Coup de projecteur sur le devenir des déchets électriques et électroniques
Par Sandrine EICHENLAUB
Juriste environnement
SNCF
sandrine.eichenlaub@hotmail.fr
Posté le: 22/01/2012 11:22
Éléments apparemment anodins, les équipements électriques et électroniques génèrent de nombreuses pollutions. En effet, il convient en tout premier lieu de considérer les quantités impressionnantes de dioxines et de métaux lourds présents dans ces composés. Ils ont ainsi un effet notable sur l’écotoxicité terrestre, qui ne cesse de prendre de l’ampleur. Mais cela n’est pas tout. Ce type de déchets contribue également à certains phénomènes ô combien médiatisés tels que l’effet de serre, l’acidification de l’air, l’épuisement de ressources non renouvelables.
Face à une situation qui n’a eu de cesse de s’aggraver et qui contribue corrélativement à la diminution de notre qualité de vie et à une détérioration de notre santé, la communauté européenne s’est engagée à prendre des mesures efficaces et draconiennes. Elles se traduisent principalement par la mise en place de deux directives, datées du 27 janvier 2003 : la directive 2002/96 CE dite DEEE (Déchets d’équipements électriques et électroniques) et la directive 2002/95 CE dite directive ROHS (Restriction of the Use of certain Hazardous Substances in electrical and electronic equipment) .
Il convient à présent de les analyser successivement afin de dégager les obligations qui en découlent mais aussi de voir l’avenir qui leur est réservé.
Tout d’abord qu’en est-il de la directive DEEE ? Les équipements électriques et électroniques visés par le présent texte sont principalement « les équipements fonctionnant grâce à des courants électriques ou à des champs électromagnétiques, ainsi que les équipements de production, de transfert et de mesure de ces courants et champs, conçus pour être utilisés à une tension ne dépassant pas 1000 volts en courant alternatif et 1500 volts en courant continu » dans des catégories précisées par décret. Le premier objectif de cette directive était avant tout de « contribuer à la protection de la santé humaine et à la valorisation et à l’élimination non polluante des déchets d’équipements électriques et électroniques ». L'autre objectif, certes secondaire mais néanmoins important, était également d'éviter de fausser la concurrence entre États membres en uniformisant la gestion et le traitement des déchets à risques.
Voici, dans un premier temps, les déchets d'équipements électriques et électroniques visés par la présente directive. Dix catégories d'appareils sont référencées :
- gros appareils ménagers
- petits appareils ménagers
- équipements informatiques et de télécommunications
- matériel grand public
- matériel d'éclairage (sauf ampoules à filament et appareils d'éclairage domestiques)
- outils électriques et électroniques
- jouets, équipements de loisir et de sport
- dispositifs médicaux
- instruments de surveillance et de contrôle
- distributeurs automatiques
Dans cet esprit, la communauté européenne posa plusieurs obligations envers les producteurs.
Tout d'abord, ces derniers sont définis comme toute personne qui, quelque soit la technique de vente utilisée, y compris à distance, fabrique et vend des équipements électriques et électroniques sous sa propre marque. Il s'agit également de toute personne qui importe ou exporte des équipements électriques et électroniques à titre professionnel dans un État membre.
Dès le 20 juillet 2005 (date du décret de transposition de la directive), il est imposé diverses exigences au producteur d'éléments électriques et électroniques.
Il se doit tout d'abord de collecter tous les équipements électriques et électroniques des ménages et assimilés. L'objectif fixé était de 4kgs/an/habitant avant la fin de l'année 2006. De plus, il doit également être en mesure de reprendre gratuitement les anciens équipements lors de l'achat par un ménage d'un appareil similaire.
L'autre exigence phare est l'imposition d'un traitement particulier de certaines substances dangereuses et de certains composants particulièrement nocifs, présents dans ces équipements. A titre d'exemple, citons le mercure, le CFC, le cadmium, les PBB, les PBDE, le plomb, les cartes de circuits imprimés, les condensateurs au PCB.
Enfin, conformément à une directive fixant la hiérarchie de traitement des déchets, il s'agit de privilégier avant tout la réutilisation des déchets d'équipements électriques et électroniques. Ensuite il conviendra de s'intéresser de plus près à un potentiel recyclage de ces éléments. Enfin la valorisation énergétique sera de rigueur. L'élimination pure et simple se devra d'être la dernière possibilité si aucun de ces moyens n'a pu être employé par le producteur. Le traitement de ces déchets devra se faire directement par le producteur. Ils pourront aussi être transmis à un organisme agréé.
Pour ce qui est du financement, celui-ci a donné lieu à de nombreuses discussions qui se sont soldées par une nouvelle directive 2003/108/CE du 8 décembre 2003 qui permit une modification de l'article 9 de la directive précédente relatif au financement des déchets professionnels. Ainsi, pour ce qui est des déchets d'équipements électriques et électroniques des ménages, le producteur se devra d'assurer au moins le financement de la collecte à partir du point de collecte. Vient ensuite l'obligation de financer le traitement, la valorisation et l'élimination des DEEE, et ce à compter du 13 août 2005.
