Déchets : Le bilan de la taxe plastique fait ressortir les lacunes des Etats en matière de gestion de déchets plastiques
Par Akossiwa Glory Debora KWADZO
Consultante stagiaire
FINEGAN
Posté le: 22/09/2024 21:48
Le 16 septembre 2024, la Cour des comptes à publié son rapport intitulé « Des débuts difficiles, marqués par une comparabilité et une fiabilité insuffisantes des données » destiné à faire le bilan des premières années de la taxe européenne sur les emballages en plastique non recyclés. Instaurée en 2021 par la Commission européenne, cette taxe vise non seulement à alimenter les caisses de l’Union européenne pour rembourser progressivement son plan de relance, mais aussi à réduire les déchets plastiques et développer le recyclage. Elle est versée par les États membres sur la base de prévisions et son montant est recalculé deux ans après à partir de données exactes. Le bilan de la Cour des comptes européenne montre des résultats peu satisfaisants. Avant d’évoquer les points clés dudit rapport (II), il convient de rappeler le cadre juridique régissant la gestion des déchets (I).
I-Le cadre juridique de la gestion des déchets
Le cadre juridique relatif à la gestion des déchets comprend des législations environnementales, notamment la directive-cadre relative aux déchets, la directive relative aux emballages et déchets d’emballages et le règlement sur les transferts des déchets.
La directive 2008/98/CE du 19 novembre 2008, dite directive-cadre sur les déchets, pose un cadre juridique sur la gestion des déchets dans l’UE à travers des objectifs principaux notamment la prévention des déchets, la hiérarchisation des déchets, la responsabilité élargie des producteurs, la valorisation énergétique du recyclage, la gestion des déchets dangereux et la réduction des décharges.
La directive 94/62/CE de 1994 relative aux emballages et aux déchets d’emballages établit des définitions, des objectifs de recyclage et d’autres dispositions spécifiquement applicables aux emballages et aux déchets d’emballages. Elle impose également aux États membres de compiler et de communiquer des données sur les déchets d’emballages en plastique. Depuis 1997, ces données servent à vérifier si les objectifs de recyclage fixés dans la directive sont atteints.
Cette directive a été modifiée en 2018 par la directive (UE) 2018/852 du 30 mai 2018 qui introduit de nouveaux objectifs de recyclage plus ambitieux et s’appliquant à divers types de matériaux d’emballage (plastique, bois, métaux ferreux, bois, aluminium, verre, papier). Elle clarifie certains termes clés pour uniformiser leur compréhension à travers les Etats membres, introduit de nouvelles règles pour améliorer la collecte de données sur la gestion des déchets d’emballages et harmonise les méthodes de calcul pour évaluer le taux de recyclage afin de permettre une meilleure transparence et comparabilité des performances entre les pays.
Le règlement (CE) n° 1013/2006 sur les transferts de déchets, quant à lui, énonce les règles relatives au transport des déchets à l’intérieur de l’UE et à leur exportation vers des pays tiers. Il prévoit des procédures strictes selon le type de déchets (dangereux, non dangereux) et la destination (pays membres de l'UE ou pays tiers).
II-Les points clés du rapport de la Cour
Le rapport de la Cour des comptes européenne sur la taxe plastique montre des résultats peu satisfaisants en ce qui concerne le recyclage des emballages par les Etats membres de l’UE. La Cour attribue principalement cela à la mauvaise transposition des directives par les Etats, notamment celle sur les emballages plastiques.
En effet, seuls cinq Etats membres avaient transposé correctement en temps et en heure la législation européenne sur les emballages plastiques dans leur droit national. Les 22 autres États membres n’avaient pas informé la Commission qu’ils avaient transposé la directive ou l’avaient informée qu’ils ne l’avaient pas fait. La Commission a engagé des procédures d’infraction pour ces 22 États membres. Après notification de la transposition par les États membres, 12 de ces procédures ont été clôturées en 2021, puis sept autres en 2022 et enfin deux en 2023. La dernière procédure était toujours ouverte au moment de l’audit, l’État membre concerné (la Croatie) n’ayant pas informé la Commission de la transposition de la directive.
Egalement, les auditeurs ont relevé des ambiguïtés dans la définition même de ce qui constitue "un emballage plastique" et "du plastique non recyclé", ce qui complique l’application uniforme de la taxe. Une refonte de la législation est prévue mais, selon la Cour, elle ne résoudra pas entièrement le problème.
En outre, la Cour des comptes a souligné que les données sur les quantités de plastiques non recyclés, fournies par les Etats membres, manquent de fiabilité cohérente. Il existe des divergences importantes entre les quantités estimées et les chiffres définitifs souvent réévalués deux ans plus tard. Par exemple, la France a sous-estimé ses déchets plastiques non recyclés en 2021 de plus de 350 000 tonnes, faisant d’elle la tête des « mauvais recycleurs », devant l'Allemagne et l'Italie.
Elle a aussi relevé une sous-évaluation des quantités déclarées : En 2021, 22 des 27 Etats membres ont sous-déclaré les quantités plastiques non recyclés. Cela a conduit à un manque à gagner pour le budget européen et à la nécessité d’ajuster les contributions futures à la hausse. En 2021, les recettes collectées étaient inférieures de 1,1 milliard d’euros par rapport aux prévisions.
Enfin, la Cour a précisé que « L'absence de contrôles appropriés entraîne un risque important que certains déchets d'emballages en plastique ne soient pas réellement recyclés ». Les contrôles effectués par la Commission ne sont pas suffisants pour garantir l'exactitude des données, notamment parce qu'ils ne portent pas sur les procédés de recyclage. Et les « États membres n'ont pas été en mesure de garantir que les conditions de recyclage des déchets d'emballages en plastique exportés en dehors de l'UE étaient pour l'essentiel équivalentes aux procédés de recyclage européens ». Selon elle, si les déchets déclarés comme recyclés ne le sont pas, « non seulement cela relève de la criminalité environnementale, mais cela donne également lieu à une réduction injustifiée des montants dus au titre de la ressource propre »