Présentation du contexte juridique:

Dans le cadre de la gestion d’un sinistre survenant sur une Installation Classée pour la protection de l’environnement (ICPE) soumis à POI au sens de l’article R.512-29 du code de l’environnement, l’exploitant gère seul, avec ses moyens propres ou le concours des secours publics (dans le cadre d’une convention spécifique) les conséquences de ce sinistre.

Cependant si celles-ci s’étendent ou risquent de s’étendre au delà des limite de l’installation, le préfet dispose de la possibilité de déclencher un Plan Particulier d’intervention (PPI) et prend alors la direction des opérations de secours.

Dans ce cadre se pose alors la question du cadre juridique de l’action des secours publics lors d’intervention à l’intérieur d’établissements soumis à un Plan d’Opération Interne (POI), et plus particulièrement la question des cas d’engagement de la responsabilité des secours publics du fait de la mauvaise gestion du sinistre ou des conséquences du sinistre.

Cependant, il est apparut que si le cadre jurisprudentiel relatif à l’obligation faite à l’exploitant de se doter d’un POI ou encore sur les obligations relatives aux tests de mise en œuvre du POI, est assez clair, aucune jurisprudence, relative au cas spécifique de l’engagement de la responsabilité des secours public suite à leur intervention dans le cadre d’un POI/PPI, n’a pu être trouvée en l’état de mes recherches.

De même il est à noter que la circulaire du 12 janvier 2011 relative à l’articulation entre le plan d’opération interne, l’intervention des services de secours publics et la planification ORSEC afin de traiter les situations d’urgences dans les installations classées, qui encadre notamment la transition entre le Plan opération interne (POI) et le Plan particulier d’intervention (PPI), demeure assez vague sur la question.
En effet, celle-ci prévoit certes un transfert de responsabilité entre le Directeur des opérations interne (DOI, traditionnellement l’exploitant) et le COS ou le DOS lors de l’intervention des secours publics suite à un sinistre, mais ne prévoit pas expressément les modalités d’engagement de la responsabilité des secours publics en cas de sinistre.

Il est cependant à noter que dans l’absolu, et à défaut de jurisprudence spécifique, les règles encadrant l’engagement de la responsabilité des secours publics dans le cadre d’une intervention sur le site relèvent du droit commun de la responsabilité administrative que vous trouverez exposées ci-dessous.

La Responsabilité des services de secours :

De manière classique, la victime désirant engager la responsabilité des services de secours publics à fin d’indemnisation devra démonter que ces derniers ont commis une faute dans l’exercice de leurs fonction, faute ayant causé un préjudice.

1. La faute :
Depuis l'arrêt Commune de Hannapes (CE, 29 avril 1998 : Rec CE 1998, p. 185), le juge a abandonné l'exigence de faute lourde des services d'incendie pour engager la responsabilité de la puissance publique. Désormais la preuve par la victime d’une faute simple suffit. A titre d’exemple, cette faute peut être caractérisée notamment par :
- un retard des services de secours public : Ainsi, le retard de trente à quarante minutes dans la mise en marche de la motopompe transportée sur les lieux est considéré comme une faute de nature à engager la responsabilité de l'Administration. (CE, 29 déc. 1999, Communauté urbaine de Lille ; Rec. CE 1999, p. 436)
- une mauvaise organisation des secours : dans les circonstances de l'espèce de l’arrêt précité, eu égard, notamment, à la faible hauteur à laquelle se trouvaient les victimes, aux moyens en hommes et en matériel dont disposaient les sauveteurs et au délai qui a été nécessaire pour amener au sol l'une d'entre elles, le déroulement des opérations de sauvetage a été regardé par le juge comme entaché d'erreurs constitutives d'une faute de nature à engager la responsabilité de l’administration.


2. Personne publique responsable :
En premier lieu il peut s’agit du maire. Ainsi l'article L. 2216-2 du Code général des collectivités territoriales (CGCT) dispose que les communes sont civilement responsables des dommages qui résultent de l'exercice des attributions de police municipale , quel que soit le statut des agents qui y concourent.
Toutefois, au cas où le dommage résulte, en tout ou partie, de la faute d'un agent ou du mauvais fonctionnement d'un service ne relevant pas de la commune, la responsabilité de celle-ci est atténuée à due concurrence.
La victime du préjudice dispose, ainsi du choix entre attaquer la commune du lieu du sinistre ou la personne publique intervenante, qu'il s'agisse de l'État (CE, 18 nov. 1994, Épx Sauvy ; Rec. CE 1994, p. 503), à propos du largage par un avion de la protection civile d'un produit destiné à retarder la propagation du feu), du district gestionnaire des moyens de lutte contre l'incendie (CAA Nancy, 4 déc. 1997, District urbain de Toul) ou du service départemental d'incendie et de secours (CAA Bordeaux, 18 déc. 1990, n° 89BX00575).

