L’eau constitue une ressource vitale, indispensable à la vie humaine, animale et végétale, ainsi qu’à de nombreuses activités industrielles. La protection des ressources en eau, notamment celles destinées à la consommation humaine, est devenue une priorité tant au niveau national qu’international.

En France, cette préoccupation se traduit par la mise en place de périmètres de protection autour des captages d'eau potable, notamment pour limiter les risques de pollution liés aux activités agricoles. L'arrêt du 17 septembre 2024, rendu par une juridiction administrative française, met en lumière l’importance de ces mesures de protection, particulièrement en ce qui concerne les périmètres de protection rapprochée et le risque de pollution agricole.


I. Le cadre législatif et réglementaire : la protection des captages d’eau potable

La législation française encadre strictement la protection des captages d’eau potable. L’article L.1321-2 du Code de la santé publique stipule que des périmètres de protection doivent être définis autour des captages d’eau potable afin de préserver leur qualité.
Ces périmètres sont généralement classés en trois catégories :
Le périmètre de protection immédiate : Il concerne les zones les plus proches du captage et vise à empêcher tout contact direct entre la source d'eau et les éventuels polluants. Les activités humaines y sont strictement limitées, voire interdites.
Le périmètre de protection rapprochée : Il couvre une zone plus large autour du captage. L’objectif est d’empêcher que des pollutions diffuses, notamment agricoles, n’atteignent les ressources en eau. Il s'agit donc de contrôler les activités humaines, particulièrement agricoles, dans cette zone, afin de limiter les risques de contamination.
Le périmètre de protection éloignée : Il est encore plus large et a pour but de prévenir toute altération de la qualité de l'eau provenant de zones situées à plus grande distance du captage.
L’arrêt du 17 septembre 2024 concerne spécifiquement le périmètre de protection rapprochée. Ce type de périmètre est particulièrement important lorsqu’il existe un risque de pollution agricole, notamment en raison de l’usage de pesticides, d’engrais ou de pratiques d’élevage intensif.


II. L’arrêt du 17 septembre 2024 : contexte et enjeux

L'arrêt du 17 septembre 2024 porte sur un litige opposant une commune, désireuse de protéger un captage d'eau potable, et un groupement d’agriculteurs dont les activités se situent dans le périmètre de protection rapprochée du captage. La commune avait pris un arrêté municipal visant à restreindre certaines pratiques agricoles dans cette zone, en invoquant le risque de pollution de l'eau par des nitrates et des pesticides. Les agriculteurs ont contesté cette décision, arguant que ces restrictions portent atteinte à leur activité économique et n’étaient pas justifiées par des preuves concrètes de pollution. Ils ont saisi le tribunal administratif pour faire annuler l'arrêté municipal, considérant que les mesures de protection imposées étaient disproportionnées par rapport au risque réel de pollution.


III. La décision de justice

Le tribunal administratif a statué en faveur de la commune, confirmant ainsi la légitimité de l’arrêté municipal. Le jugement repose sur plusieurs arguments juridiques et techniques.
La prévention prime sur la réactivité : Le tribunal a souligné qu’en matière de protection des ressources en eau, le principe de précaution doit être appliqué. Il n'est pas nécessaire d'attendre qu’une pollution soit avérée pour agir. Le simple risque de pollution agricole, dû à la proximité des terres cultivées ou exploitées avec le captage, suffit à justifier des mesures préventives strictes.
La proportionnalité des mesures : Le tribunal a estimé que les restrictions imposées aux agriculteurs, bien que contraignantes, étaient proportionnelles au risque identifié. Il a été démontré que les activités agricoles dans la zone concernaient des cultures intensives nécessitant l’usage de produits phytosanitaires, lesquels constituent une source potentielle de pollution des eaux souterraines.
Le respect des normes environnementales : La décision a mis en avant le cadre législatif européen et national en matière de protection des ressources en eau, notamment la directive-cadre sur l'eau (DCE) de 2000. Celle-ci impose aux États membres de veiller à la préservation de la qualité des eaux destinées à la consommation humaine et à la lutte contre la pollution diffuse, notamment d’origine agricole.


IV. Les implications de cet arrêt
Cet arrêt revêt une importance particulière tant pour la gestion des ressources en eau que pour le secteur agricole. Il illustre la nécessité de concilier protection de l’environnement et maintien des activités agricoles, tout en rappelant que la santé publique doit primer en cas de conflit d'intérêt.

Pour les communes : Cet arrêt conforte le pouvoir des communes à prendre des mesures de protection en matière de captage d'eau, même en l’absence de preuve formelle de pollution. Les municipalités ont donc un levier juridique pour protéger les ressources en eau locales face aux risques liés aux activités humaines.

Pour les agriculteurs : L’arrêt rappelle aux exploitants agricoles qu'ils doivent intégrer la protection de l'environnement dans leurs pratiques quotidiennes. Il est possible que de nouvelles restrictions soient mises en place autour des captages d'eau, obligeant les agriculteurs à modifier certaines de leurs méthodes de production (réduction de l’usage de pesticides, gestion des effluents d’élevage, etc.).

Pour la gestion des ressources en eau : Cet arrêt renforce la logique de prévention et de précaution en matière de gestion de l’eau potable. Il souligne que la protection de cette ressource cruciale passe par une régulation stricte des activités dans les zones sensibles, notamment agricoles, et appelle à une collaboration étroite entre les autorités locales et les agriculteurs pour trouver des solutions viables et durables.