L’ère écologique actuelle a commencé à la fin des années soixante, après que la reconstruction qui a suivi la Seconde Guerre mondiale a mené à un développement économique mondial sans précédent. Ce développement n’était pas équitable, car il accentue les différences de richesse entre les pays des hémisphères Nord et Sud ainsi qu’au sein même des pays. Il nécessitait aussi un usage sans précédent des ressources naturelles exhaustives, telles que l’eau pure, l’air, la faune, la flore et les minéraux.
Aussi, Lorsqu’il est apparu clairement que ces ressources limitées finiraient par ne plus pouvoir satisfaire les différents besoins des pays industrialisés et des pays en voie de développement, l’opinion publique a de plus en plus exigé qu’on agisse pour protéger la quantité et la qualité des composants de l’environnement
Les catastrophes écologiques, telles que les “marées noires” provoquées par le naufrage du pétrolier Torrey Canyon, qui ont touché les côtes françaises, anglaises et belges en 1967, et la prise de conscience des menaces croissantes pesant sur l’environnement, ont incité les gouvernements à agir. Ces efforts se concentrent sur la coopération internationale visant à contrer la pollution de la mer par le pétrole en prenant des mesures de prévention et en établissant des responsabilités. Les Nations unies ont rejoint les actions de 1968 destinées à protéger l’environnement lorsque l’Assemblée générale a convoqué une conférence mondiale sur l’environnement qui devait avoir lieu à Stockholm en 1972. Cette décision a donné lieu à des activités diverses et intenses, particulièrement au sein des organisations intergouvernementales dont le mandat pouvait s’étendre aux problèmes environnementaux. De nombreuses organisations non gouvernementales nationales et internationales luttant pour la protection de l’environnement et différents gouvernements se sont également lancés dans un travail préparatoire considérable. La conférence s’est terminée par l’adoption d’une Déclaration sur l’environnement humain et d’un «Plan d'action contenant 109 recommandations.

