
L’ONU sermonne l’UE sur le principe de participation du public
Par Nicolas DEMEOCQ
Juriste Environnement
Posté le: 15/06/2012 1:25
L’UNECE (United Nations Economic Commission for Europe ou Commission Economique pour l’Europe des Nations Unies), organisme des Nations Unies créé en 1947 qui regroupe les pays de l’Europe, les pays d’Asie centrale de l’ex-URSS, les Etats-Unis, le Canada ainsi qu’Israël, est l'organe à l'origine de la Convention d'Aarhus, qui pose le principe de participation du public.
Cette convention a été signée par l'Union européenne ainsi que par l’ensemble des pays membres de l’Union. Les dispositions de cette convention sont d’ailleurs opposables, à l’Union comme à l’ensemble des Etats membres, en application de l’article 216 du Traité sur le Fonctionnement de l’Union Européenne, depuis son entrée en vigueur le 28 juin 2007.
Un particulier a saisi cette institution, considérant que l'Union Européenne a méconnue la Convention d'Aarhus lors de l'adoption par la commission des plans d'action concernant les énergies renouvelables nationaux ainsi que lors de la directive communautaire du 2009/28/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 avril 2009 relative à la promotion de l’utilisation de l’énergie produite à partir de sources renouvelables et modifiant puis abrogeant les directives 2001/77/CE et 2003/30/CE. Cette directive est celle qui entraine une obligation pour les Etats membres d’avoir un pourcentage déterminé d’énergies de sources renouvelables au sien de leur mix énergétique et que ce pourcentage soit, pour l’ensemble de l’Union européenne égal à 20%.
Le 4 mai 2012, l'UNECE a rendu public le draft findings (le document n’est disponible, pour l’instant, sur le site de l’UNECE qu’en version anglaise), le projet de la décision définitive qui ne sera rendu que lors de la prochaine réunion de l’UNECE, le 26 et 27 juin 2012. Il convient de noter que cet organisme suit, dans l’immense majorité des cas, ces projets de décisions.
Dans cette décision, l'UNECE doit se prononcer sur l’application de la convention d’Aarhus à l’Irlande, puisque le particulier qui l’a saisi est irlandais et demande à ce que l’UNECE se prononce quant au plan d’action national pour les énergies renouvelables de ce pays. A cela, le particulier, apparemment très procédurier au vu des communications et pièces qu’il a transmis à l’UNECE, a demandé à ce que l’organisme onusien se prononce sur le mécanisme européen de promotion des énergies renouvelables, dont la directive précitée.
Dans cette affaire, l’UNECE devrait, si elle suit son projet, estimer que trois infractions à la convention ont eu lieu. Tout d’abord, elle devrait considérer que la procédure d’adoption des plans d’action nationaux pour les énergies renouvelables, pris en application de la directive 2009/28/CE contrevienne à l’article 7 de la convention d’Aarhus. De plus, pour ne pas avoir correctement aider l’Irlande dans la mise en place de son plan d’action, l’UE a violé ce même article. Enfin, en ne disposant pas d’un ensemble législatif cohérent permettant que l’article 7 de la convention d’Aarhus soit appliqué lors de la prise des plans nationaux d’action, l’Union Européenne a contrevenue à l’article 3 de la convention d’Aarhus.
S’agissant d’éventuelles sanctions, l’UNECE n’a qu’un pouvoir limité par la convention d’Aarhus. Cette commission ne peut que prendre des recommandations, prières ou conseils, en application du paragraphe 37 de l’annexe I de la convention d’Aarhus.
Elle a d'ailleurs recommandé à l'UE, dans son projet de décision, d'adopter les dispositions législatives nécessaires afin d'assurer le respect des dispositions de la convention vis à vis de la prise, au niveau communautaire comme national des plans d’action pour les énergies renouvelables afin que soit assurer une information du public « équitable et transparente » et que les informations « nécessaires » soit apportées au public.
De plus, ce cadre juridique devra également permettre d’assurer le respect des dispositions de l’article 6 de la convention d’Aarhus, et notamment qu’une « période raisonnable, permettant un temps suffisant pour que le public soit informé et que celui-ci puisse se préparer et participer effectivement, permettant une participation du public au plus tôt quand toute les options sont encore ouvertes et assurant que l’attention nécessaire soit portée aux résultats de la participation du public » soit assurée.
Juridiquement, cette décision n'aura que peu de conséquences, ces recommandations n’étant pas contraignantes.
Toutefois, il est fort à parier, qu’une fois cette décision rendue, l’ensemble des plans d’actions nationaux seront attaqués devant les juridictions nationales, qui devront reconnaitre que le principe de participation du public a été méconnu. Il est probable donc que ces plans d’action soit, à terme, annulés.
Cette annulation n’aura que peu de conséquences concrètes. En effet, bien qu’à la base des stratégies des Etats membres afin de combattre le réchauffement climatique, ces plans d’action sont mis en œuvre par un ensemble de textes complexes et alambiqués, en tout cas pour le droit français, qui ne seront, eux, pas remis en question.
De plus, un consensus, tant au niveau des Etats membres, qu’au niveau européen et au niveau des opinions publiques, fait que ces plans d’action seront, a priori vite remplacés.
Néanmoins, cette future décision ne fera que jeter un peu plus le trouble et le soupçon sur le mécanisme européen de développement des énergies renouvelables déjà fortement critiqué par les opposants à certaines énergies telles que celle issue de l’énergie mécanique du vent.