I. Le contexte

Le secteur de l’énergie français se retrouve fragilisé par la guerre en Ukraine. Cela se manifeste par une hausse des prix de l’électricité, du gaz et du pétrole. Pour y faire face, la France a décidé d’accélérer sa transition énergétique. Plusieurs mesures ont été prises pour sortir de la dépendance de la France des énergies russes : La révision du principe du coût marginal régissant le marché européen de l'électricité ; la décarbonisation du gaz à travers le biogaz ; le déploiement des EnR ; ou encore la diversification de l’approvisionnement en gaz.

Ce dernier objectif vise à pallier la suspension du gazoduc Nord Stream 2 et accélérer la mise en service de terminaux méthaniers pouvant permettre des importations de gaz naturel liquéfié (GNL). Pour ce faire, le gouvernement a retenu la proposition de mettre en place un nouveau point d’importation de GNL sur les côtes françaises et plus précisément dans le port du Havre à travers l’utilisation d’une unité flottante de regazéification ou navire FSRU (Floating storage and Regasification Unit).

II. Les enjeux du projet

Le navire Cap Ann de type FSRU de Totalenergies est arrivé dans le port du Havre (Seine maritime) ce lundi 18 septembre 2023. Celui-ci sera amarré au quai Bougainville Sud au port en continuité avec l’actuel terminal roulier d’Haropa et y restera pour une durée d’exploitation de 5ans. C’est TotalEnergies qui installe le FSRU et en assure l’opération, pendant que GRTgaz assure la construction et l’opération de la canalisation de raccordement au réseau de transport gaz. Avec le terminal méthanier du Havre, il y’a désormais cinq terminaux portuaires d’importation de GNL en France : deux à Fos-sur-Mer, un à Montoir de Bretagne, un à Dunkerque et un au Havre.

L’usage d’un terminal flottant permet d’anticiper et d’atténuer une forte baisse ou rupture de fourniture de gaz. Il fonctionnera grâce à l’importation du GNL des Etats Unies et de l’Afrique. Des méthaniers viendront décharger leur gaz naturel liquéfié sur ce navire FSUR qui sera ensuite transformé sur place pour être reconduit dans les canalisations de gaz domestique. Le navire permettra jusqu’à cinq milliards de m3 de gaz par an dans le réseau national soit 60% du gaz russe importé en 2021 et 10% de la consommation annuelle française.

III. L’impact environnemental

Le port du Havre a été retenu pour ce projet d’une part parce que c’était le seul emplacement disposant d’un réseau significatif de transport avec la capacité d’acheminement disponible. D’autre part, à l’issu d’une évaluation des impacts environnementaux, sociétal et de risques technologiques du projet, Bougainville Sud a été identifié comme le site sur lequel ces impacts sont les plus faibles et seront aussi sans incidence notable pour l’environnement. En effet, ce qui ressort du communiqué la préfecture de Seine-Maritime : « les caractéristiques du port du Havre font de cet emplacement le seul en France disposant d’un réseau significatif de transport avec la capacité d’acheminement disponible ».

Elle précise par ailleurs que le port du Havre a été choisi car « il satisfait les critères de réussite de ce projet : des infrastructures à la bonne taille, des disponibilités pour accueillir le FSRU et les méthaniers qui viendront l’alimenter, des ressources et un savoir-faire opérationnel reconnus, et une proximité avec le réseau national de transport de gaz permettant un raccordement rapide du terminal au réseau. TotalEnergies va ainsi participer à l’augmentation des capacités d’importation de gaz non russe du pays, de concert avec GRTgaz et Haropa ».(extraits du communiqué de la préfecture de Seine maritime)

IV. Le contentieux

Depuis l’annonce du projet jusqu’à ce jour, le SFRU a fait l’objet de plusieurs recours par les associations écologiques. En juillet, le tribunal administratif de Rouen a rejeté 3 recours déposé par les associations Europe Écologie-Les Verts (EELV) et France Nature Environnement (FNE). Le tribunal a estimé que « l’amarrage et l’exploitation d’un terminal méthanier flottant […] ne sont pas constitutifs d’un « projet » au sens du code de l’environnement dans la mesure où ils n’emportent aucune modification physique du paysage ».

Le quatrième recours date du 28 août 2023, les associations ont saisi le juge des référés au motif que "juge du fond ne pourra pas utilement se prononcer avant l'entrée en service de l'installation, prévue le 15 septembre 2023" alors que "les dommages susceptibles d'être causés à l'environnement par l'exécution de l'arrêté sont irréversibles. Le juge des référés à rejeter ce recours en estimant qu « aucun des moyens invoqués à l’encontre de l’arrêté en litige n’est manifestement de nature à créer un doute sérieux sur la légalité de l’arrêté du préfet de la Seine-Maritime ».

En somme, si pour certains le SFRU est nécessaire pour faire sortir de France de sa dépendance du gaz russe, d’autres estiment qu’il va à l’encontre de la transition écologique en raison de l’empreinte carbone du GNL qui est composé de méthane et souvent issu de la fracturation hydraulique (fracking), est 2,5 fois plus élevée que le gaz naturel classique.

En tout état de cause, le recours aux terminaux méthanier a été consacré par la loi OI n° 2022-1158 du 16 août 2022 portant mesures d'urgence pour la protection du pouvoir d'achat pour les besoins de la sécurisation de l’approvisionnement du pays en gaz. Cette loi prévoit, pour une meilleure articulation de tels projets avec la protection de l’environnement, la réalisation d’une étude sur les impacts environnementaux associés à l'exploitation du terminal méthanier flottant notamment en termes d'émissions de gaz à effet de serre directes et indirectes, d'atteintes à la biodiversité et de consommation d'eau et d'autres ressources naturelles (Article 30).