INTRODUCTION

La neutralité carbone est, l’une des principales priorités climatiques des politiques européennes, mais également nationales par les mesures gouvernementales appropriées en renforcement de celles au niveau régional. C’est dans cette perspective que la Commission européenne a proposée un objectif de -90 % des émissions des gaz à effet de serre dès 2024. Afin de fixer ce pourcentage, la Commission s'est appuyée sur l'avis du Conseil scientifique consultatif européen sur le climat. C’est un objectif intermédiaire afin de mieux appréhender l’objectif neutralité carbone voulue en 2050. Si cette proposition a le mérite d’être ambitieuse par certaines personnes, elle doit encore faire l’objet d’une validation par les eurodéputés et les Etats membres.

Après l’étape de 2030, les efforts devront davantage être soutenus afin de maintenir une réduction de l’émission des gaz à effet de serre et ainsi de garder en vue de la neutralité à la ligne 2050. Ce mardi 6 février 2024, la Commission européenne a donc proposé aux eurodéputés réunis en séance plénière de fixer à 90 %, le niveau de réduction à atteindre en 2040, par rapport à 1990. La loi européenne sur le climat, entrée en vigueur en juillet 2021, oblige en effet l'institution à fixer une cible intermédiaire entre 2030 (- 55 %) et 2050, six mois au plus tard après la réalisation du premier bilan mondial (Global Stocktake), lors de la COP 28 de novembre 2023.

Plutôt que d'attendre le mois de mai, date butoir pour cette opération, la Commission a préféré passer à l'action un peu plus tôt et laisser un peu de temps aux candidats aux élections parlementaires de juin prochain pour se saisir de cette nouvelle donne et clarifier leur position dans leur programme. « Chacun prendra ensuite ses responsabilités », souligne le député Pascal Canfin.

I- UNE PROPOSITION BASEE SUR UNE ETUDE APPROFONDIE

Le Conseil scientifique consultatif, avait procédé à une série d’évaluation complète de scénarios d’émissions disponibles, de leur faisabilité, des risques techniques ou des défis environnementaux qui seraient éventuellement liés avant de déposer son rapport en juin dernier. Ses résultats mettent l’accent sur « l'urgente nécessité d'actions ambitieuses pour faire face au changement climatique » et, notamment, l'importance de maintenir le budget d'émissions de GES de l'Union européenne sous la limite de 11 à 14 gigatonnes (Gt) de CO2 entre 2030 et 2050. Ce qui rend indispensable la réduction d’émissions de 90 à 95 % d'ici à 2040.

Dans une perspective d'équité à l'égard des pays les moins avancés, les experts préconisaient plutôt de choisir la fenêtre la plus haute de 95 %. Cette suggestion n'a finalement pas été retenue. Très attendu, l’objectif de réductions des émissions de gaz à effet de serre à 2040, proposé par la Commission européenne mardi 6 février est conforme aux pronostics : -90 % par rapport à 1990. Alors que le Green Deal ne cesse d’être remis en cause et que les appels à une pause réglementaire se multiplient, Ursula von der Leyen a tenu bon, tout en renonçant à adopter une position plus ambitieuse, mais aussi plus risquée. Cette recommandation est finalement conforme à la fourchette basse proposée par le Conseil consultatif scientifique européen sur le changement climatique (ESABCC) qui proposait une réduction comprise entre 90 et 95 %.

"Fixer un objectif climatique pour 2040 aidera l’industrie européenne, les investisseurs, les citoyens et les gouvernements à prendre des décisions au cours de cette décennie qui maintiendront l’UE sur la bonne voie pour atteindre son objectif de neutralité climatique en 2050. Cela enverra des signaux importants sur la manière d’investir et de planifier efficacement en minimisant les risques liés aux actifs bloqués", explique la Commission.

II- UNE BAISSE DES ENERGIES FOSSILES DE 80%

De manière spécifique, elle a pour objectif une décarbonation complète du secteur de l’énergie, le plus facile à électrifier, "peu après 2040", en se basant sur "les énergies renouvelables, le nucléaire, l’efficacité énergétique, le stockage, le captage et stockage du CO2 (CCS), le captage et la valorisation du CO2 (CCU), l’élimination du carbone, la géothermie et l’hydroélectricité". La Commission souligne cependant que le captage du carbone, une technique encore peu mature et coûteuse, devrait être ciblé sur les "secteurs difficiles à réduire, où les alternatives sont moins viables économiquement". Cette proposition de la Commission européenne est ambitieuse mais réaliste. Cela constitue un argument économique solide pour réduire la dépendance de l’UE aux combustibles fossiles à la suite de la COP28 à Dubaï.

Baisser l’utilisation de combustibles fossiles de 80 % est une première étape importante pour renforcer la sécurité énergétique", a commenté Linda Kalcher, directrice générale de Strategic Perspectives. L’ONG Greenpeace regrette cependant qu’il n’y ait pas de date précise de sortie des énergies fossiles. "Cela a autant de sens qu’un objectif de prévention du cancer du poumon sans aucun plan pour mettre fin au tabagisme", assure Silvia Pastorelli, responsable de la campagne climat pour l’ONG environnementale. "L’absence de plan d’élimination progressive des combustibles fossiles, et même des subventions, non seulement, retarde l’action climatique dont nous avons besoin de toute urgence, mais finira par nuire davantage à la population", ajoute-t-elle

Encore un point noir pointé par plusieurs observateurs : le recours aux technologies d’élimination et de séquestration du carbone équivalent à 400 millions de tonnes de CO2 par an d’ici 2040. Cela porterait l’objectif de l’UE à une réduction de 82 % en valeur absolue, "ce qui est totalement insuffisant", pour Carbon Market Watch. Mais aussi risqué, prévient l’organisation, car cela revient à miser sur les puits carbones naturels. Or, "la capacité d’absorption du carbone des puits terrestres de l’UE est en déclin depuis de nombreuses années et le stockage dans les systèmes naturels risque constamment de libérer le carbone stocké dans l’atmosphère", explique-t-elle dans un communiqué.