La responsabilité en matière de santé
La responsabilité personnelle dans le domaine de la santé a des incidences à la fois sur les systèmes de santé et la santé publique(dimension collective), ainsi que sur ce qu’une personne est censée faire pour rester en bonne santé et sur les limites (éventuelles) de la couverture des dépenses de santé qui pourraient (éventuellement) en découler (dimension individuelle). Le rapport du CIB analyse quelques-unes de ces questions du double point de vue éthique et juridique, et indique les orientations qui permettent à l’individu de prendre des responsabilités.
I- L’extension de la responsabilité individuelle liée à l’évolution des soins et de la technologie dans le domaine de la santé

Jusqu’à présent, l’organisation des soins et des recherches liées à la santé dépendait dans une très large mesure de l’avis des responsables politiques, des professionnels et des experts scientifiques. Aujourd’hui, le CIB constate un certain nombre d’évolutions en la matière qui, dans certains pays au moins, tendent à faire peser une plus grande responsabilité sur les consommateurs, publics et patients, tantôt à l’échelon individuel, tantôt à l’échelon collectif. Quelques-unes de ces évolutions sont présentées ci-après.
De nombreux êtres humains vivent à l’ère de la technologie. La technologie est partout, dans la façon dont sont fabriquées les maisons, dont sont construites les villes, dont les gouvernements sont constitués et, naturellement aussi, dont les prestations de santé sont délivrées. L’introduction de nouvelles technologies va toujours de pair avec une extension de la responsabilité de l’individu. Dans le passé, l’infertilité devait être acceptée. À présent, on peut décider de recourir à la procréation médicalement assistée (PMA) si l’on veut avoir un enfant(voir également le Rapport du CIB sur la PMA et les nouvelles parentalités). Autrefois, la naissance d’un enfant était un événement qui survenait; aujourd’hui (ou dans un proche avenir), il est (ou sera)possible d’apprendre l’existence de cet enfant grâce à une échographie (ou à un test génétique après un test prénatal non invasif) et il faut (ou faudra) décider de poursuivre ou non la grossesse. Autrefois, le médecin disait simplement au patient qu’il avait une maladie mortelle, ce qui signifiait qu’il n’y avait pas d’option; aujourd’hui, le patient doit faire des choix en ce qui concerne la réanimation ou le recours à une chimiothérapie invasive. Les exemples sont innombrables. Le mécanisme est toujours le même: la technologie crée des possibilités nouvelles qui, lorsqu’elles sont disponibles, obligent l’individu à prendre des décisions dans des situations où il n’avait auparavant aucune possibilité de choix. Même dans les cas où l’individu n’est pas contraint de choisir entre plusieurs options, il lui faut prendre une décision, car ne pas le faire reviendrait à renoncer à l’intervention qui exige cette décision, de sorte qu’il est malgré tout placé devant un choix. En même temps, l'aspect positif du développement technologique, par exemple la médecine de précision, est l'autonomisation du patient qui peut s'informer sur son état et faire des choix.

II- La responsabilité envers soi-même

La responsabilité qui incombe à l’individu d’être en bonne santé rejoint, selon certains, le «devoir d’essayer d’être en bonne santé»: il incombe à chacun de chercher à se soigner et de prendre soin de soi, ainsi que de prévenir les facteurs de risque de maladies attribuables à des comportements individuels qui peuvent être modifiés. Vue sous cet angle, la santé acquiert la dimension d’une responsabilité collective face à la raréfaction des ressources (en raison du renforcement des exigences en matière de santé sur le plan quantitatif et qualitatif).

Il faut en outre maintenir un service de santé efficace et pérenne, accessible au plus grand nombre possible de citoyens. Il en va de l’intérêt général. Par conséquent, il est indispensable de pouvoir compter sur l’engagement personnel des individus à contribuer, dans la mesure du possible, au maintien de leur état de santé, tout en concourant à la création et au bon fonctionnement d’un système de santé universel.

Cela n’exclut nullement le droit de refuser un traitement, même un traitement chirurgical ou pharmaceutique pouvant sauver la vie, tant que cela concerne la personne elle-même.
Lorsque cela met en danger les autres, le traitement coercitif de patients compétents dans certaines juridictions est légalement accepté en faisant figure d’exception, alors qu’il ne l’est pas dans certaines autres.

Sur le plan éthique, il y a un certain nombre de raisons de s'opposer au traitement coercitif, même si certains l'accepteraient dans des circonstances exceptionnelles pour des raisons de santé publique.