
L’élection du nouveau Président de la République : analyse du programme socialiste en matière environnementale
Par Romain PLATEL-PARIS
Juriste en charge de l'environnement, securite, qualite et Marketing
PSA
Posté le: 11/05/2012 19:54
L’élection du nouveau Président de la République : l’environnement au cœur de l’action du futur gouvernement ou nouvelle victime de la « crise » ?
Durant une campagne électorale plus portée sur les attaques personnelles que sur les sujets de fond, la question environnementale n’aura pas été au centre des débats. Les sujets choisis, lors de la confrontation télévisée d’entre-deux tours opposant les deux candidats restants, qui, entre emploi, réduction des déficits ou immigration, n’auront permis, entre autres, que d’aborder brièvement le sort de la centrale nucléaire de Fessenheim en Alsace, témoignent ainsi de la priorité accordée à l’écologie dans un contexte de crise économique mondiale.
Néanmoins, la question environnementale n’est pas absente, loin s’en faut, du Projet Socialiste pour lequel M. François HOLLANDE a été élu en tant que Président de la République et ressort régulièrement à sa lecture. Le fondement de son action sera, comme il a pu le souligner lors de ses diverses interventions dans les médias, d’assurer la « transition écologique » de la société française en associant « préservation écologique » et « relance économique ».
Quelles sont donc les mesures prévues par le nouveau Président destinées à réaliser cette « transition écologique » et constitueront-elles une réelle avancée par rapport à l’action du précédent locataire de l’Elysée ?
Le chapitre 1.2 du Projet Socialiste pour 2012 « Porter la France et l’Europe en tête de l’économie verte et de la lutte contre le changement climatique » concentre la plupart des mesures en faveur de l’environnement.
Tout d’abord, le nouveau Président prévoit de « miser sur l’éco-conception » afin d’encourager les entreprises à penser leurs produits de telle manière à ce qu’ils aient l’impact le moins important sur l’environnement. Cette volonté se basera sur le principe de l’éco-conditionnalité des aides aux entreprises à savoir que, seules celles qui se montreront les plus innovantes ou vertueuses en matière d’écologie recevront certaines aides telles que des allégements de cotisations sociales ou des soutiens financiers. Cette éco-conception passera également par le développement de « l’éco-labellisation » et de « l’éco-certification des produits et procédés industriels ». Si cette idée d’« éco-conception » semble intéressante dans la mesure où elle pourra encourager effectivement les entreprises à considérer à la source l’impact de leur produit ou de leur activité, il n’en demeure pas moins que les critères d’appréciation du caractère « écologique » du produit ou du service visé, et donc les critères de versement des aides, restent à déterminer. Sans ces précisions, difficile d’estimer la portée de cette mesure ou ses conditions d’application. S’appliquera-t-elle par exemple aux entreprises développant leur produit « écologique » en France mais le fabriquant à l’étranger ? De plus, étant donnée l’offre existante au niveau européen et mondial en matière d’éco-label et d’éco-certification, est-ce vraiment au niveau national qu’il convient d’intervenir sur le sujet ?
Le Projet prévoit également diverses mesures relatives aux énergies renouvelables ainsi qu’aux économies d’énergie afin de « réussir la transition écologique » et de « garantir l’indépendance et la sécurité énergétique de la France, donc de sortir de la dépendance au pétrole et au nucléaire. Ainsi, il propose, afin d’économiser l’énergie, une contribution climat-énergie qui sanctionnera fiscalement les énergies les plus polluantes, une taxation des groupes pétroliers, de rendre la TVA éco-modulable, à savoir réduite sur les produits les moins polluants et supérieure sur les plus polluants, et de mettre en place une nouvelle tarification sur l’eau et l’énergie indexée sur l’utilisation et la consommation. Les modalités d’application de ces mesures demeurent une nouvelle fois floues. Il s’agira ici d’équilibrer les deux intérêts que sont l’environnement et le pouvoir d’achat des ménages. Si un gel des prix du carburant et la mise en place d’une « TIPP flottante » tendra à favoriser le pouvoir d’achat, elle aura pour effet, en maintenant les tarifs du carburant à un niveau relativement bas, de ne pas inciter le conducteur à modérer sa consommation, négligeant par la même l’intérêt environnemental. L’amélioration des transports en commun, le développement d’offres de covoiturage ou des aides encourageant le renouvellement du parc automobile constitueraient des propositions plus « durables » qu’il s’agirait ici de privilégier. De même, la remise à plat des tarifs de l’eau et de l’énergie devra privilégier la diminution de la consommation sans impacter les ménages, et ce dans un contexte notamment de raréfaction de la ressource en eau.
Nonobstant les mesures précitées, la mise en place d’un plan de rénovation thermique des secteurs tertiaires et résidentiels, accompagné du développement de pratiques de sobriété énergétique dans les aménagements et l’introduction notamment de critères environnementaux dans les marchés publics, constitue à première vue la mesure la plus notable et efficace en matière d’économie massive d’énergie et ce, bien que son financement par le biais d’un fonds national de l’efficacité énergétique demeure discutable.
