Le changement climatique est l’une, si ce n’est la préoccupation principale de l’humanité a l’heure actuelle, nécessitant une réponse juridique et réglementaire forte pour atténuer ses impacts. Cependant, les considérations financières posent un frein considérable à la volonté des gouvernants d’imposer un droit de l'environnement qui permettrait une réponse suffisamment forte. Le rapport "Finance in a Hot House World" de l’ONG Finance Watch pointe les lacunes des modèles économiques actuels et les insuffisances des outils de gestion des risques financiers. Ces lacunes entravent les efforts de réglementation environnementale et soulignent l'urgence d'une action rapide pour limiter les retombées économiques désastreuses du changement climatique.
Le rapport de l’ONG explique que les modèles économiques traditionnels sous-estiment gravement les effets des changements climatiques en ne prenant pas suffisamment en compte les risques non linéaires et disruptifs. Ces modèles, comme les modèles d'évaluation intégrée et les modèles d'équilibre général dynamique stochastique, reposent souvent sur des données historiques et des hypothèses de stabilité économique qui ne sont plus valables face aux réalités climatiques actuelles et futures.
Ces modèles projettent généralement des pertes économiques modestes et progressives, alors que les auteurs du rapport rappellent que les scientifiques du climat prédisent des perturbations soudaines et graves. Par exemple, les modèles utilisés par les superviseurs financiers prévoient des pertes accumulées à un rythme lent et constant, contrastant avec les perturbations rapides et graves prédites. Cette inadéquation conduit à une sous-estimation des coûts futurs du changement climatique et à une minimisation des bénéfices des investissements en atténuation et adaptation, rendant l'application du droit de l'environnement moins prioritaire et efficace.
L'un des principaux freins à la mise en place et à l’application d’un droit de l'environnement efficace pour lutter contre le changement climatique est la réticence des gouvernements et décideurs politiques à reconnaître l'ampleur des risques économiques liés au changement climatique. Cette réticence est souvent alimentée par des modèles économiques biaisés selon les auteurs, qui projettent des impacts financiers bien moindre, même dans des scénarios de réchauffement sévère. Par conséquent, les politiques climatiques nécessaires sont souvent perçues comme coûteuses et économiquement perturbatrices comparativement aux conséquences.
Les banques et les grandes entreprises financières sont au cœur de la problématique selon l’ONG. Elles ont investi énormément d'argent dans des industries comme le pétrole et le gaz, qui seraient les cibles des politiques strictes de lutte contre le réchauffement climatique. Par exemple, les auteurs soulignent que les soixante plus grandes banques mondiales ont une exposition combinée de 1,35 billion de dollars aux actifs fossiles, dont 240 milliards de dollars pour les banques de l'UE. La prise en compte de ces risques financiers dans les politiques environnementales est essentielle mais difficile, car elle nécessite des changements structurels dans la manière dont les actifs et les investissements sont évalués et gérés par les institutions financières.
Le rapport souligne l'importance d'une action rapide pour éviter des retombées économiques potentiellement désastreuses et qui dépasseraient largement les conséquences économiques liées à la mise en place d’une réglementation environnementale stricte et efficace. Les projections des auteurs montrent que les effets du changement climatique pourraient entraîner une instabilité financière et une perturbation des marchés globaux. La Commission européenne a demandé aux autorités de surveillance de l'UE de mener un exercice d'analyse de scénario pour anticiper ces chocs et préparer le système financier aux conséquences économiques du changement climatique.
Pour être efficace, cet exercice doit inclure une évaluation réaliste des dommages économiques, une quantification précise des actifs fossiles risquant de devenir non exploitables et une extension de l'horizon temporel au-delà de 2030. Ces mesures permettront de mieux préparer le système financier et de renforcer les politiques environnementales.