De son côté, la commune peut, si elle ne souhaite pas supporter seule la responsabilité du dommage, appeler en garantie la tierce personne intervenante. La commune peut ainsi demander à être garantie des condamnations mises à sa charge en conséquence d'agissements fautifs commis par les agents du service départemental d'incendie et de secours (CAA Nancy, 1er juill. 1997, Commune de Saint-Yvi : Rec. CE 1997, table, p. 1069. Ou encore CAA Nantes, 10 juin 2005, n° 02NT011092, SFIS des Côtes d'Armor) ou d'une carence fautive dans la mise en place de mesures de surveillance destinées à parer à une éventuelle reprise du feu (CAA Lyon, 17 déc. 2001, n° 97LY20531, SDIS de l'Yonne).

Lorsque le sinistre se déroule sur le territoire d'une communauté urbaine, les dommages imputables à des défauts d'organisation ou de fonctionnement des services de secours et de lutte contre l'incendie engagent la responsabilité de la communauté urbaine et non celle de la commune sur laquelle s'est déroulé le sinistre (CE, 14 mars 1986, Communauté urbaine de Lyon c/ Sté Sapi : Rec. CE 1986, p. 72 et CE, 29 déc. 1999, Communauté urbaine de Lille, précité).
Dans cette hypothèse, la victime conserve la possibilité prévue par l'article L. 2216-2 du CGCT, d'engager directement la responsabilité de la personne publique intervenante, et la communauté urbaine peut appeler en garantie la personne intervenante en raison du mauvais fonctionnement de son service ou des fautes commises par ses agents.

4. Causes exonératoires :
Le comportement de la victime est de nature à atténuer ou exonérer la responsabilité de l'Administration : le retard avec lequel elle a prévenu les secours ou l'accumulation de matières inflammables pourront être, par exemple, retenus par le juge (CE, 19 mars 1965, Fouet : Rec. CE 1965, p. 183. Dans le même sens, CE, 21 janv. 1966, Cie d'assurances La paix et L'urbaine)


Conclusion :
Toute la question de la responsabilité l’action des secours public lors d’intervention à l’intérieur d’établissements soumis à un POI, et notamment en cas de mauvaise gestion du sinistre par ces dernier entrainant un préjudice pour l’exploitant, résidera dans la question de l’autonomie dont disposeront les secours publics dans l’organisation et la mise en œuvre des secours.

A partir du moment ou un événement accidentel nécessite l’intervention de moyens publics de secours pour lutter contre le sinistre, la circulaire du 12 janvier 2011 précitée, précise expressément que le régime de droit commun de l’organisation des secours s’applique. La responsabilité des opérations de secours est alors transférée du DOI ou DOS (le préfet ou le maire selon les cas prévus par la loi).

Dans ce cadre, tout manquement susceptible de caractériser une faute du fait des services de secours ou du fait de l’organisation des secours sera susceptible de permettre l’engagement de la responsabilité des différents acteurs dans les conditions décrites précédemment et permettre l’indemnisation du préjudice subit par l’exploitant.

Cependant, il faut souligner que l’exploitant pourra voir cette indemnisation réduite ou supprimée en cas si son comportement a favorisé ou causé l’aggravation ou l’apparition du sinistre. A titre d’exemple des renseignements erronés donné par le DOI aux secours publics serait de nature à exonérer partiellement ou totalement l’administration de sa responsabilité.

En ce sens ce devoir de conseil du DOI/exploitant est bien précisé par la circulaire 12 janvier 2011 qui prévoir explicitement que :
« Eu égard à la complexité des installations concernées et des risques afférents, l’exploitant joue un rôle primordial de conseiller technique de par sa connaissance de ses installations industrielles, de leurs potentiels de dangers et des effets dominos potentiels sur les installations voisines. En particulier, il fournit aux pouvoirs publics les informations techniques et circonstanciées nécessaires pour l’intervention. Conformément aux principes précédemment exposés, toutes les actions visant à agir sur les installations (arrêt, mise en sécurité,...) sont réalisées en étroite concertation entre l’exploitant et le COS et validées, le cas échéant, par le DOS. »

Enfin la question d’autorité responsable (Etat, communauté de commune, commune ou SDIS) sera à déterminer au cas par cas selon les règles précédemment cités.