La France se bat pour introduire l'hydrogène bas-carbone, produit à partir de nucléaire, dans la directive européenne 2009/28/CE, relative à la promotion de l’utilisation de l’énergie produite à partir de sources renouvelables dite « directive européenne sur les énergies renouvelables ». Mais plusieurs pays, dont l'Allemagne et l'Espagne s’opposent à cette initiative. Les travaux préparatoires de la Commission européenne ont annoncé l’idées de reconnaître que le mix décarboné d'un pays pouvait être un critère déterminant dans la comptabilisation d'hydrogène renouvelable. Cette déclaration constitue une victoire qui marque une première étape. Pour l'instant, les négociations autour de la directive énergies renouvelables se poursuivent.
Notons que Paris défend la prise en compte d’un hydrogène bas-carbone, produit à partir d’électricité nucléaire, et pas uniquement à partir d'électricité renouvelable, dans la directive révisée sur les énergies renouvelables.
C’est une guerre larvée qui se joue depuis plusieurs mois à Bruxelles. La France tente d’imposer le nucléaire dans la directive révisée sur les énergies renouvelables (RED 3), dont l’objectif est de doubler leur part dans le mix énergétique européen d’ici 2030. Le projet de texte de la directive comprend une partie sur les transports qui inclut l’hydrogène parmi les carburants renouvelables avec des objectifs de consommation ambitieux. Dans le détail, Paris défend la prise en compte d’un hydrogène bas-carbone, produit à partir d’électricité nucléaire, et pas uniquement à partir d'électricité renouvelable, au risque sinon de ne pas atteindre ces objectifs.
Cependant, plusieurs pays dont l’Allemagne et l’Espagne en tête, s’y opposent malgré des déclarations favorables à l’hydrogène bas-carbone lors de sommets bilatéraux avec la France ces derniers temps . "Interdire à la France d’utiliser le nucléaire pour produire de l’hydrogène bas-carbone, alors que c’est une énergie qui émet moins de carbone que le photovoltaïque ou l’éolien est une position climaticide et absurde. C’est tout à fait contraire à nos objectifs de décarbonation", a réagi la ministre française de la Transition énergétique Agnès Pannier-Runacher lors d’une réunion préparatoire presse. Ce bras de fer diplomatique remet plus que jamais la question de définition des sources d’énergies dites renouvelables et celles qui ne le sont pas. En toute état de cause la prise de position de la Commission européenne vendredi 10 février 2023 en disait plus.
En effet, deux ans de retard et après de multiples pressions de la part des États européens, la Commission a publié deux actes délégués très attendus, qui reconnaissent notamment que, dans un mix largement décarboné comme c'est le cas de la France, la production d'hydrogène peut être comptabilisée dans les objectifs d'hydrogène renouvelable jusqu'à un certain seuil et sous certaines conditions. Cela peut paraître anecdotique mais c'est en réalité une première victoire pour la France.
"Le travail de conviction que j’ai porté auprès de mes collègues européens a porté ses fruits et je remercie les parlementaires européens qui se sont également mobilisés. La publication de ces actes délégués reconnaît les efforts de décarbonation réalisés par la France. Il faut maintenant appliquer cette logique à nos objectifs d'hydrogène renouvelable dans la directive RED3. C'est un point dur pour la France et pour ses partenaires et nous n'y sommes pas encore", a déclaré Agnès Pannier-Runacher.
Quoiqu’il en soit les actes délégués de la Commission européenne ne mettent en effet pas fin aux négociations sur la directive énergies renouvelables. "Ces négociations sont toujours bloquées et nous restons extrêmement préoccupés car les objectifs définis actuellement ne prennent pas en compte le mix décarboné comme nous le demandons. C’est pourtant une mesure de bon sens", insiste le cabinet de la ministre. C’est donc dire qu’il existe sans équivoque un risque de blocage de l’adoption du texte.
Le 1er février 2023, la France et huit autres États-membres à savoir la Roumanie, la Bulgarie, la Pologne, la Slovénie, la Croatie, la Slovaquie, la Hongrie et la République tchèque avaient envoyé une lettre à la Commission européenne lui demandant de proposer un amendement au projet de directive pour intégrer l’hydrogène bas-carbone dans les objectifs d’hydrogène renouvelable de l’UE. Ces pays pourraient constituer une minorité en ce qui concerne l’adoption de la directive sur l’énergies renouvelables, pourtant indispensable à la décarbonation de l’industrie. La ministre Agnès Pannier-Runacher confirme l’existence des divergences des points de vue en ces termes :"Ce risque existe"(..) "Nous ne disons pas que le nucléaire est une énergie renouvelable mais nous demandons que l’électricité bas-carbone soit reconnue. Nous avons investi depuis des années dessus, nous sommes l’un des pays les plus décarbonés de l’Union européenne, nous ne pouvons pas être sanctionnés pour cela".
De plus, le dossier rappelle un autre bras de fer remporté par la France sur le nucléaire – et par l’Allemagne sur le gaz fossile. Il s'agissait d’intégrer ces deux énergies dans la taxonomie européenne, une classification des activités économiques ayant un impact favorable sur l'environnement. Greenpeace avait d'ailleurs annoncé qu’elle allait poursuivre la Commission européenne devant la Cour de justice de l’Union européenne sur ce sujet. Un scénario qui pourrait se répéter sur la directive énergies renouvelables.
En somme, toutes ces gymnastiques juridico-diplomatique nous invitent à réfléchir ; à l’épineuse question qui est de définir les critères de classification des sources d’énergies dans le tableau bipartite regroupant d’un côté les énergies dites renouvelables et de l’autre coté celles qui ne le sont pas. Attendons de voir la position officielle de l’union Européenne à travers la version révisée de la directive sur les énergies renouvelables à venir.