Le devoir de vigilance, ou "due diligence," est une obligation légale cruciale imposée à certaines entreprises pour qu'elles prennent des mesures raisonnables afin de détecter, prévenir et remédier aux conséquences négatives de leurs activités sur l'environnement et les droits de l'homme. Cette obligation est au cœur de nombreuses règlementations nationales et internationales visant à promouvoir la responsabilité sociale et environnementale des entreprises. L'interrogation principale porte sur l'efficacité des règlementations sur le devoir de vigilance en France et en Europe pour inciter les entreprises à prendre des mesures efficaces pour prévenir les impacts négatifs sur les droits de l'homme et l'environnement. De plus, il est essentiel de comprendre les implications de ces règlementations sur la responsabilité sociale et environnementale des entreprises.
En France, le devoir de vigilance, issu de la tragédie du Rana Plaza au Bangladesh en 2013, a été instauré par une loi en 2017. Cette loi oblige les entreprises, notamment des géants de la mode comme les Galeries Lafayette, LVMH, Kering, Décathlon et Christian Dior, à identifier, prévenir et atténuer les risques liés aux droits de l'homme et à l'environnement. Cette obligation concerne les entreprises qui emploient un nombre spécifique de salariés en France ou à l'étranger, selon des critères précis définis par l'article L. 225-102-4 du Code du commerce. Les sociétés doivent mettre en place un plan de vigilance effectif et le rendre public, notamment dans leur rapport de gestion. Cette règlementation vise à renforcer la responsabilité sociale et environnementale des entreprises en France.
Le plan de vigilance en France implique plusieurs composantes essentielles, notamment une cartographie des risques sociaux et environnementaux, des évaluations régulières de la chaine de valeur, des mesures d'atténuation des risques, un mécanisme d'alerte, et un suivi des actions mises en œuvre.
De plus, des jugements récents du tribunal de Paris datant du 28 février 2023, concernant le plan de vigilance de TotalEnergies, ont clarifié certains aspects du devoir de vigilance et du rôle du juge. Ils ont confirmé le caractère général de cette obligation légale, mais ont également souligné que les entreprises ont une certaine flexibilité pour définir leurs propres méthodes et règles de conformité, pourvu que les éléments requis par la loi soient inclus dans leur plan de vigilance. Ces jugements ont ainsi apporté des éclaircissements importants sur la mise en œuvre du devoir de vigilance en France.
Ces jugements ont également souligné que les litiges liés au devoir de vigilance relèvent principalement du juge du fond plutôt que du juge des référés. Le juge se penche sur l'existence d'un plan de vigilance sans évaluer la pertinence de son contenu. Il intervient lorsque l'entreprise n'a pas établi de plan ou lorsque le plan est sommaire à un point où il équivaut à une absence de plan.
L'Union européenne se prépare à renforcer les obligations en matière de devoir de vigilance avec la proposition de directive sur le Corporate Sustainability Due Diligence (CSDD), adoptée en février 2022. Cette directive étendra les obligations aux entreprises européennes et étrangères opérant dans l'UE, employant 500 personnes ou plus, avec un chiffre d'affaires d'au moins 150 millions d'euros. Les secteurs à haut risque nécessiteront également la conformité pour les entreprises comptant au moins 250 employés et réalisant un chiffre d'affaires de 40 millions d'euros.
Les entreprises visées devront mettre en œuvre un plan de vigilance obligatoire comprenant des mesures pour prévenir, atténuer et remédier aux impacts sociaux et environnementaux négatifs. Des sanctions financières seront appliquées en cas de non-respect des obligations.
En attendant l'adoption des nouvelles règlementations, les entreprises de mode ont tout intérêt à mettre en place des mesures volontaires dès aujourd'hui. Cela comprend la révision de la gestion des risques sociaux et environnementaux de leur chaîne d'approvisionnement, l'amélioration des pratiques organisationnelles, la conception de produits innovants, l'accent sur la sécurité et la santé des travailleurs, l'efficacité opérationnelle et la transparence. Ces mesures renforcent la réputation des entreprises, répondent aux attentes des consommateurs, favorisent la durabilité et peuvent ouvrir la voie à des financements et à une communication responsable.
Le devoir de vigilance est en pleine évolution en France, en Europe et à l'international. Les entreprises doivent rester attentives aux nouvelles règlementations et prendre des mesures proactives pour se conformer aux exigences croissantes en matière de responsabilité sociale et environnementale. La transparence et la durabilité sont les clés pour forger un avenir où les entreprises jouent un rôle positif dans la société et préservent l'environnement.