Le décret n° 2023-375 du 16 mai 2023 relatif à la lutte contre les nuisances sonores aéroportuaires sur le territoire Français, désigne désormais le préfet de département dont le territoire abrite un aérodrome comme l’autorité compétente, chargée de la procédure visant à formuler d’éventuelles restrictions d'exploitation en matière de bruit dans les aéroports. Jusqu’à la publication de ce décret, cette compétence était réservée à la direction générale de l'aviation civile (DGAC). Nul ne doute que « ce réajustement réglementaire », s’inscrit dans une double vision. Primo, il s’agit d’établir une cohérence du droit national d’avec l’article 3 du règlement (UE) n°598/2014 du parlement européen et du conseil du 16 avril 2014 relatif à l’établissement de règles et de procédures concernant l’introduction de restrictions d’exploitation liées au bruit dans les aéroports de l’Union, dans le cadre d’une approche équilibrée, et abrogeant la directive 2002/30/CE. Secundo, ce décret concrétise assurément les conséquences de l'arrêt du Conseil d’État du 5 avril 2022, (Union Française Contre les Nuisances des Aéronefs (UFCNA) et autres req °454440). Dans cette décision, la Haute Juridiction avait remis en cause le rôle de la direction générale de l'aviation civile (DGAC) dans la conduite des études d'impact selon l'approche équilibrée préalables à l'adoption de toute restriction d'exploitation liée au bruit sur les principaux aérodromes français. La partialité de la DGAC posait donc des problèmes, notamment la participation de l’État au capital de plusieurs aéroports. Mais avant de développer les innovations apportées par ce décret, visitons brièvement l’évolution du cadre juridique applicable en matière du bruit généré dans les aéroports en France.

Un peu d’histoire à propos de la réglementation du bruit des aéronefs.

Après avoir constaté que le bruit est l’un des principaux problèmes d’environnement qui se pose en Europe, la commission européenne a émis en 1996 plusieurs recommandations dans un « Livre Vert », sur la future politique communautaire du bruit. En 1997, le Parlement européen approuvait les orientations proposées par ce livre vert et proposait l’élaboration d’une directive-cadre. Le 25 juin 2002, le Parlement et le Conseil européens adoptaient la directive européenne n° 2002/49/CE relative à l’évaluation et à la gestion du bruit dans l’environnement qui définit une approche commune visant à éviter, prévenir ou réduire les effets nuisibles de l’exposition au bruit dans l’environnement. La transposition en droit français de cette directive prévoit l’établissement de cartes stratégiques de bruit pour les aérodromes dont le trafic annuel dépasse 50 000 mouvements, à l’exception des activités militaires et des mouvements effectués exclusivement à des fins d’entraînement sur des avions légers. Ces cartes de bruit servent de base à l’élaboration de plans de prévention du bruit dans l’environnement (PPBE), qui consistent à établir une planification des mesures de lutte contre le bruit. Le règlement (UE) n° 598/2014 du parlement européen et du conseil du 16 avril 2014 relatif à l’établissement de règles et de procédures concernant l’introduction de restrictions d’exploitation liées au bruit dans les aéroports de l’Union, dans le cadre d’une approche équilibrée, abroge la directive 2002/30/CE. Au sens de l'article 3-1 à 2 du règlement UE n°598/2014 « Un État membre dans lequel est situé un aéroport visé à l’article 2-2, désigne une ou plusieurs autorités compétentes chargées de la procédure à suivre lors de l’adoption des restrictions d’exploitation, les autorités compétentes sont indépendantes de toute organisation qui pourrait être concernée par des mesures liées au bruit. Cette indépendance peut être assurée par une séparation fonctionnelle. ».

La consistance du décret n° 2023-375 du 16 mai 2023 relatif à la lutte contre les nuisances sonores aéroportuaires sur le territoire Français.

