L’association Vent de Colère ! Fédération nationale a saisi le juge administratif en début d’année 2009 afin de lui demander à ce que soit annulés pour excès de pouvoir l’arrêté du 17 novembre 2008 du ministre d’Etat, ministre de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de l’aménagement du territoire et de la ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi fixant les conditions d’achat de l’électricité produite par les installations utilisant l’énergie mécanique du vent, ainsi que l’arrêté du 23 décembre 2008 le complétant.

Ces arrêtés mettent en place un mécanisme de compensation des surcoûts imposés à Electricité de France et aux distributeurs non nationalisés à raison de l'obligation d'achat de l'électricité produite par les installations utilisant l'énergie mécanique du vent à un prix supérieur au prix de marché de cette électricité par l’instauration de la Contribution au Service Public de l’Electricité (CSPE) que paie tous les consommateurs finals d’électricité, au prorata de leur consommation et jusqu’à un plafond déterminé.

Plus de trois ans après la saisine du juge, et plus de deux mois après la tenue de l’audience, le Conseil d’Etat a rendu sa décision le 15 mai 2012.

L’association a pris deux fondements principaux susceptibles selon elle d’entrainer l’illégalité des arrêtés fixant les conditions d’achat de l’électricité d’origine éolienne qui sont la méconnaissance des dispositions de la loi du 10 septembre 2000 (I) ainsi qu’une violation du droit communautaire (II).

I Sur la violation de la loi du 10 septembre 2000

Les arrêtés tarifaires sont pris en application, entre autres dispositions législatives, de la loi du 10 septembre 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l’électricité.

L’association Vent de colère! prétendait que les arrêtés en cause ne respectent pas l’une des dispositions de l’article 10 de la loi du 10 septembre 2000.

A Sur le chiffrage précis des composantes du tarif d’achat

La requérante soutenait que ces dispositions faisait obligation au pouvoir réglementaire de chiffrer exactement la part de chaque coût au sein du tarif d’achat de l’électricité produite.

En effet, l’article 10 de la loi précitée prévoit que les conditions d’achat de l’électricité produite par les installations d’énergie renouvelable doivent « prendre en compte les coûts d'investissement et d'exploitation évités par ces acheteurs, auxquels peut s'ajouter une prime prenant en compte la contribution de la production livrée ou des filières à la réalisation des objectifs définis au deuxième alinéa de l'article 1er de la présente loi ».

Le Conseil d’Etat dans sa décision estime, sur le premier moyen de cette branche de l’argumentation du demandeur, que les dispositions précitées « n'ont pas pour objet de contraindre le pouvoir réglementaire à faire figurer, dans les tarifs d'achat fixés par arrêté, différentes composantes distinctement chiffrées ». De plus, la Haute cour de l’ordre administratif poursuit en expliquant que ces dispositions avaient pour but de seulement empêcher à ce que le pouvoir réglementaire prenne « en considération, dans la fixation de ces tarifs, d'autres critères que ceux ainsi énumérés ». Dès lors, le moyen de l’association est infondé juridiquement et doit donc être rejeté.

B Sur la rémunération anormale des capitaux

De plus, elle estimait que les tarifs d’achat méconnaissait la seconde partie de la disposition, parce qu’il entrainait une rémunération trop importante des installations par rapport aux revenus normaux des capitaux. En conséquence de ces violations, les arrêtés tarifaires devaient être annulés selon l’association.

L’association tire son argument de l’article 10 de la loi u 10 septembre 2000 qui prévoit que « le niveau de cette prime ne peut conduire à ce que la rémunération des capitaux immobilisés dans les installations bénéficiant de ces conditions d'achat excède une rémunération normale des capitaux ».

Sur ce point, le Conseil d’Etat a estimé que « compte tenu, d'une part, des aléas qui s'attachent aux hypothèses de rentabilité des investissements en cause, […] et d'autre part, de la diversité des caractéristiques du financement des projets, selon les choix opérés par les investisseurs, […] il ne ressort pas des pièces du dossier qu'une erreur manifeste aurait été commise dans l'évaluation de la rémunération moyenne des capitaux immobilisés dans les installations utilisant l'énergie mécanique du vent ». Ainsi, le Conseil d’Etat mais fin à la polémique soulevée de manière régulière par les opposants à l’énergie éolienne selon laquelle les conditions d’achat de l’électricité produite serait trop avantageuse étant donné les investissements et contribueraient ainsi à rémunérer de manière trop importantes les bénéficiaires des droit de revente de l’électricité produite.

