusable et son admission dans la jurisprudence a récemment évolué suite à quelques arrêts de la Cour de cassation. C’est une décision du Conseil Constitutionnel de juin 2010 qui a marqué le point de départ de cette avancée. La Cour de cassation a été appelé à suivre.

Le système de l’indemnisation forfaitaire n’a pas été jugé inconstitutionnel, mais la liste limitative de l'article L.452-3 a été considéré comme trop restrictive (Conseil constitutionnel, décision du 18 juin 2010, n° 2010-8 QPC). La liste des préjudices alloués en application de l’article L.452-3 CSS, a t-il estimé, ne saurait priver la victime de la possibilité de demander à l’employeur réparation de l’ensemble des dommages non couverts par le livre IV dudit Code. La liste des préjudices n’est donc plus exclusive.
Ce qui est réparable mais pas réparé par le CSS doit l’être.
La Cour de cassation est ainsi invitée à élargir cette liste, ce qu’elle a fait tout récemment.

La Cour de cassation a reconnu une indemnisation à la fois au titre de l'aménagement d'un logement pour l'handicap issu de l'accident et au titre des frais déboursés pour l'achat d'un véhicule adapté au handicap.
Principe qui en ressort : En cas de faute inexcusable de l'employeur et indépendamment de la majoration de la rente, la victime peut demander à l'employeur la réparation non seulement des chefs de préjudice énumérés à l'article L.452-3 du CSS, mais aussi de l'ensemble des dommages non couverts par le livre IV du CSS (Cass., 2ème civ.,30 juin 2011).
Non couverts par le livre susvisé, les frais d'aménagement du logement et d'un véhicule adapté issus de l'handicap résultant d'un accident du travail doivent malgré tout être pris en compte dans l'indemnisation.

Le principe affirmé par la chambre sociale a été repris dans la jurisprudence ultérieure, notamment dans cet arrêt mettant en cause deux préjudices pour un même accident de travail (Cass., 2ème civile, 4 avril 2012) : « Les dispositions de l'article L.452-3 du code de la sécurité sociale ne font pas obstacle à ce qu'en cas de faute inexcusable de l'employeur, et indépendamment de la majoration de rente servie à la victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle, celle-ci puisse demander à l'employeur, devant la juridiction de sécurité sociale, la réparation, non seulement des chefs de préjudice énumérés par le texte susvisé, mais aussi de l'ensemble des dommages non couverts par le livre IV du Code de la sécurité sociale ; »
Dans cette espèce, la réparation des deux dommages résultant de l’accident litigieux a été admise par la chambre sociale : le préjudice sexuel dans un premier temps, ainsi que, distinctement du premier, le déficit fonctionnel temporaire.
Le préjudice sexuel, entendu comme tous les préjudices touchant la sphère sexuelle, est désormais apprécié distinctement du préjudice d'agrément déjà mentionné à l'article L.452-3 (ce qui est un revirement de jurisprudence par rapport à un arrêt de la 2ème civile 8 avril 2010, n° 09-14.047, décidant qu’ « au sens de l'article L.452-3, le préjudice d'agrément est celui qui résulte des troubles ressentis dans les conditions d'existence, notamment le préjudice sexuel ». Le préjudice sexuel était donc entendu comme préjudice d'agrément et ne pouvait être indemnisé qu'à ce titre).
Le déficit fonctionnel temporaire, quant à lui, correspond à l'incapacité fonctionnelle, totale ou partielle, ainsi que la durée d'hospitalisation et les pertes de qualité de vie et des joies usuelles de la vie courante pendant la maladie. Or il a été reconnu que les indemnités journalières versées à la victime ne couvraient pas le préjudice résultant de ce déficit. Cette incapacité, temporaire, est à différencier de l’incapacité permanente dont l’indemnisation (forfaitaire) est déjà prévue par l’article L. 452-3.
Ainsi, le préjudice sexuel et le déficit fonctionnel temporaire, n'étant pas pris en compte par les dispositions du livre IV du CSS, doivent être indemnisés.

Aux préjudices énumérés par le CSS s'ajoutent ainsi peu à peu de nouveaux préjudices indemnisables, que la Cour de cassation estime non réparés. La liste s’élargit au profit des travailleurs qu’on estime insuffisamment indemnisés, la jurisprudence en la matière est donc à suivre.

Ce qui ne change pas, ou qui a été refusé par la Cour de cassation :

La double indemnisation pour un même préjudice est refusée, c'est à dire qu'un dommage dont l'indemnisation est déjà assurée ne peut pas recevoir de réparation supplémentaire.
(Ce qui est indemnisable, ce sont les dommages non prévus et non indemnisés par le livre IV CSS).
Le déficit fonctionnel permanent, est déjà inclut dans la rente majorée.
Les frais médicaux divers, qui sont déjà indemnisés par la Caisse Primaire d’Assurance maladie. Il sont déjà couverts par le livre IV du CSS. La victime est considérée comme déjà indemnisée du préjudice subit, donc suffisamment indemnisée. Elle ne saurait dès lors recevoir davantage.

De même, le système de paiement des indemnisations n’a pas changé : le montant est avancé par la caisse, qui se retourne ensuite vers l’employeur par l’action récursoire.
Le principe est prévu à l’article L. 452-3, alinéa 3 : « la réparation de ces préjudices est versée directement aux bénéficiaires par la caisse qui en récupère le montant auprès de l’employeur ».
Admis depuis 1987 dans la jurisprudence (Cass. Soc., 7 octobre 1987, n° 86-11.146), le principe est inchangé. « La réparation des préjudices alloués à la victime d'un accident du travail dû à la faute inexcusable de l'employeur, indépendamment de la rente majorée, est versée directement par la CAM qui en récupère le montant auprès de l'employeur » (2ème civile, 4 avril 2010).
L’action récursoire de la Caisse est par ailleurs soumise à la prescription de droit commun
(5 ans).