Le décret a pour objet, d’une part, de désigner les autorités compétentes chargées de la procédure d’adoption des restrictions d’exploitation liées au bruit et, d’autre part, de rendre autonome le plan de prévention du bruit dans l’environnement par rapport au plan d’exposition au bruit. Les créations de ce décret ont été clairement annoncé par le ministre de la Transition écologique et de la cohésion des territoires, lors du conseil de ministres. En effet, Christophe Béchu précisait d’amblé : qu’« en cohérence avec les compétences qui leur sont déjà dévolues en matière de nuisances sonores aéroportuaires, certains préfets seront désormais appelés à conduire la procédure préalable à l'adoption de restrictions d'exploitation liées au bruit pour les douze aérodromes mentionnés à l'article L.6360-1 du code des transports ».
Ainsi, le décret du 16 mai 2023 modifie le code de l’aviation civile comme suit :
« Art. 1er. – Le code de l’aviation civile est ainsi modifié : l’article R. 227-8, devient l’article R.* 227-8 », et sa nouvelle formulation est la suivante : « Art. R.* 227-8. – L’adoption de restrictions d’exploitation sur les aérodromes visés à l’article L. 6360-1 du code des transports, au sens du point 6 de l’article 2 du règlement (UE) n° 598/2014 du Parlement européen et du conseil du 17 mai 2023 publié au journal officiel de la république française texte 24 sur 96 Conseil du 16 avril 2014 relative à l’établissement de règles et de procédures concernant l’introduction de restrictions d’exploitation liées au bruit dans les aéroports de l’Union dans le cadre d’une approche équilibrée et abrogeant la directive 2002/30/CE, est précédée d’une évaluation dite “étude d’impact selon l’approche équilibrée” conduite conformément aux dispositions du point 2 de l’article 6 du règlement précité, sous l’autorité du préfet Coordonnateur mentionné à l’article R. 571-68 du code de l’environnement. ». Après l’article R.* 227-8, il est inséré un article R. 227-8-1 ainsi rédigé : « Art. R. 227-8-1. – Lors de l’évaluation mentionnée à l’article R.* 227-8, le préfet procède à la consultation des parties intéressées relevant des catégories mentionnées au (d) du point 2 de l’article 6 du règlement (UE) N°598/2014, Il rend public par voie électronique un résumé non technique de l’étude d’impact selon l’approche équilibrée ainsi que les conclusions de l’étude ». Avec ce nouveau décret, à l'issue de ce processus d'évaluation et de consultation des différentes parties prenantes, des restrictions d'exploitation pourront être imposées par arrêté conjoint du ministre chargé de l'environnement et du ministre chargé de l'aviation civile. Autre innovation ce décret est qu’il vise à rendre "plus lisibles" et à droit constant les dispositions réglementaires relatives à l'établissement des cartes stratégiques de bruit et des plans de prévention du bruit dans l'environnement (PPBE) des principales plateformes aéroportuaires, en supprimant notamment leur annexion aux plans d'exposition au bruit (PEB).
Cette modification du droit existant s’est opérée par p l’abrogation de L’article R. 112-5 du code de l’urbanisme. Selon cet article devenu désormais caduque : « afin d'évaluer, de prévenir et de réduire le bruit émis dans l'environnement, les données, objectifs et mesures constitutifs des cartes de bruit et du plan de prévention du bruit dans l'environnement prévus par les articles R. 572-4, R. 572-5, R. 572-6, R. 572-6-1 et R. 572-6-2 et R. 572-8 du code de l'environnement sont établis pour les aérodromes civils dont le trafic annuel est supérieur à 50 000 mouvements, hors les mouvements effectués exclusivement à des fins d'entraînement sur des avions légers. La liste de ces aérodromes est fixée par arrêté conjoint des ministres chargés respectivement de l'environnement, des transports et de l'équipement. Ces données, objectifs et mesures constitutifs des cartes de bruit et du plan de prévention du bruit dans l'environnement sont :
1° Elaborés, soit à l'occasion de la révision du plan d'exposition au bruit, soit indépendamment de celle-ci dans les conditions prévues par les articles R. 572-9 à R. 572-11 du code de l'environnement ; 2° Annexés au rapport de présentation du plan d'exposition au bruit de l'aérodrome ; 3° Réexaminés en cas d'évolution significative des niveaux de bruit identifiés et, en tout état de cause, au moins tous les cinq ans ; 4° Après leur réexamen et s'il y a lieu, actualisés selon l'une ou l'autre des procédures prévues pour leur établissement au 1° ».