20 ans après, Rio à nouveau au cœur des préoccupations environnementales
Par Sandrine EICHENLAUB
Juriste environnement
SNCF
sandrine.eichenlaub@hotmail.fr
Posté le: 07/06/2012 17:03
A l'issue du sommet de Rio du 14 juin 1992, les paroles de Boutros Boutros-Ghali, ancien secrétaire général des Nations Unies, se voulaient ambitieuses et rassurantes : « Aujourd'hui, nous nous sommes mis d'accord pour limiter à son niveau actuel la pollution dont nous sommes responsables. Un jour nous devrons faire mieux : nettoyer la planète ». 20 ans après, quels sont les tenants et les aboutissants de la Déclaration de Rio sur l'environnement et le développement ? Quels espoirs porter sur la Conférence de Rio 2012 qui se tiendra les 20 et 22 juin prochains ?
Le sommet mondial de Rio de juin 1992 posait la question difficile et controversée d'une conciliation entre la sauvegarde de notre planète et l'assurance manifeste de la croissance et du développement des Etats. Cette question n'est malheureusement pas nouvelle puisque d'autres mouvements antérieurs à 1992 avaient déjà tiré la sonnette d'alarme. En premier lieu, il y eu tout d'abord la conférence de Stockholm de 1972 qui plaça pour la première fois les questions écologiques au cœur des préoccupations internationales. Le rapport Bruntland lui succéda et décrivit les différents déséquilibres planétaires pouvant d'ores et déjà être envisagés. Ainsi on parlait déjà de dégradation des sols, de trou dans la couche d'ozone, d'augmentation de la concentration des gaz à effet de serre, de disparition de nombreuses espèces vivantes.
La conférence de Rio, qui réunissait les représentants de 178 pays, fixa les principales actions visant à assurer une meilleure gestion et sauvegarde de la planète. Elle permit une véritable avancée du concept des droits et des responsabilités des pays en matière environnementale. Néanmoins à l'origine personne n'y croyait vraiment. En effet Greenpeace annonçait déjà avant même son commencement que « seul un miracle pourrait sauver la conférence d'un désastre ». Même Maurice Strong, alors secrétaire général de la Conférence des Nations Unies sur l'environnement et le développement, pensait que ce sommet se solderait par un échec. En effet, les Américains avaient déjà rappelé leur position selon laquelle ils refuseraient de se voir imposer de contrainte sur les émissions de gaz à effet de serre. De plus, ils précisaient également leur volonté de ne pas signer en l'état le projet de convention sur la biodiversité. Par ailleurs, la France n'était pas vraiment enjouée face à la promulgation de ce texte. De façon globale, il était évident que les Etats industrialisés refusaient de remettre en question leurs acquis. De l'autre côté, les pays en développement ne voulaient pas non plus mettre un frein à leur nécessaire croissance en devenir.
Finalement que restait-il de cette conférence ? Cinq textes étaient à discuter.
En tout premier lieu, la Déclaration de Rio ou Charte de la Terre. Celle-ci ne posa aucune difficulté particulière puisqu'elle posa les grands principes du développement durable. Elle constitue en quelque sorte une sorte de guide s'adressant à tous les Etats. De façon prépondérente, elle introduisit les notions de droit et de responsabilité des Etats face à l'environnement. Son objectif était avant tout de concilier environnement et développement. Sont posés les principes d'une gestion responsable des ressources, de lutte contre la pauvreté, de diffusion des techniques « propres », de protection de l'environnement. Une nouvelle notion apparu également : le principe de précaution. Malheureusement ce texte n'était pas juridiquement contraignant. Cependant les développements qui en résultent sont néanmoins intéressants. En effet la France de son côté introduisit le principe de précaution rappelé dans la Charte, dans la loi Barnier et dans la Constitution depuis 2005. La priorité accordée au développement et le droit des Etats à gérer leurs ressources sont présentés lors des négociations récentes sur le climat ou la biodiversité. Le principe pollueur payeur (7ème principe) reste bien évidemment toujours d'actualité.
Ensuite la Déclaration sur la forêt, qui avait pour visée de freiner la destruction des forêts mondiales était elle aussi non contraignante juridiquement. Cependant la principale entrave à son adoption résultait du Brésil, de la Malaisie et de l'Indonésie qui, lors de la conférence, réclamaient le droit à continuer d'exploiter leurs forêts. Il en résulte un texte posant le droit des Etats d'exploiter leurs ressources en bois à condition que cela se fasse de façon écologiquement viable. Il ne s'agirait pas de méconnaître les besoins des générations futures ou de causer des dommages à d'autres Etats. En 1994, la Convention sur la désertification introduisit des progrès quant à la couverture végétale dans la région du Sahel. Le Sommet de Johannesburg, intervenant en 2002, remit l'accent sur la lutte contre la déforestation. On constate actuellement une diminution du rythme de déboisement de 16 millions d'ha/an dans les années 90 à 13 millions d'ha/an aujourd'hui.
