Comme dit dans la précédente partie, la préservation de la ressource hydrique est d’une importance capitale dans un contexte de multiplication des vagues de chaleurs et de sécheresses, et pourrait constituer l’un des enjeux et défis majeurs des années à venir. Les fortes vagues de chaleur qu'ont connues la France ces derniers mois, notamment à cause du changement climatique, obligent les autorités à prendre en compte ces nouveaux “risques climatiques” dans la politique industrielle. Les installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE) sont consommatrices de grande quantité d’eau dans leur process, et se trouvent confrontées à des défis juridiques de plus en plus pressants en raison de l'augmentation des périodes de sécheresse. Cette seconde partie de la chronique s’intéresse à clarifier les conditions de réutilisations des eaux usées traitées, suite aux modifications apportées par le législateur le mois dernier et codifiant ces dernières pour la première fois au sein du code de l’environnement.

Le nouveau décret du 29 août 2023 relatif aux usages et aux conditions d'utilisation des eaux de pluie et des eaux usées traitées est venu inscrire une « section 8 Usages et conditions d'utilisation des eaux de pluie et des eaux usées traitées » - Art. R. 211-123 (nouveau) à Art. R. 211-137 (nouveau) du code de l’Environnement et abrogeant le décret n° 2022-336 du 10 mars 2022.

Nous verrons d’abord I) le champs d’application, puis II) la procédure de réutilisation des eaux usées traitées

I) le champs d’application,

Il faut distinguer :

- L’utilisation des eaux de pluies :
Elle est possible sans procédure d'autorisation . Elles se définissent comme celles issues des précipitations atmosphériques collectées à l'aval de surfaces inaccessibles aux personnes en dehors des opérations d'entretien et de maintenance .

- L’utilisation des eaux usées traitées :
Elle est soumise à une procédure d’autorisation (définie à la sous-section 2 du décret - voir La procédure d’autorisation pour les eaux usées traitées de la note), le cas échéant après avoir reçu un traitement complémentaire. Ce sont celles issues :
> des installations soumises à la réglementation sur les ICPE (sauf celles issues d'une installation de traitement reliée à un établissement de collecte, d'entreposage, de manipulation après collecte ou de transformation des sous-produits animaux , à moins que ces eaux usées aient été préalablement traitées thermiquement à 133°C pendant 20 minutes sous une pression de trois bars.)
> des installations soumises à la réglementation sur les IOTA , dont la charge brute de pollution organique est supérieure à 1,2 kg de demande biologique en oxygène sur cinq jours (DBO5) par jour et dont les niveaux de traitement fixés par l'arrêté d'autorisation ou de prescriptions particulières sont respectés. Lorsqu'il est envisagé d'utiliser des eaux usées traitées à des fins agronomiques ou agricoles, seules ces dernières peuvent être autorisées .
Il existe également des réglementations spécifiques avec des dispositions propres pour les usages domestiques, les entreprises alimentaires, les usages dans une ICPE tels qu’ils sont réglementés par un AP…

Il faut aussi ajouter des exclusions d’utilisations selon les lieux (locaux à usage d’habitation, établissement de santé, établissement recevant du public pendant les heures d’ouvertures au public etc.) ou de l’usage (Alimentaire, hygiène du corps, arrosage des espaces vert etc.)

II) La procédure de réutilisation des eaux usées traitées

Sur le plan procédural, il faut déposer une demande d’autorisation auprès du préfet du département où les eaux usées traitées sont produites et l’accompagner d’un dossier justifiant de l'intérêt du projet par rapport aux enjeux environnementaux, et enfin démontrer sa compatibilité avec la protection de la santé humaine, animale et environnementale. Lorsque le dossier de demande d'autorisation est complet, un accusé de réception est transmis au demandeur. Si l'instruction fait apparaître que le dossier n'est pas complet ou ne comporte pas les éléments suffisants pour apprécier le bien-fondé de la demande, le préfet invite l'auteur de la demande à le compléter dans le délai qu'il fixe.

Le dossier complet est transmis pour avis du CODERST et de l’ARS, à moins que le projet respecte les exigences minimales de qualité ou les prescriptions générales permettant d'atteindre un niveau de protection équivalent définies par arrêté conjoint du ministre chargé de l'environnement et du ministre chargé de la santé. Dans un tel cas l’avis du CODERST et de l’ARS ne sont pas requis. Cette disparition de nécessité d’un avis conforme de l’ARS est l’une des nouveautés majeures.

Une fois le dossier déposé et la demande instruite, après avis du CODERST et de l’ARS , le préfet donnera sa réponse :
-Décision de refus explicite ou implicite en cas d’absence de réponse de la part du préfet au bout de 6 mois à compter de la date de l'accusé de réception. Ce délai est augmenté de deux mois lorsque l’ANSES est saisie.
-Décision d’acceptation, dans ce cas, le préfet prendra un arrêté d’autorisation qui indique la qualité sanitaire des eaux usées traitées à respecter pour les usages autorisés, et fixe les obligations incombant aux parties prenantes, notamment les prescriptions techniques à respecter.

Enfin une fois l’autorisation accordée des mesures de surveillances post-utilisation seront à réaliser tel qu’un bilan tous les 5 ans, ou dans le délai prévu par l'arrêté préfectoral d'autorisation , qui présente de façon qualitative et quantitative les impacts sanitaires et environnementaux ainsi qu'une évaluation économique du projet mis en œuvre. Ce bilan est adressé au préfet, qui le transmet au CODERST afin que celui-ci rende, dans les trois mois suivant sa réception, un avis sur les résultats et l'intérêt du projet réalisé.

A savoir, que le non respect des prescriptions de l'arrêté préfectoral d'autorisation peut mener à des mesures de suspensions et/ou à des sanctions