Adoptée en le 19 novembre 2008 la directive 2008/99/CE avait pour ambition d’apporter une réponse dans la lutte contre la criminalité environnementale.
Toutefois, dans la pratique, elle s’est révélée limitée, laissant la réponse pénale aux infractions environnementale à un niveau peu satisfaisant.
La question de son effectivité a poussé l’UE alors sous présidence finlandaise a réalisé une évaluation en 2019, laquelle a révélé que « la directive n’avait pas pleinement rempli ses objectifs et que, malgré certains progrès, des écarts significatifs subsistaient entre les États membres »
Pour y remédier trois solutions ont été proposées à la commission ; démultiplier les efforts de transposition et de mise en œuvre de la directive qui demeure inchangée, procéder à son amendement avec pour but l’amélioration et l’harmonisation de la définition du crime environnemental et l’échelle des sanctions pénales au sein des Etats membres, adopter une approche plus ambitieuse et novatrice visant à reconnaitre et condamner les atteintes autonomes à l’environnement avec notamment la reconnaissance d’un crime d’écocide au niveau européen . En définitive, la commission optera pour la dernière solution.
Adoptée le 27 février 2024, la nouvelle directive est porteuse des enjeux d’intérêts actuels, notamment pour Anotonius Manders, rapporteur du texte. Et pour cause la vocation à prendre en compte des comportements attentatoires à l’environnement diversifiés, par une mise à jour de son champ pénal (I), bien qu’à certains égards, la politique pénale environnementale soit restée inchangée (II).


I- UN CHAMP D’APPLICATION PLUS ETENDU
La nouvelle directive transposable dans un délai de deux ans à compter de son entrée en vigueur, élargit la liste des comportements infractionnels de neuf à vingt et reconnait par ailleurs le crime d’écocide. Le champ des personnes pénalement responsables a également été étendu avec la fixation d’un seuil minimum des peines et sanctions.
Au titre des infractions, on note notamment le commerce illégal de bois, la pollution causée par les navires, les infractions à la législation sur les produits chimiques ; l’importation du mercure et des gaz à effet de serre fluorés.
Les nouvelles dispositions prévoient également l’infraction dite ‘’qualifiée’’ ou écocide, visant la réalisation intentionnelle d’une infraction visée par la directive, lorsque celle-ci entraine la destruction de l’environnement, des dommages irréversibles ou durables à celui-ci.
Au titre des peines et sanctions, la directive prévoit des peines d’emprisonnement minimum de 8 ans, pour les infractions à l’origine de décès personnes ; les Etats membres ayant la possibilité de prévoir des peines plus sévères.
Il en est de même pour les écocides ou infractions qualifiées.
Les personnes physiques pourront être reconnues responsables, selon leur degré d’implication dans la commission de l’infraction, notamment lorsqu’en tant que dirigeant d’une personne morale, ils y ont participé par négligence ou intentionnellement.
Les personnes morales quant à elles pourront se voir infliger des sanctions financières proportionnelles au chiffre d’affaire mondial ; entre 3% et 5%, ou déterminé ; entre 24 et 40 millions d’euros, selon l’importance de l’infraction.
Des supplémentaires sont également prévues pour les auteurs d’infractions, telles que l’obligation de rétablir l’environnement, d’indemniser la ou les victimes de dommages, ainsi que l’exclusion de l’accès au financement public et la fermeture .
Cette directive intervient dans un contexte marquée par l’émergence de nouvelles notions en matière environnementale qui confère à la protection de l’environnement un enjeu spatio-temporel qu’elle essaie de prendre en compte. Comme c’est le cas avec l’intégration de ‘’durabilité’’ et ‘’irréversibilité’’ et l’encouragement d’une coopération des autorités nationales entre elles et d’autres organismes, notamment Europol.
Pour autant, la politique pénale environnementale demeure inchangée.


