« Specialis derogat generali ». Qui n’a jamais entendu cet adage latin pendant ces études de droit ? La disposition légale spéciale déroge toujours à la disposition légale générale, dit-on… Cette règle prend tout son sens en présence d’un régime de réparation de dommages consécutifs à une pollution par hydrocarbures.

En présence d’une demande d’indemnisation de dommages résultant de pollutions maritimes, la victime ne peut pas exercer l’action civile devant le juge répressif. Il s’agit d’une règle de principe que la Cour de cassation a rappelé à maintes reprises concernant les régimes spéciaux de réparation de préjudice environnementaux. Ainsi, cette règle s’appliquera donc, par exemple, en présence d’une demande d’indemnisation consécutive à un accident nucléaire. En effet, la loi du 30 octobre 1968 relative à la responsabilité civile dans le domaine de l’énergie nucléaire met en place une procédure spéciale d’indemnisation qui permet, par le biais de l’assurance des risques, une réparation quasi-automatique. Ainsi, on s’interroge sur l’intérêt, pour la victime, d’initier une demande de réparation devant le juge répressif puisque la réparation est alors soumise à un aléa important.

La réparation des dommages causés par les hydrocarbures est prévue par la convention internationale sur la responsabilité civile pour les dommages dus à la pollution par les hydrocarbures du 29 novembre 1969. L’existence d’un régime spécial se décèle par l’existence de conditions et d’un régime spécifique de réparation. Régime objectif de réparation, conditions de mise en mouvement de l’action en réparation et préjudice réparable spécifiques règlent l’application de ce régime de responsabilité spécial.

En présence d’un régime spécial de réparation, les juridictions pénales sont incompétentes.

Cette incompétence découle deux critères : l’existence d’un régime spécial combiné à l’exclusion de toute action en dommages et intérêts sur le fondement du droit commun de la responsabilité civile. En présence de ces deux conditions, les juridictions pénales sont dans l’obligation de se déclarer incompétentes.

1. L’existence d’un régime spécial

Un régime de responsabilité spécial a pour particularité d’être soumis à des conditions de mise en œuvre et d’indemnisation spécifiques.
En ce qui concerne l’indemnisation, elle est limitée. La convention internationale sur la responsabilité civile pour les dommages dus à la pollution par les hydrocarbures du 29 novembre 1969 prévoit une limitation des dommages et intérêts au « coût des mesures raisonnables de remise en état qui ont été effectivement prises ou qui le seront dans le futur ».

Les conditions de mise en œuvre, en ce qui concerne la réparation des dommages liés aux hydrocarbures ont trait au délai et la compétence territoriale. Sans grande surprise, c’est bien entendu le propriétaire du navire qui est responsable des dommages causés par son bien.

Le dommage réparable en matière d’hydrocarbures est définit par l’article 1er § 6 de la convention internationale du 29 novembre 1969. Sont concernés, tous les dommages causés par une pollution survenue à la suite d’une fuite ou d’un rejet d’hydrocarbures. Les dommages qui peuvent être réparés sont des dommages causés à l’extérieur du navire et non des dommages causés au navire.
Les conditions de mise en mouvement de l’action en indemnisation doivent obéir à des règles particulières de délai et de compétence territoriale. Selon l’article VIII de la convention internationale sur la responsabilité civile pour les dommages dus à la pollution par les hydrocarbures du 29 novembre 1969, l’action doit entrer dans le délai de forclusion de trois ans à compter de la date où le dommage est survenu et/ou de six ans, à compter de la date où s’est produit l’évènement ayant occasionné le dommage».
L’article IX de la convention mentionne deux conditions cumulatives pour l’application de la convention internationale sur la responsabilité civile pour les dommages dus à la pollution par les hydrocarbures du 29 novembre 1969. Est seul compétent, le tribunal du lieu où l’évènement a causé une pollution ou celui du lieu où des mesures de sauvegarde ont été prises. Il faut également que les Etats devant lesquels ont été présentées des demandes d’indemnisation soient parties à la convention internationale sur la responsabilité civile pour les dommages dus à la pollution par les hydrocarbures du 29 novembre 1969.

Seul le responsable du navire, c'est-à-dire la personne au nom de qui est immatriculé le navire dans l’Etat dont il bat pavillon, est responsable.

2. L’exclusion de toute action en dommages et intérêts fondée sur le droit commun de la responsabilité

En matière de pollution maritime, les victimes se voient contraintes d’agir sur le fondement de la convention internationale du 29 novembre 1969. Ce régime de responsabilité est exclusif de tout autre régime de responsabilité. Cela est reconnu tant au niveau communautaire –par la directive n°2004 /35 CE du 21 avril 2004- qu’au niveau national- par la haute juridiction administrative .

Ainsi, une action devant le juge répressif, fondé sur les conditions du droit commun sera rejetée ; faute de compétence.

Après cet exposé des règles d’indemnisation des victimes de pollutions par hydrocarbures, il convient de souligner l’efficacité des régimes spéciaux d’indemnisation. Indemnisation quasi-automatique puisque provenant de l’obligation d’assurance, régime objectif de responsabilité… L’avenir n’est-il pas à la multiplication des régimes spéciaux, solution fortement envisageable en matière de préjudice environnemental.