Pour la première fois, la DGCCRF a épinglé publiquement cet été une société pour une allégation environnementale mensongère.
Vanter un produit « naturel » ou « écologique » sans justification devient de plus en plus risqué pour une entreprise. Cet été, la répression des fraudes (DGCCRF) en a épinglé une publiquement pour de fausses allégations environnementales - signe manifeste, selon l'avocat Arnaud Gossement qui a repéré l'information, que la pression monte sur les entreprises en matière d'écoblanchiment.
Le nom de ce petit fabricant de matelas ne figure plus sur le site de l'organisme, mais le coup de pression n'est pas passé inaperçu. « L'entreprise a été enjointe, sur le site Internet de la DGCCRF, de cesser ses pratiques », témoigne-t-il. « Même si elle n'a pas prononcé de sanction, c'est la première fois que l'administration fait ainsi du 'name on shame' sur ce sujet : c'est une étape significative de l'engagement de l’État sur la lutte contre le greenwashing. Je suis d'ailleurs de mon côté de plus en plus sollicité sur le sujet par des entreprises soucieuses de ne pas se faire épingler », poursuit-il.

DURCISSEMENT DE LA LEGISLATION

La pratique peut certes être condamnée de longue date comme « pratique commerciale trompeuse » (publicité mensongère), qui interdit certaines mentions trop floues comme « écologiques » ou « respectueuses de l'environnement ». Et le jury de déontologie publicitaire, filiale de l'Autorité de régulation de la publicité,épingle régulièrement certaines campagnes sur ce motif.
Mais, ces dernières années, la législation s'est durcie. La loi Agec de février 2020 a renforcé l'encadrement de certaines mentions, comme « biodégradable ». Et la loi climat et résilience d'août 2021 interdit de se prévaloir de la « neutralité carbone », sauf à pouvoir le prouver, depuis janvier 2023.
Surtout, une directive européenne, dévoilée en mars 2023 et publiée un an plus tard, stipule que les allégations vertes doivent désormais être fondées sur des données scientifiques. Un texte qui doit lui-même être précisé par une autre directive, dite « green claims », en cours d'adoption.
« Même si les États ont deux ans pour les transposer, ces directives inquiètent bien davantage les entreprises que la loi française, car elles fixent des règles très strictes et sont très claires », avance François Carlier, délégué général de l'association de consommateur CLCV.
Les sanctions sont encore rares. Selon la première enquête de la DGCCRF sur le sujet l'an dernier, un quart des 1.100 entreprises contrôlées en 2021 et 2022, ne respectaient pas la législation tricolore. La plupart se sont toutefois mises en conformité après avoir reçu avertissements, injonctions ou procès-verbaux, affirme l'autorité. La même proportion a été constatée sur les 1.300 sociétés contrôlées en 2023 (302 infractions), a-t-elle indiqué en mai dernier.

CONDAMNATION DE KLM

« En parallèle des enquêtes de l'administration, les entreprises sont aussi de plus en plus la cible de recours juridiques sur ce motif, de la part des associations de consommateurs ou des ONG », souligne l'avocate Clémentine Baldon, qui accompagne plusieurs de ces procédures, et en a répertorié une dizaine en cours dans l'Hexagone. « Au pénal, cette infraction est passible de deux ans d'emprisonnement et de sanctions financières allant jusqu'à 10 % du chiffre d'affaires. »
Au civil, plusieurs de ces recours ont été largement médiatisés, même si peu sont déjà arrivés à leur terme. En France, TotalEnergies a été assigné en 2022 par les Amis de la Terre et , pour avoir mentionné « une société #NetZero dès 2050 » et son « ambition de neutralité carbone ». Le pétrolier se voit reproché de ne pas fournir d'objectifs clairs sur une baisse de sa production de fossiles.
Jugée recevable en mai 2023 (contrairement au recours pour inaction climatique), la plainte n'a pas encore été traitée sur le fond. « Ce type d'action peut prendre entre deux et quatre ans », avance Clémentine Baldon. Aux Pays-Bas, KLM a été condamné en mars dernier pour avoir évoqué le caractère durable de ses vols.
On a même vu, en Espagne, une entreprise utiliser l'argument contre l'un de ses concurrents. L'électricien Iberdrola a ainsi assigné le pétrolier Repsol en février dernier, lui reprochant de se présenter comme « leader de la transition énergétique qui protège l'environnement », alors que « 99,4 % de ses revenus » proviennent d'énergies non renouvelables.
Les associations ont aussi tenté ces dernières années un nouveau type de recours : la plainte devant la Commission européenne. Une vingtaine d'entre elles, parmi lesquelles les françaises CLCV et UFC-Que choisir ou le puissant Bureau européen des unions de consommateurs (BEUC), ont déposé une telle plainte contre des compagnies aériennes européennes (dont Air France). Avec succès : en mai dernier, la Commission européenne a sommé les compagnies de se mettre en conformité.

RISQUE DE RÉPUTATION

Ces associations ont récidivé en novembre avec une plainte contre les principaux fabricants de bouteilles en plastique, comme Danone, Coca-Cola, ou Nestlé, pour s'être vantées d'utiliser un plastique « 100 % recyclable », ou « 100 % recyclé », alors que c'est techniquement irréaliste. « Nous espérons un retour de la Commission européenne d'ici à la fin de l'année. L'objectif est aussi d'établir un standard dans un cadre juridique qui évolue », avance François Carlier.
Pour le moment, davantage que des sanctions financières, c'est surtout le risque de réputation que craignent les entreprises. Au point que certaines évitent désormais d'évoquer leurs actions environnementales, une pratique que les spécialistes ont déjà baptisée : le « greenhushing ».

https://www.leparisien.fr/environnement/greenwashing-les-entreprises-sommees-de-prouver-leurs-gestes-ecolos-sinon-gare-a-leur-reputation-04-09-2024-PSCMXGH5ZFBEDCPD435DYQBZAM.php#:~:text=En%20France%2C%20la%20R%C3%A9pression%20des,affichent%20verts%20sans%20le%20prouver.&text=Cibler%20des%20entreprises%20car%20elles,parmi%20les%20associations%20anti%2Dgreenwashing.
https://www.lesechos.fr/industrie-services/energie-environnement/ecoblanchiment-la-pression-monte-sur-les-entreprises-2118469