Le droit de la durabilité : Quésako ?
Par Setongnon Vivien Gbewezoun
Doctorant contractuel et chargé d'enseignement
Université de Franche Comté
Posté le: 20/09/2024 9:41
Le droit de la durabilité est au cœur du contrôle de la trajectoire climatique, aussi bien des Etats que des entreprises. C’est une branche juridique particulière en raison de son champ d’application et sa méthode.
Le champ d’application du droit de la durabilité
1-Le droit de la durabilité est un droit mixte qui s'affranchit des divisions classiques du droit. En effet, il concerne aussi bien le droit des sociétés, que le droit de l'environnement, le droit des obligations ainsi que le droit commercial. Cette diversité est perceptible aussi bien au niveau du droit public que du droit privé ainsi que le droit interne et le droit international. Les dispositions en matière du droit de la durabilité impactent tous les acteurs de la vie économique à divers niveaux, ce qui en fait un droit universaliste. En effet, il s'applique à des acteurs qui par leurs opérations s'affranchissent des distinctions classiques en localisant leurs actions dans un champ transnational propres aux activités des entreprises.
2-Le droit transnational repose sur l'idée d'un droit créé pour régir des rapports particuliers en dehors de tout cadre juridique national. Il peut s’agir des « règles transnationales que les partenaires des échanges économiques internationaux se donneraient progressivement à eux-mêmes, notamment dans le cadre de leurs organismes professionnels, et que les arbitres, contractuellement désignés pour résoudre leurs litiges, constatent, et par là même précisent, voire élaborent à leur intention. [1] Le professeur Gilles LHUILLIER définit le droit transnational comme « un processus de mobilisation de règles de droit par des acteurs privés et publics qui mettent en œuvre des pratiques professionnelles de choix de normes ». [2] Ce choix de normes peut donc se faire sur des questions de durabilité. Par conséquent le droit de la durabilité des entreprises s'adapte à son objet.
3-Le champ d'application du droit de la durabilité est en constante expansion puisque du fait de sa nature, la RSE cible « la totalité des effets sociaux et environnementaux liés à l'activité de l'entreprise non seulement sur les parties prenantes, mais aussi dans la cité elle-même, ambitionnant de les maitriser, au moins de les diminuer lorsqu'ils sont néfastes ». [3] Ce droit s'adapte donc aux enjeux sociaux et environnementaux qui sont impactés par l'activité des entreprises.
La méthode du droit de la durabilité.
Ce droit emploie une des méthodes les plus atypiques en ce sens qu'il concilie aussi bien le droit dur que le droit souple pour la définition d’obligations nouvelles ainsi que des sanctions.
1-Les obligations nouvelles. Elles sont de deux ordres : l’obligation de « dire » et l’obligation de « faire ». L'obligation de dire fait référence à des normes de droit dur, c'est à dire impératives, en vertu desquelles les entreprises sont tenues de communiquer sur les aspects sociaux, territoriaux et environnementaux des activités économiques. Cette obligation de dire peut également poser le fondement d'une obligation de faire, puisque les entreprises doivent informer sur leur manière de prendre en considération de l'impact des activités. Cela implique donc d'agir dans un tel sens au préalable.
2-Les sanctions : Sous l'angle non contraignant, le droit de la durabilité n’impose pas de véritables sanctions. Ces mécanismes de contraintes reposent sur le name and shame * et le sunshine regulation.** Le durcissement progressif du droit de la durabilité marque également un tournant en matière de sanctions qui peuvent consister en des condamnations sur le fondement du droit des obligations, la responsabilité pour faute ainsi que des sanctions financières.
*Une pratique qui vise un impact réputationnel sur l’entreprise pouvant prendre la forme de manifestations et de campagnes de boycott.
**Une sanction opérée par le marché qui peut se traduire par la chute de la valeur de la cotation boursière et le délaissement des actifs de l’entreprise visée.