Le droit de l’environnement national et international s’est considérablement développé au cours des deux décennies suivant la Conférence de Stockholm. Les Nations unies ont réaffirmé et développé les principes généraux de la Déclaration de Stockholm en 1982 lorsque l’Assemblée générale a adopté la Charte mondiale pour 59 la nature. Quelques principes de droit coutumier concernant les relations environnementales entre les Etats sont également apparus au cours de cette période. Certains d’entre eux ont été adoptés par le Programme des Nations unies pour l’environnement comme faisant partie des «Principes de conduite dans le domaine environnemental pour la guidance des Etats dans le domaine de la conservation et de l’utilisation harmonieuse des ressources naturelles partagées par deux ou plusieurs Etats». Approuvés par le Conseil de gouvernance du PNUE le 19 mai 1978, les Principes sur les ressources partagées ont réitéré le Principe 21 de Stockholm en reconnaissant le droit souverain des Etats d’exploiter leurs propres ressources. A ce droit s’ajoute une obligation de s’assurer que les activités entreprises dans les limites de leur juridiction ou sous leur contrôle ne nuisent pas à l’environnement dans d’autres Etats. Les principes du PNUE ont également exprimé l’obligation pour les Etats de notifier à ces derniers les plans qui risquent d’influencer de façon significative leur environnement, d’entrer en consultation avec eux et de se tenir informés et de coopérer en cas de situations imprévues pouvant nuire à l’environnement. Ces mesures ont également garanti un accès équitable pour les non résidents aux procédures administratives et légales dans l’Etat d’où provient le comportement provoquant un dommage et la non discrimination dans l’application de la législation nationale aux pollueurs, quel que soit l’endroit où se produisent les effets nuisibles. En 1992, les Nations unies ont convoqué une deuxième réunion mondiale, connue sous le nom de Conférence des Nations unies sur l’environnement et le développement (UNCED), qui s'est tenue à Rio de Janeiro du 3 au 14 juin 1992. Deux textes adoptés lors de la UNCED ont une portée générale: la Déclaration sur l’environnement et le développement et un programme d’action appelé Agenda 21. La Déclaration réaffirme la Déclaration de Stockholm de 1972 à laquelle elle cherche à s’ajouter, mais son approche et sa philosophie sont très différentes. Son concept central est le développement durable, qui intègre le développement et la protection de l’environnement. Le Principe 4 est important sous cet aspect: il affirme qu’afin d’appliquer les principes du développement durable, la protection de l’environnement fera intégralement partie du processus de développement et ne pourra pas être considérée séparément de ce développement. L’Agenda 21 est le programme d’action destiné à appliquer les principes du développement durable. A la suite de la Conférence de Rio, presque toutes les principales conventions internationales concernant la coopération multilatérale considèrent la protection de l’environnement comme l’un des objectifs des parties étatiques. Des domaines du droit international qui se sont développés au cours de périodes précédentes ont évolué dans de nouvelles directions parce qu’on a insisté pour qu’elles tiennent compte des considérations environnementales. Le résultat a été l’apparition de normes et de principes environnementaux dans presque toutes les branches du droit international. Dans le même temps, au 60 cours de la décennie suivant la Conférence de Rio, les problèmes environnementaux ont été confrontés à une compétition croissante dans l’ordre du jour international avec la mondialisation économique, avec l’accélération de la libéralisation du commerce et avec les crises de développement des pays pauvres. De plus, il existe énormément de preuves des conséquences désastreuses qu’ont les conflits armés sur l’environnement. Entre le 26 août et le 4 septembre 2002, les représentants de plus de 190 pays se sont réunis à Johannesburg en Afrique du Sud afin de «réaffirmer l’engagement à respecter les Principes de Rio, l’application totale de l’Agenda 21 et le Programme pour une plus grande application de l’Agenda 21». A l'issue de la conférence, les gouvernements participants ont adopté une Déclaration sur le développement durable affirmant leur volonté «d’assumer une responsabilité collective visant à faire progresser et à renforcer les piliers interdépendants du développement durable qui se renforcent mutuellement – le développement économique, le développement social et la protection de l’environnement – aux niveaux local, national, régional et mondial». Ces décennies de développements légaux ont mené à l’apparition des principes de base de la protection de l’environnement qui sont reconnus par le droit national et international. Ils contribuent à identifier les normes légales fondamentales et à combler les vides du droit positif en accordant une valeur importante aux règles qui ne font pas encore partie des instruments légaux formels. Les principes peuvent être fondateurs (égalité et sécurité juridique) ou techniques (proportionnalité). Les principes environnementaux fondamentaux développés au cours des dernières décennies sont discutés ci dessous. On les retrouve dans les lois nationales et ils constituent la base de nombreux jugements environnementaux. Ils influencent la plupart des systèmes légaux bien qu’ils soient appliqués différemment. La plupart d’entre eux sont également incorporés dans le Traité établissant l’Union européenne et la Communauté européenne (articles 6 et 174 CE)