En outre, les opposants à l’énergie éolienne ont également soulevé l’illégalité de l’arrêté sur un fondement issu du droit communautaire.

II Sur la violation du droit communautaire relatif aux aides d’Etat

Le droit communautaire prévoit des dispositions, depuis l’institution de la communauté européenne en 1956 par le Traité de Rome, relatives aux aides d’Etat.

A Le fondement juridique du moyen

Parmi ces dispositions figurent les articles 87 et 88 du Traité instituant la Communauté Européenne dit TCE, devenus les articles 107 et 108 du Traité sur le Fonctionnement de l’Union Européenne également appelé TFUE. Ces articles font obligations aux Etats membres désirant de créer une aide d’Etat de notifier le projet d’aide à la commission européenne afin que celle-ci détermine si l’aide est contraire ou non au principe de libre concurrence au sein de l’Union. Toute aide d’Etat qui ne serait pas notifiée à la Commission ou qui serait mise en place avant que la Commission n’ait pris son avis sur le projet d’aide est illégale et doit être abrogée.

L’association prétendait que le tarif d’achat de l’électricité produite par les installations utilisant l’énergie mécanique du vent est une aide d’Etat. Dès lors, la notification à la Commission européenne est obligatoire. Or les arrêtés attaqués n’ont jamais été notifiés à la Commission et sont donc, selon la requérante, illégaux.

S’agissant d’obligation d’achat d’électricité, de la part d’entreprise privée de distribution d’électricité, produite par des installations utilisant des énergies renouvelables, la Cour de Justice de la Communauté Européenne (CJCE), devenue la Cour de Justice de L’Union Européenne (CJUE), avait jugé dans son arrêt PreussenElektra AG et Schleswag AG du 13 mars 2001 (C-379/98) que de telles pratiques ne constituaient pas des aides d’Etat. Or, dans cette espèce les entreprises privées n’étaient pas mandatées par l’Etat pour gérer une ressource de l’Etat.

En France, depuis l’entrée en vigueur de la loi n° 2003-8 du 3 janvier 2003 relative aux marchés du gaz et de l'électricité et au service public de l'énergie, les surcoûts ainsi imposés à Electricité de France et aux distributeurs non nationalisés sont supportés par les consommateurs finals via la Contribution au Service Public de l’Electricité (CSPE).

De telles conditions d’achats de l’électricité d’énergie renouvelable, et donc de l’électricité produite par les installations éoliennes, est elle une aide d’Etat ?

B La réponse du Conseil d’Etat sur ce moyen

Le Conseil d’Etat a entendu l’argument de l’association le 12 mars 2012. Il a fallut attendre le 15 mai 2012 pour connaitre les réponses qu’il a apporté aux prétentions des opposants à l’énergie éolienne sur ce point relatif à la qualification de ces conditions d’achat de l’électricité éolienne d’aide d’Etat.

Tout d’abord, le Conseil d’Etat a estimé que « qu'eu égard à la libéralisation du secteur de l'électricité au niveau de l'Union européenne, cet avantage est susceptible d'affecter les échanges entre Etats membres et d'avoir une incidence sur la concurrence ». Mais la seule influence sur la concurrence ne suffit pas. Encore faut-il, pour être une aide d’Etat, que les fonds proviennent, de manière directe ou indirecte, de l’Etat.

S’agissant du cas français, ici en cause, c’est uniquement le consommateur final, utilisateur d’électricité, qui subventionne le rachat de l’électricité produite par les installations utilisant de l’énergie renouvelable et non l’Etat. Néanmoins, la CJCE a pu décider dans un arrêt Essent Netwerk Noord BV du 17 juillet 2008 (C-206/06) « qu'un financement par un supplément de prix imposé par l'Etat aux acheteurs d'électricité, constitutif d'une taxe, les fonds demeurant en outre sous le contrôle de l'Etat, devait être regardé comme une intervention de l'Etat au moyen de ressources d'Etat ».

Cependant, le Conseil d’Etat estime que cette question, de savoir si le mécanisme français actuel constitue une aide d’Etat, présente une difficulté sérieuse. Dès lors, il décide de surseoir à statuer et de transmettre à la CJUE une question préjudicielle.

Ainsi, le Conseil d’Etat permet à l’ensemble de la filière éolienne de voir s’éloigner de plusieurs mois le spectre de l’annulation des tarifs d’achat de l’électricité produite.