En revanche, pour ce qui est des déchets d'équipements électriques et électroniques des professionnels, le producteur finance en totalité la collecte, le recyclage, la valorisation ou l'élimination de ces déchets pour les équipements mis sur le marché après le 13 août 2005.
Les producteurs se doivent également d'informer les utilisateurs d'équipements électriques et électroniques ménagers sur :
- l'obligation de ne pas jeter les DEEE avec les déchets ménagers
- les systèmes de collecte mis à leur disposition
- les effets potentiels des substances dangereuses présentes dans les EEE sur l'environnement et la santé humaine.
N'oublions pas que le producteur a l'obligation de s'enregistrer sur le registre national tenu par l'ADEME (Agence De l'Environnement et de la Maîtrise de l'Énergie). Les producteurs communiquent à l'ADEME un rapport annuel sur l'enlèvement et le traitement des DEEE et sur les résultats en termes de réutilisation, de valorisation et de destruction.
Des contrôles du respect de ces obligations pourront évidemment être effectués, donnant lieu à une amende allant de 450€ à 1500€ en cas de non respect des prescriptions (contravention de 3ème et de 5ème classe).
Cela dit, il convient de savoir que cette directive est actuellement en cours de discussion. Elle devrait donner lieu à une nouvelle directive qui aura pour objectif une collecte de 70 à 80% et une valorisation de 50 à 75% des DEEE .
Intéressons-nous à présent de plus près à l'autre directive tout aussi importante : la directive 2002/95 CE dite ROHS (Restriction of the Use of certain Hazardous Substances in electrical and electronic equipment), applicable dès le 1er juillet 2006 et ce jusqu'au 2 janvier 2013. Cette dernière vise, quant à elle, la limitation concrète des composants et substances dangereuses présentes dans certains équipements. Elle est avant tout le résultat d'un travail visant à limiter et à réduire à la source les émissions et pollutions provenant des divers équipements électriques et électroniques.
L'objectif est finalement l'interdiction de certains composants polluants tels que:
- le plomb
- le mercure
- le cadmium
- le chrome hexavalent
- les polybromobiphényles (PBB)
- les polybromodiphényléthers (PBDE).
Néanmoins, une tolérance de 0.01% par unité de poids de matériaux homogènes pour le cadmium et de 0.1% pour les autres substances est admise .
Des exemptions existent néanmoins. Parmi elles, il s'agit de considérer les pièces détachées destinées à la réparation des équipements électriques et électroniques mis sur le marché avant le 1er juillet 2006, mais aussi les équipements qui font l'objet d'une réutilisation mis sur le marché avant cette date. Sont exclus les piles et accumulateurs, certains équipements militaires et les équipements médicaux.
Tous ces changements ont pu être à l'origine de la refonte totale de certaines productions. De ce fait, des conséquences excessivement néfastes pour l'emploi se sont faites ressentir. La qualité et la fiabilité des composants ROHS ont été revues et sont moins efficaces que ce qu'elles avaient été auparavant. Ces composants sont même plus chers. Pour faire face à ces difficultés et afin de faciliter la mise en place de la directive, un formateur ou un conseil spécialisé peuvent être d'une très grande utilité.
Cependant il ne faudrait pas oublier la nouvelle directive 2011/65, applicable dés le 2 janvier 2013, qui a considérablement modifié la première directive ROHS.
Tout d'abord une onzième catégorie a été ajoutée et vise les « autres équipements électriques et électroniques n'entrant pas dans la catégorie ci-dessous ». En outre, de plus en plus de dispositifs médicaux et autres instruments de mesure et de contrôle seront à présent soumis à la directive ROHS. Celle-ci prévoit aussi l'insertion dans les trois prochaines années de 4 substances supplémentaires telles que les plastifiants phtalates de type BBP, DBP et DEHP, ainsi que les retardateurs de flammes HBCDD. Les produits qui seront conformes à la directive ROHS se devront de porter un marquage CE.
Outre ces deux directives directement applicables aux déchets d'équipements électriques et électroniques, d'autres textes sont susceptibles de s'appliquer à ces mêmes déchets. Pour exemple, nous pouvons citer :
le décret du 7 mai 2007 relatif à certains fluides frigorigènes utilisés dans divers équipements frigorifiques et climatiques
le décret du 22 septembre 2009, relatif à la mise sur le marché et à l’élimination des piles et accumulateurs
le décret du 18 janvier 2001 définissant des teneurs en PCB dans les appareils et introduisant la notion d’un plan de décontamination et d’élimination des PCB.
En conclusion, il existe encore des règlementations que nous nous devons de considérer telles que la réglementation sur les déchets dangereux, impliquant le traitement séparé de certains composants d'équipements électriques et électroniques, et les réglementations sur les émissions polluantes des usines d'incinération, qui entraînent des restrictions sur les éléments incinérés.