LE PACTE VERT cinq ans après : Quel Bilan ?

En application de l’Accord de Paris sur le climat de 2015, dont l’objectif est de limiter l'augmentation de la température moyenne de la planète à 1,5 °C, en décembre 2019, « le Pacte vert pour l’Europe », était lancé. Ce pacte regroupait un ensemble de 60 textes législatifs, dans de nombreux domaines (transports, agriculture, alimentation, biodiversité…) afin d’atteindre la neutralité carbone en 2050 et de baisser de 55% les émissions européennes de gaz à effet de serre d’ici à 2030. Cinq années se sont écoulées depuis le lancement du « défi » vert européen, quel bilan peut-on en tirer de ces cinq dernières années de politiques climatiques ? Quel avenir pour le pacte Européen pour l’ Environnement ?
I. Un Tableau Mitigé
En 2024, après plusieurs crises (pandémie de Covid-19, guerre en Ukraine, retour de l’inflation, manifestation des agriculteurs…), un peu plus de 150 propositions législatives, stratégies et plans d’actions ont été annoncés pour concrétiser le Pacte vert. Une soixantaine de ces textes ont été présentés, dont environ deux tiers ont été adoptés par le Conseil européen et le Parlement européen. L’on note l’adoption d’un nouvel objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES) en 2030 (-55% net par rapport à 1990), fin de la vente des véhicules neufs émetteurs de CO2 en 2035, mise en place d’une taxe carbone aux frontières font également partie des mesures phares du Pacte vert. En mai 2024, la directive sur le devoir de vigilance des entreprises est adoptée. Elle impose aux plus grandes multinationales européennes de respecter les droits sociaux et l’environnement sur toutes leurs chaînes de valeur. Dans le cadre du paquet sur la finance verte, la directive européenne “Corporate Sustainability Reporting” (CSRD) impose elle également de nouvelles normes aux grandes entreprises depuis janvier 2024 : celles-ci doivent publier certaines informations sur leur stratégie commerciale afin d’assurer la transition vers une économie neutre en carbone. Plus récemment, le règlement européen sur la restauration de la nature. Ce nouveau texte va imposer aux Etats d’instaurer d’ici à 2030 des mesures de restauration sur 20 % des terres et espaces marins à l’échelle de l’Union Européenne, puis d’ici à 2050 sur l’ensemble des zones qui le nécessitent. Divers types d’habitats sont listés (milieux avec faune et flore spécifiques : zones humides, prairies, forêts, rivières, prairies sous-marines…) : chaque Etat sera tenu de restaurer avant 2030 au moins 30 % de ces habitats en mauvais état, puis 60 % d’ici à 2040 et 90 % d’ici à 2050.
Toutefois, certains observateurs qualifient de « fragile » ces mesures.
Le véritable échec pour les défenseurs de l’environnement, est « la mise en pause » du plan de réduction des pesticides. Ce projet visait réduire de moitié l’utilisation des pesticides dans l’Union européenne. Il prônait également “une interdiction de l’utilisation de pesticides dans des zones telles que les parcs et jardins publics, les écoles et les terrains de sport. Élément central de la déclinaison agricole du Pacte vert, le projet de loi a été retiré face aux pressions des syndicats agricoles.
II. Un avenir empreint d’incertitudes
Même si la vulnérabilité énergétique de l’Europe révélée par la crise en Ukraine, a conforté les Etats européenne dans leur objectif de sortie des énergies fossiles, le manque de financements demeure le point faible du Pacte vert. D’une manière générale, Le financement du Pacte s’effectue au niveau national. La Commission européenne avait plaidé pour la création d’un « fonds de souveraineté » qui soutiendrait l’industrie des technologies vertes, à la place, c’est une proposition de « plateforme de technologies stratégiques » qui a été retenue financée à 1,5 milliard et uniquement pour le secteur de la défense. Cette situation contraste avec ce qui est fait aux Etats-Unis pour exemple, la loi américaine sur la « réduction de l’inflation » proposée en va « booster » l’industrie verte avec un appui conséquent de 360 milliards de dollars.
Pour Ophélie Risler « La transition écologique européenne, et singulièrement climatique, entre dans une phase plus difficile car elle requiert de s’attaquer aux émissions diffuses des secteurs du logement ou des transports. L’expérience française des Gilets jaunes en 2018 montre à quel point la décarbonation, notamment par des politiques de prix du carbone, doit être appliquée avec un accompagnement fort des ménages et des petites entreprises. »
De plus, les mesures commerciales comme la taxe carbone aux frontières ou la lutte contre la déforestation ont été mal reçues par les partenaires commerciaux de l’Union Européen, notamment les pays du Sud sachant qu’avec le contexte géopolitique actuel il est important de garantir des alliances stables avec des pays qui approvisionnent l'Europe, tout en maintenant une industrie bas carbone.
En somme ce bilan Pacte vert cinq ans après ne saurait faire rougir, d’autant plus qu’un un bilan comme celui-ci ne saurait se limiter à évaluer une politique dont une bonne partie n’a pas encore été mise en œuvre. Avec le Pacte vert européen, les enjeux climatiques et de protection de la nature sont au cœur de son projet politique européen. Il s’agit dont d’une stratégie politique de transformation de l’économie européenne, ambitieuse à la fois dans ses objectifs de long terme mais aussi dans sa vision et son application transversale. Pour ce qui est de sa mise en œuvre et de son effectivité du pacte vert la balle est au États membres.