Un autre texte qui fut difficile à adopter fut la Convention sur la biodiversité. Les Etats-Unis refusaient en effet de la signer craignant pour le développement de leur industrie de biotechnologie. Cette convention permis néanmoins une extension des espaces protégés. Elle permit aussi l'introduction du Protocole de Carthagène visant la limitation de l'introduction d'OGM. Enfin le protocole de Nagoya de 2010 permit quant à lui un développement croissant des espaces protégés, un meilleur accès aux ressources énergétiques, enfin un partage plus équitable des avantages de leur utilisation.
L'autre texte découlant de cette Conférence fut la Convention Climat qui fut adoptée plus aisément puisqu'aucune norme contraignante d'émissions de gaz à effet de serre n'a été posée. De plus la Communauté européenne n'imposa pas son écotaxe. Aucune donnée chiffrée n'y figure. Les suites sont le protocole de Kyoto qui ne rencontra pas le succès escompté. Néanmoins fut adopté par les grands pays émetteurs de gaz à effet de serre à Durban en décembre 2011 un accord global de réduction des émissions qui devrait entrer en vigueur d'ici 2020.
Enfin il résulte de cette conférence l'Agenda 21 rappelant une série de mesures en 40 chapitres où chaque Etat était libre de choisir ses priorités d'action et de fixer sa participation financière. Ce texte s'attache tout particulièrement à des notions telles que la désertification, la pollution de l'air, la protection des océans, la gestion des substances chimiques toxiques, la santé, la pauvreté etc. Parmi les mesures qui en découlent on trouve en premier lieu l'initiative REACH permettant l'évaluation des risques découlant des produits chimiques, une diminution de la pauvreté mondiale (taux de personnes vivant en-dessous de seuil de pauvreté passe de 45 % en 1990 à 27 % en 2005), un meilleur accès à l'eau potable...
De part, les mesures qui ont succédé le sommet de Rio on constate que des efforts ont été réalisés afin de diminuer les impacts environnementaux. Néanmoins, ces efforts sont-ils suffisants ?
20 ans après, la situation s'est-t-elle véritablement améliorée ? Les timides mesures qu'avaient permises le Sommet de Rio n'ont hélas pas permis d'endiguer un certain nombre de phénomènes. Parmi eux, on peut tout d'abord rappeler que 13 millions d'hectares de forêts disparaissent tous les ans entraînant corrélativement la disparition de 50 000 à 100 000 espèces vivantes. A cette cadence, la moitié des espèces vivantes connues pourrait s'éteindre d'ici à un siècle. Autre constat, les stocks d'eau, leur qualité (dans certains espaces géographiques) et les énergies fossiles ne cessent de diminuer. Les gaz à effet de serre sont quant à eux plus que jamais présents. Pour certains scientifiques, l'objectif de limitation du réchauffement moyen de la planète à 2°C est un objectif inatteignable. Le niveau des océans a déjà augmenté de 10 à 20 cm au cours du XXème siècle.
Face à ce constat désolant, la situation peut-elle encore s'améliorer ? Difficilement selon certains scientifiques puisque la population ne cesse de s'accroître tout comme les besoins qui y sont associés. Les ressources continueront ainsi d'être soumises à rude épreuve.
D'autre part la lutte contre la pauvreté est une priorité pour les Nations Unis. Cette pauvreté reste bien évidemment essentiellement présente en Afrique où l'augmentation de la population est la plus importante. Tout l'enjeu du XXIème sièche est de concilier le développement des peuples et la sauvegarde de la planète.
La conférence de Rio du 20 au 22 juin 2012 (Rio+20) pourrait-elle répondre à ces impératifs ? Ce sommet repose sur deux axes principaux. Tout d'abord, il a pour dessein de favoriser l'essor d'une « économie verte » qui concilierait croissance et réduction des émissions de carbone, de déchets et de pollutions. Ensuite il a comme autre objectif de faire évoluer le cadre institutionnel du développement durable.
Afin de faire face à la multitude de textes, de fonds, d'institutions, d'accords, de conventions souvent redondantes et contradictoires, il s'agirait d'instaurer une Organisation Mondiale de l'Environnement qui mettrait en commun les moyens et appuyerait ses analyses et recommandations sur l'expertise d'une communauté de scientifiques. Il s'agirait d'insérer les préoccupations relatives l'érosion des sols, le déclin de la biodiversité et la gestion des ressources naturelles.
Aujoud'hui, cette idée intéresse de nombreux pays qui l'approuvent. Cependant le principal obstacle reste encore et toujours les Etats-Unis qui craignent que cette organisation ne vienne concurrencer à long terme l'Organisation Mondiale du Commerce et freine par ailleurs leur développement. D'autres pays pauvres redoutent quant à eux que cette organisation ne leur impose des normes environnementales trop sévères.
L'autre projet qui serait à l'étude consisterait dans la réforme du produit intérieur brut qui devrait prendre en compte les aspects environnementaux et sociaux.
Enfin il est aussi envisagé la mise en place de diverses écotaxes.
Par l'ensemble de ces mesures on désire que tous les Etats prennent en compte leurs impacts environnementaux afin d'assurer la sauvegarde du « patrimoine commun de l'humanité ». Cependant nombreux sont les Etats qui supportent mal cette ingérence de la communauté internationale. Réponse le 22 juin...