II- UNE POLITIQUE PENALE ENVIRONNEMENTALE INCHANGEE
Cette nouvelle directive ne remet pas en cause la politique pénale du législateur européen matérialisée notamment par l’adoption, le 24 décembre 2020, de la loi sur le parquet européen .
L’introduction de la convention judiciaire d’intérêt public environnementale par le droit européen dans l’ordre national des Etats membres a consacré une pratique déjà assez bien ancrée dans le droit pénal environnemental français, renforçant ainsi les critiques de certains auteurs qui voient dans ces mesures alternatives les raisons de l’inefficacité du droit pénal environnemental.
En France, l’attachement du législateur aux mesures alternatives est affirmé depuis longtemps. En effet, depuis les lois du 23 juin 1999 et du 9 mars 2004 , les procédures alternatives aux poursuites pénales ont fait l’objet d’une large promotion au point où, récemment, certains auteurs se sont interrogé sur une mise en concurrence de ces mesures et des sanctions pénales .
Pour d’autre, ces mesures alternatives sont contraires à la fonction de prévention et de dissuasion poursuivie par la défunte directive, fonction reconnue au droit pénal. Ces mesures alternative ont sonné la disparition du caractère infamant de la sanction pénale par leur caractère confidentiel ou par l’absence de la médiatisation propre aux procès pénal et dont la vertu réputationnelle est crainte par les entreprises. De ce point de vue, pour J. Lagoutte, « la CJIP, loin d’être dissuasive, apparait comme fortement séduisante pour des personnes morales qui, au gré d’une analyse économique de la question, y voient une nouvelle forme de droit de polluer contre indemnité »
Cette préférence pour les mesures alternatives pose des difficultés quant à la traçabilité des infractions et la sanction de la récidive que permet le droit pénal. La commission en charge de l’évaluation n’a-t-elle pas relevé cette difficulté ? Si la loi relative au parquet européen résout la question de la traçabilité en prévoyant que la CJIPE fait l’objet de publication , il en va différemment de la récidive, étant donné qu’elle ne fait pas, elle non plus l’objet d’inscription au casier judiciaire.
En définitive, les mesures alternatives et plus spécifiquement la CJIPE, ne permettent pas le développement de la jurisprudence pénale environnementale en raison du rôle secondaire du juge .


SOURCES CONSULTEES

RÉSUMÉ DE L'ÉVALUATION de la DIRECTIVE 2008/99/CE du Parlement européen et du Conseil du 19 novembre 2008 relative à la protection de l'environnement par le droit pénal, Bruxelles, le 9 novembre 2020
LE DROIT EUROPÉEN AU SERVICE DE LA PROTECTION PÉNALE DE L’ENVIRONNEMENT par Véronique JAWORSKI Maître de conférences à l’Université de Strasbourg, in LA JUSTICE PÉNALE ENVIRONNEMENTALE, Revue Justice Actualités, n° 25, ENM, juin 2021, P.150
Protection de l’environnement par le droit pénal Résolution législative du Parlement européen du 27 février 2024 sur la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative à la protection de l’environnement par le droit pénal et remplaçant la directive 2008/99/CE
Criminalité environnementale : accord en trilogue sur une nouvelle directive européenne | Europe (europe-en-nouvelle-aquitaine.eu) , Criminalité environnementale: le Conseil autorise une nouvelle législation de l'UE prévoyant des sanctions plus sévères et une liste élargie des infractions - Consilium (europa.eu)
Loi du 24 décembre 2020 relative au Parquet européen, à la justice environnementale et à la justice pénale spécialisée
Ordonnance n° 2012-34 du 11 janvier 2012 portant simplification, réforme et harmonisation des dispositions de police administrative et de police judiciaire du code de l’environnement, Décret n° 2014-368 du 24 mars 2014 relatif à la transaction pénale prévue à l’article L. 173-12 du code de l’environnement
Loi n° 99-515 du 23 juin 1999 renforçant l’efficacité de la procédure pénale, NOR : JUSX9800051L
Loi n° 2004-204 du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité, NOR : JUSX0300028L
SANCTIONS PÉNALES DE L’ENVIRONNEMENT ET CJIPE : À QUI MIEUX MIEUX, Par Julien LAGOUTTE in LA JUSTICE PÉNALE ENVIRONNEMENTALE, Revue Justice Actualités, n° 25, ENM, juin 2021, p.99
SWD(2020) 260 final, P. 1
CPP, art. 41-1-3 L'ordonnance de validation, le montant de l'amende d'intérêt public et la convention sont publiés sur les sites internet du ministère de la justice, du ministère chargé de l'environnement et de la commune sur le territoire de laquelle l'infraction a été commise ou, à défaut, de l'établissement public de coopération intercommunale auquel la commune appartient.
« Certes un juge intervient pour valider – ou pas – la convention. Mais son office n’a rien de commun avec celui classique du juge pénal : sa fonction est gracieuse et le contrôle qu’il opère ne porte a priori pas sur la réalité des faits, leur gravité, leur qualification pénale, bref sur le fond de la matière pénale. » J. LAGOUTTE, Revue Justice Actualités, n° 25, ENM, juin 2021 p.110