INTRODUCTION
L'alimentation occupe une place centrale dans nos vies quotidiennes, mais elle est également un acteur majeur des enjeux environnementaux, en particulier face au défi du changement climatique. Le lien entre notre alimentation et son impact sur l'environnement est de plus en plus mis en lumière, et des efforts significatifs sont nécessaires pour "décarboner nos assiettes".
Le Haut Conseil pour le climat a publié un nouveau rapport jeudi 25 janvier. Intitulé “Accélérer la transition climatique avec un système alimentaire bas carbone, résilient et juste”, il recommande d’adapter le milieu agricole mais aussi l’ensemble des secteurs de l’alimentation.
Le Haut Conseil pour le climat a complété son rapport annuel de juin 2023 dans un document publié jeudi 25 janvier. Alors que les agriculteurs se mobilisent partout en France depuis une semaine, cet organisme indépendant se penche cette fois-ci sur l'impact climatique du monde agricole et de l'ensemble des secteurs de l’alimentation. Il propose, comme son titre l’indique, d’"accélérer la transition climatique avec un système alimentaire bas carbone, résilient et juste", pour espérer atteindre la neutralité carbone en 2050.
Dans cette optique, le Haut Conseil pour le climat propose plusieurs pistes visant à réduire l'empreinte carbone de notre alimentation tout en assurant une transition juste et équitable pour les acteurs de la profession agricole.

DÉCARBONER NOS ASSIETTES
Le concept de "décarboner nos assiettes" repose sur la nécessité de réduire les émissions de gaz à effet de serre associées à la production, à la transformation, au transport et à la consommation des aliments.
Le rapport rappelle que notre alimentation représente 22 % de l’empreinte carbone des Français, dont 60 % vient de l’agriculture (française ou d’autres pays). Notre secteur agricole est le deuxième plus émetteur de gaz à effet de serre derrière celui des transports. L’élevage est à l’origine de 59 % de ses émissions, principalement à cause des élevages bovins. La France a également les émissions agricoles les plus élevées des États membres de l’Union européenne. Pour réduire l'impact climatique de l'agriculture, le Haut Conseil pour le climat livre une multitude de propositions comme la réduction de l'utilisation d'engrais azotés minéraux, le stockage du carbone dans les sols agricoles ou la sélection génétique de troupeaux peu émetteurs.
Pour ce faire, il est recommandé d’envisager une transition vers des régimes alimentaires plus durables, basés sur une consommation plus importante de fruits, de légumes, de céréales complètes et de protéines végétales, tout en réduisant la consommation de viande et de produits laitiers d'origine animale.

UNE NÉCESSAIRE ADAPTATION DE LA PROFESSION AGRICOLE
Cette transition vers des modes de production et de consommation alimentaires plus durables implique une adaptation de la profession agricole. Si l'agriculture favorise le changement climatique, ses acteurs en sont aussi les premières victimes.
Pour mieux s'adapter à ces bouleversements présents et futurs, le rapport liste plusieurs idées : l’avancement des dates de vendanges, de récoltes et de semis pour esquiver la sécheresse estivale, la diversification des espèces de végétaux dans les cultures pour une meilleure espérance de rendement face à des conditions climatiques variables, ou encore la sélection et l'utilisation de variétés de plantes plus tolérantes à la sécheresse et aux températures élevées. Des changements qui permettraient aux agriculteurs de "se préparer à un climat plus chaud de +2°C à court terme et possiblement de +4°C à plus long terme”, prévoit le Haut Conseil. Le rapport recommande, entre autres, que ces transformations soient accompagnées par une revalorisation des revenus des agriculteurs qui modifient leurs pratiques, une meilleure formation des agriculteurs et des conseillers agricoles en matière de transition climatique ainsi qu’une "réorientation des dispositifs de soutien en faveur des pratiques agricoles bas carbone et adaptées au changement climatique".
Les agriculteurs doivent être soutenus dans cette transition par des politiques publiques cohérentes et des incitations financières pour adopter des pratiques agricoles respectueuses de l'environnement, telles que l'agroécologie, la permaculture et l'agriculture biologique. Il est également crucial de favoriser la diversification des cultures et des exploitations, ainsi que de promouvoir les circuits courts et la vente directe, permettant ainsi de réduire les émissions liées au transport des aliments.

GARE AUX EFFETS PERVERS
Cependant, il est important de rester vigilant quant aux éventuels effets pervers de ces mesures. Par exemple, une augmentation soudaine de la demande pour certains produits végétaux peut entraîner une pression supplémentaire sur les ressources naturelles, comme l'eau et les sols. De plus, des politiques visant à réduire la consommation de viande et de produits laitiers doivent être mises en œuvre de manière à ne pas exclure les populations les plus vulnérables, et à assurer une transition juste pour tous les acteurs de la chaîne alimentaire.
Marion Guillou, membre du Haut Conseil pour le climat et co-autrice du rapport, indique qu’il faut cependant prendre "garde aux effets pervers" d'une volonté de transformer uniquement le secteur agricole. Il est, selon le Haut Conseil, nécessaire de réformer l’entièreté du système alimentaire, c'est-à-dire l’industrie agro-alimentaire, le transport, les restaurants ou encore les importations. "Par exemple, les productions bovines des zones en dehors de l’UE ont des émissions de gaz à effet de serre supérieures aux productions bovines à l’intérieur de l’UE", étaye Marion Guillou. "Donc nous perdrions tout si nous demandions la diminution du cheptel français, sachant que la consommation n’évoluerait pas en même temps et que nous augmenterions les importations de ces pays plus émetteurs." Le rapport évoque alors la mise en place de clauses miroir, qui obligeraient les pays exportateurs à se conformer aux normes sanitaires et environnementales de l’UE.

CONCLUSION
En conclusion, "décarboner nos assiettes" est un défi majeur dans la lutte contre le changement climatique. Les recommandations du Haut Conseil pour le climat offrent des pistes prometteuses pour une transition vers des régimes alimentaires plus durables et respectueux de l'environnement. Cependant, cette transition nécessite une collaboration étroite entre les gouvernements, les acteurs de l'industrie alimentaire, les agriculteurs et les consommateurs. En adoptant des politiques ambitieuses et des pratiques responsables, nous pouvons contribuer à construire un système alimentaire plus équitable, résilient et respectueux de notre planète.