Accompagnant ces économies d’énergie, la transition énergétique, annoncée par le Projet socialiste, se fera par l’augmentation de la part des énergies renouvelables dans la production d’électricité en France, en encourageant dès lors la diversification des sources (solaire, hydraulique, géothermique, éolien,…etc) et en prévoyant la fermeture, raisonnée et étalée dans le temps, de certains réacteurs nucléaires. Ces mesures, particulièrement médiatisées, se devront néanmoins d’être, d’une part, appliquées rapidement afin d’éviter les tergiversations habituelles en matière de décision d’investissement afin de pallier, le moment venu, au problème du parc nucléaire vieillissant, et d’autre part, maintenues sur le long terme afin d’éviter le « faux-départ » qu’a connu notamment la filière du photovoltaïque après la suspension des aides liées aux implantations de nouvelles installations et de l’obligation d’achat de l’électricité produite par ce biais.
En matière d’agriculture, le Projet prévoit de rompre avec le modèle actuel en encourageant l’agriculture durable et biologique. De fait, les agriculteurs seront soutenus et accompagnés s’ils « veulent rompre avec l’usage systématique de pesticides et d’engrais, le gaspillage de l’eau et des énergies fossiles ». Cette mesure ne peut qu’être ici saluée. En effet, l’agriculture est la première consommatrice d’eau en France, elle est donc la cible idéale afin de réaliser des économies en la matière. Pour rester dans le domaine de l’eau, sa qualité dans le pays est régulièrement remise en cause que ce soit par le consommateur, les associations de protection de l’environnement ou la Commission européenne pour sa teneur trop importante en résidus issus de l’agriculture. Diminuer l’utilisation de pesticides et engrais permettrait non seulement d’éviter le phénomène d’eutrophisation que connaissent entre autres nos côtes mais également d’améliorer la qualité de l’eau brute et de l’eau distribuée de même que d’alléger la charge financière liée à l’épuration. Le Projet socialiste prévoit ainsi, en la matière, que soit votée une loi cadre sur le service public de l’eau qui renforcera le rôle des communes relativement à la protection, la production et la distribution de l’eau, créera une Agence publique d’expertise et d’étude, réaffirmera le rôle des Agences de l’eau et multipliera le nombre de contrôles afin de lutter contre les pollutions. Par ailleurs, point particulièrement positif et qui mérite d’être souligné, sera créée une police unique de l’environnement, rattachée au Ministère de l’Ecologie, qui unifiera l’ensemble des différentes polices actuelles. Cette police unique permettra ainsi de rendre le droit de l’eau plus lisible, efficace et opérationnel.
Sur le plan de la pêche, le Projet entend créer un Ministère de la Mer, de nouvelles zones protégées, privilégier la pêche artisanale et, sur le plan européen, la question des ressources marines ne pouvant se traiter au niveau national uniquement, refonder la politique en matière de pêche. Le but poursuivi par cette refonte sera de conditionner l’accès à « la ressource et aux aides publiques à une série de critères portant sur les pratiques de pêcherie », critères liés à des exigences de développement durable. Seront ainsi considérées comme critères l’impact environnemental, la consommation de carburant ou encore le rejet de CO2. Ces diverses mesures n’appuient néanmoins pas suffisamment sur la nécessaire préservation des ressources marines en voie de raréfaction.
S’il est un point sur lequel le Projet socialiste pour 2012 n’apporte pas de réponse claire sur les intentions du Président nouvellement élu, c’est bien celui de la préservation de la biodiversité et de la restauration du patrimoine naturel. Ainsi, s’il affirme une volonté de « préserver, protéger et valoriser le patrimoine naturel », cette volonté ne se traduit pas moins qu’en un faible nombre de mesures concrètes. Le Projet prévoit, de fait, que les sanctions pénales en cas d’infractions au Code de l’environnement seront durcies, vaste chantier s’il en est, sans en expliciter la nature. Pourquoi ne pas prévoir une réforme relativement à l’effectivité du droit pénal de l’environnement ou à l’introduction au sein du Code du préjudice écologique pur ? Le Projet prévoit également d’accroître la surface forestière publique et des inventaires floristiques et faunistiques obligatoires pour les communes de plus de 50 000 habitants.
Sur le plan international enfin, le Projet milite pour l’aboutissement du projet d’Organisation Mondiale de l’Environnement, organisation sous tutelle de l’ONU chargée de la régulation écologique. Le Projet défend également l’inscription à l’OMC de normes fondamentales relatives, entre autres, aux substances et marchandises dangereuses et, en cas d’échec, à augmenter les droits de douane au niveau européen sur les produits ne respectant pas les normes internationales en matière sociale, sanitaire ou environnementale. Sans remettre en cause les mesures précitées qui, malgré leur caractère relativement sensible, restent nécessaires, il reste que globalement le Projet socialiste sur la question environnementale reste centré sur la France en ne s’ouvrant que de façon insuffisante à l’Union Européenne. L’action du nouveau Président sur la question devra donc, comme en matière économique, s’inscrire dans le cadre européen afin de participer autant que faire ce peu à l’harmonisation et l’amélioration de la réglementation en la matière.
En conclusion, il convient de noter que, malgré certains éléments manquants, incomplets et/ou imprécis ainsi qu’une médiatisation du sujet environnemental relativement faible durant la campagne électorale, le Projet socialiste pour 2012 qui fondera, en principe, l’action de M. HOLLANDE durant son quinquennat, prend notablement en compte l’environnement par des mesures aussi variées que globalement positives et équilibrées. A charge pour lui d’apporter l’impulsion nécessaire à l’application de ce programme malgré une situation économique et un déficit poussant nécessairement à la prudence.