I. La remise en question de l’objectif global de réduction des combustibles fossiles
Lors d’un sommet sur le climat à New York tenu le 20 septembre 2023, le secrétaire général de l’ONU Antonio Guterres, a insisté la responsabilité collective des états s’agissant de leur dépendance aux énergies fossiles et particulièrement les pays développés. Selon lui, « [Les pays du G20] doivent briser leur dépendance aux combustibles fossiles, arrêter le nouveau charbon et tenir compte des conclusions de l’Agence internationale de l’énergie selon lesquelles les nouvelles licences pétrolières et gazières qu’ils accordent sont incompatibles avec le maintien de la limite de 1,5 degré ». Ceci est en échos avec la position globale des gouvernements, des institutions, des ONGs ainsi que l’essentiel de l’opinion civile ces dix dernières années. Dans la déclaration de Glasgow faite à la sortie de la Cop27, les états s’étaient en effet engagés à faire « une réduction progressive de l’énergie au charbon sans relâche ». Mais la Chine semble avoir une trajectoire différente.
Le centre pour la Chine et la mondialisation (CCG) a organisé son 9e forum sur la Chine et la mondialisation à Beijing. A cette occasion, l’envoyé climatique de la Chine, Xie Zhenhua, a fait un discours le 21 septembre 2023. Selon une traduction fournie par le Centre pour la Chine et la mondialisation, il aurait déclaré qu’une élimination progressive des combustibles fossiles à l’échelle mondiale était irréaliste. Il aurait soutenu que les énergies renouvelables dépendent de la météo, de sorte que « les combustibles fossiles devraient servir de source d’énergie flexible et de secours lorsque des technologies telles que le stockage d’énergie à grande échelle, le transport d’énergie électrique, les réseaux intelligents, les micro-réseaux ne sont pas encore complètement matures ». Il aurait ajouté que les émissions provenant de la combustion de combustibles fossiles peuvent être réduites grâce à la technologie de capture et de stockage du carbone. Il a tenu ces propos devant une audience composée notamment des ambassadeurs des différents états en Chine dont l’ambassadeur américain Nicholas Burns et l’ambassadeur de l’Union européenne Jorge Toledo.
II. Les prémices d’une position à défendre à la Cop 28 ?
Pour rappel, lors des négociations sur le climat de la COP27 de l’année dernière, une large coalition de pays a fait pression pour que le texte de décision utilise un langage clair s’engageant dans l’élimination progressive des combustibles fossiles. Mais ces initiatives ont été bloquées par des producteurs de pétrole et de gaz comme l’Arabie saoudite, l’Iran et la Russie, tandis que la Chine est restée silencieuse. Dans ce contexte, à la veille de la Cop28, les propos laissent-ils présager que la Chine ne s’alignera pas sur un éventuel objectif de réduction des combustibles fossiles lors des négociations à venir ?
Rien dans les propose de monsieur Xie ne permettrait de l’assurer. Concernant la Cop28 il s’est contenté de donner des suggestions et recommandations générales sur les objectifs qu’il faudra se fixer et les moyens d’y arriver. Il a par exemple fustigé les pays riches pour ne pas avoir fourni les 100 milliards de dollars par an de financement climatique qu’ils ont promis d’ici 2020. Pour lui, cela nuit à « la confiance entre le Nord et le Sud ». De là, Monsieur Xie a déclaré que le fonds des pertes et dommages devrait être mis en place lors de la COP28. Il devrait s’accompagner de dispositions pour s’assurer que les pays développés atteignent leur objectif de doubler le financement pour aider les pays en développement à s’adapter au changement climatique.
En tout état de cause, ces propos sont en résonnance avec ceux du président de la COP28, le Sultan Al-Jaber, chef de la compagnie pétrolière nationale d’Abou Dhabi. En juillet dernier, celui-ci avait tenu un discours qui avait été interprété par une partie des observateurs comme un recul sur l’objectif initial de sortie des fossiles. En effet, certains médias à l’exemple de Climate Home News avait souligné que Mr Al Jaber avait introduit une nuance qui changeait beaucoup de choses : il parlait désormais de la nécessité pour le monde d’éliminer progressivement les émissions liées à l’exploitation et l’usage des combustibles fossiles plutôt que de viser cette exploitation des combustibles fossiles en elle-même.
Dans ce contexte les espoirs qu’un objectif contraignant de sortie des combustibles fossiles à l’issue des négociations de la COP28 sont-ils encore permis ? Nous ne tarderons pas à le savoir. La Cop28, pour rappel, aura lieu du 30 novembre au 12 décembre 2023 à Dubaï.