Le 15ème rapport « Banking on Climat Chaos », coordonné par plusieurs ONG, dont Reclaim Finance, ne tombe pas si mal pour BNP Paribas, cible privilégiée des défenseurs du climat, à la veille de son assemblée générale des actionnaires. Certes, les banques continuent de soutenir les énergies fossiles dans le monde, mais la contribution des quatre grandes banques françaises (BNP Paribas, Crédit Agricole, Société Générale et BPCE) a été en repli en 2023, à environ 40 milliards de dollars, selon l'étude, soit environ 10 milliards de moins qu'en 2022. Cela représente pour le secteur bancaire français moins de 6 % des financements mondiaux, soit nettement moins que leur part de marché « naturelle ».

Au total, les 60 plus grandes banques mondiales ont prêté ou arrangé l'an dernier 706 milliards de dollars (-10%) au profit des énergies fossiles avec, dans le trio de tête des plus grands bailleurs, JP Morgan Chase (41 milliards), Mizuho (37 milliards) et Bank of America (34 milliards). En Europe, c'est la banque britannique Barclays qui figure en haut du podium avec 24 milliards de financements, loin devant BNP Paribas (12,2 milliards), Crédit Agricole (11,7 milliards) et Société Générale (8,7 milliards).

Pour l'essentiel, les banques critiquent chaque année la méthodologie de l'étude. Les auteurs du rapport indiquent avoir procédé à plusieurs changements notamment pour mieux prendre en compte la participation des banques aux opérations d'émissions d'actions et d'obligations, même si la banque n'est pas le principal teneur de livres.

Depuis les accords de Paris de 2015 qui visent à limiter le réchauffement climatique à 1,5 degré, les banques ont accordé près de 7.000 milliards de dollars de financements sous toutes les formes, aux énergies fossiles. Depuis trois ans, l'Agence internationale de l'énergie a indiqué qu'il ne pouvait y avoir de nouveau développement du pétrole, du gaz et du charbon si la planète devait atteindre des émissions nettes de zéro d'ici 2050, conformément à l'accord de Paris. C'est, pour une large part, sur cette étude de l'Agence Internationale de l’Energie (AIE) que les ONG fondent leur argumentation pour exiger des banques de stopper tout nouveau financement au secteur des énergies fossiles.

Dans son rapport climat 2024, BNP Paribas se fixe un objectif de réduction de 70% de ses émissions financées pour le secteur pétrole et gaz d'ici 2030. Ce qui se traduit par 90% des financements au secteur énergétique fléchés à cet horizon vers les énergies à bas carbone, et non plus 80 % comme indiqué auparavant. « Pour un euro de nouveau financement aux énergies fossiles, onze euros sont consacrés aux énergies renouvelables », aime à répéter le directeur général de la banque, Jean-Laurent Bonnafé.

« Une des évolutions notables de 2023 », reconnaît l'ONG Reclaim Finance, pourtant habituellement très critique du secteur bancaire français, « est la réduction des financements des banques françaises » aux majors et grandes entreprises pétrolières et gazières, dont TotalEnergies, ENI et Saudi Aramco.

Un comportement qui « tranche avec les financements passés, particulièrement pour BNP Paribas, traditionnellement en tête des banques derrière ces entreprises », souligne l'ONG. La première banque européenne passerait ainsi, selon le rapport, de la troisième à la neuvième place des financeurs de ces grandes majors.

En février 2023, plusieurs ONG ont attaqué BNP Paribas (lien : https://www.latribune.fr/entreprises-finance/banques-finance/banque/climat-bnp-paribas-assigne-en-justice-par-trois-ong-952942.html) en justice pour le non-respect de son devoir de vigilance en matière climatique, une nouvelle notion juridique en France qui reste cependant à conforter par la jurisprudence. L'action en justice qui s'inscrit dans un temps long, voire très long vise à faire reconnaître que le financement d'un projet pétrolier est devenu illégal au regard de la loi. « La loi sur le devoir de vigilance doit être interprétée au regard d'autres textes, notamment le principe de précaution », estime Justine Ripoll, responsable de campagne pour Notre Affaire à Tous.

La banque avait pourtant très vite réagi à la mise en demeure d'octobre 2022 en musclant dès janvier 2023 son plan de transition vers les énergies bas carbone et en communiquant, en mai 2023, avant son assemblée générale, sur son intention d'arrêter de financer les nouveaux projets pétroliers et gaziers, du moins en ce qui concerne le financement direct.

C'est là que les ONG dénoncent une sorte de tromperie car, selon les Amis de la Terre, les financements directs ne représentent qu'une infime partie des financements à l'industrie. Toutefois, BNP Paribas a indiqué depuis qu'elle n'avait procédé, depuis février 2023, à aucune émission obligataire dans le secteur pétrolier et gazier. « C'est une façon de reconnaître qu'organiser une émission obligataire pose problème », se réjouit Lorette Philippot, chargée de campagne aux Amis de la Terre.

Les ONG saluent ces avancées mais demandent plus, c'est-à-dire des engagements fermes de la banque, notamment sur les émissions obligataires.