I- LE DÉVELOPPEMENT DURABLE, UNE POLITIQUE INDISPENSABLE A LA PROTECTION DE L’ENVIRONNEMENT

Depuis la fin des années quatre-vingt, le terme développement durable a dominé le droit et la politique dans le domaine de la protection de l’environnement. Ce terme a été défini dans le Rapport de 1987 de la Commission mondiale sur l’environnement et le développement de cette façon: développement qui répond aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures à subvenir à leurs propres besoins. 61 Le Rapport a identifié les objectifs essentiels du développement durable:
• Raviver la croissance, mais changer sa qualité;
• Subvenir aux besoins essentiels en emplois, en nourriture, en énergie, en eau et en hygiène;
• Assurer un niveau viable de population;
• Préserver et renforcer la base des ressources;
• Réorienter la technologie et gérer le risque; et
• Intégrer l’environnement et l’économie dans la prise de
Le développement durable suppose que les politiques de développement devraient viser à l’éradication de la pauvreté, à l’amélioration générale des conditions économiques, sociales et culturelles, à la préservation de la diversité biologique, des processus écologiques essentiels et des systèmes préservant la vie.
De plus, la conservation de l’environnement devrait être considérée comme une partie intégrante de la planification et de l’exercice des activités à toutes les étapes et à tous les niveaux, en accordant une attention totale et égale aux facteurs environnementaux, économiques, sociaux et culturels. A cette fin, les Etats sont appelés à revoir régulièrement les politiques et les plans nationaux dans le domaine de l’environnement et du développement, à promulguer des lois et des règlements efficaces qui utilisent les instruments économiques lorsque c’est approprié et qui établissent et renforcent les structures et les procédures institutionnelles pour intégrer pleinement les questions d’environnement et de développement dans toutes les sphères de la prise de décision. On considère également qu’il est essentiel pour le développement durable que les États développent des stratégies à long terme incluant l’utilisation de l’évaluation des impacts environnementaux et sociaux, l’analyse du risque, l’analyse coûts-bénéfices et la comptabilité des ressources naturelles.
Par ailleurs, l'intégration des politiques environnementales, sociales et économiques nécessite également de la transparence et une large participation du public dans la prise de décision par les autorités. Des tribunaux internationaux ont insisté sur les trois piliers du développement durable (les piliers économique, social et environnemental) en examinant les pétitions qu’on leur présentait.
La Commission interaméricaine sur les droits de l’homme a consacré une attention particulière à l’intersection des droits de l’homme, à l’environnement et au développement dans son rapport sur l’Equateur, dont on discute plus loin au chapitre 4 (Commission interaméricaine sur les droits de l’homme, Rapport sur la situation des droits de l’homme en Equateur, OEA/Ser.L/V/II.96, doc. 10 rev. 1, 1997). La 62 Commission réagissait à des réclamations affirmant que les activités d’exploitation du pétrole polluaient l’eau, l’air et le sol, ce qui rendait malades les habitants de la région et leur faisait courir un risque beaucoup plus important d’attraper des maladies graves.
Après une visite sur place, la Commission a directement exprimé ses inquiétudes pour le développement économique, en notant qu’il doit avoir lieu dans des conditions respectant les droits des individus concernés. Par conséquent, alors que le droit au développement implique que chaque Etat peut exploiter ses ressources naturelles, «l’absence de règlement, des règlements inappropriés ou un manque de supervision dans l’application de normes toujours existantes peuvent poser de graves problèmes relatifs à l’environnement qui se traduisent par des violations des droits de l’homme protégés par la Convention américaine».

A la lumière de l'analyse qui précède, nous pouvons affirmer avec force es principes du développement durable deviennent typiquement du droit national soit en exprimant la durabilité comme un super-mandat superposé aux autres lois nationales, soit en développant une législation réputé de faire respecter le développement durable par le biais d’un processus de régulation et de contrôle de l’activité économique.

II- LA PRÉVENTION ENVIRONNEMENTALE, UN OUTIL INCONTOURNABLE A LA PROTECTION DE L’ENVIRONNEMENT

L’expérience et l’expertise scientifique prouvent que la prévention doit être la règle d’or de l’environnement, à la fois pour des raisons écologiques et économiques. Il est souvent impossible de remédier aux dommages environnementaux: l’extinction d’une espèce de faune ou de la flore, l’érosion et le déversement de contaminants persistants dans la mer créent des situations insolubles, voire irréversibles. Même lorsqu’on peut remédier au dommage, le coût de la réhabilitation est souvent prohibitif. Dans de nombreux cas, il est impossible de prévenir tous les risques de dommage. Dans ces cas-là, on peut juger utile de prendre des mesures pour rendre le risque «aussi minime que possible dans la pratique» afin d’autoriser des activités nécessaires en protégeant en même temps l’environnement et les droits des autres. (voy. affaire Solothurn contre Aargau, Tribunal fédéral de Suisse, 1er novembre 2000). Dans d’autres cas, une injonction permanente peut être nécessaire pour éviter des dommages graves ou irréversibles.
Le principe de prévention est complexe étant donné le nombre et la diversité des instruments légaux dans lesquels il s'inscrit. Il faut le voir comme un objectif général donnant lieu à une multitude de mécanismes légaux, comprenant l’évaluation préalable des dommages environnementaux, des licences ou des autorisations qui définissent les conditions dans lesquelles il faut agir et les réparations résultant de la violation de ces conditions. Les limites d’émission et d’autres normes touchant les produits ou les processus, l’utilisation des meilleures technologies disponibles (MTD) et de techniques similaires peuvent toutes être considérées comme des applications du principe de prévention.

L’approche préventive peut également impliquer l’élaboration et l’adoption de stratégies et de politiques.
In fine, selon le pouvoir judiciaire, le principe de prévention peut par exemple appeler à un usage plus fréquent des mesures provisoires et des injonctions pour s’assurer que la situation ne continue pas à se dégrader pendant une action.